A chiseled novel, such a nice style, the pleasure of literature.


La chronique littéraire d’Émile COUGUT.


Les auditeurs de France Musique connaissent une des facettes d’Arièle Butaux, animatrice de l’émission « un mardi idéal ». Cette pianiste et altiste, n’est pas qu’une animatrice d’une émission de radio, elle est aussi une écrivaine d’un talent certain. Son nouveau roman vient de paraître aux éditions « Écriture » et mérite toute l’attention des lecteurs amateurs de belle écriture, de belle histoire. « Belle » dans le sens étymologique, c’est-à-dire avec une vraie profondeur, avec des personnages qui ne sont pas que des pantins sous la plume de l’auteur, mais qui sont réalistes, qui ont une personnalité, un caractère, qui correspondent à des personnes actuelles, vivantes, pas à des personnages irréels, de fiction.

Olécio partenaire de Wukali

La belle Laura a changé de vie il y a deux ans en épousant Paul, artiste peintre, qui amoureux passionnément lui offre tout ce qu’elle désire. Alexandre son ancien amant, toujours amoureux, veut comprendre pourquoi celle qui était libre s’est enfermée dans un univers artificiel, à la recherche d’une pureté parfaite. Laura est non seulement belle mais dégage une aura indéniable, elle est devenue une sorte d’idole inatteignable, avec ses adorateurs, comme son amie Hélène qui s’habille comme elle, qui veut lui ressembler physiquement mais qui n’est qu’une sorte d’épouvantail n’ayant pas compris que ce qui fait la personnalité de Laura, ce ne sont pas ses vêtements de marque mais son passé. Et puis il y a Malika, la femme de ménage qui elle sait. Elle connait le secret de Laura, sa blessure. Car Laura joue un jeu, un jeu pour se voir protéger de son terrible passé. Elle n’a « pas d’amis, mais que des admirateurs », elle croit aimer Paul, alors qu’elle ne s’est mariée que pour avoir les moyens de devenir le personnage qu’elle a créé, une femme égocentrée, vivant sur l’apparence, lisse pour que personne ne puisse avoir de prise sur elle, une sorte de monstre froid transformé en idole, mais vivant dans la peur ce qui explique son caractère instable, capricieux et surtout sa phobie des couleurs autre que le blanc et surtout le rouge, le rouge sang.

Comme tout son monde est bâti sur les apparences, comme il ne s’agit que d’une fiction qu’elle a créé, de murailles derrière lesquelles elle s’est réfugiée, un petit accroc survient et tout cet univers s’effondre, la réalité reprend ses droits sur la fiction, sur l’artificiel. Tout n’était que jeu et apparences et on ne peut peu continuellement vivre dans l’irréel.

A la lecture de ce court roman, sûrement à cause de la couleur et des tableaux de Paul, le lecteur pense à « Art » de Yasmina Réza. Pour autant Mes lèvres sont mortes à minuit n’est pas un livre sur la perception des couleurs. Une variation sur les symboliques du blanc, certainement, sur la perfection inatteignable car impliquant le renoncement de ce que l’on est, et donc, en quelque sorte, impliquant une plongée dans l’irréel. Le lien avec l’œuvre de Yasmina Réza est aussi évident car ce livre pourrait facilement devenir une pièce de théâtre, une très bonne pièce. Il y a un seul décor, des dialogues parfaitement ciselés, des personnages ayant chacun un caractère, une profondeur bien affirmés.

Arièle Butaux sait écrire pour le théâtre, à preuve la pièce en un acte qui suit ce roman. Un très beau texte intitulé « Le choix du roi» qui porte sur la rencontre imaginaire entre Louis XIII et Cinq-Mars la veille de l’exécution de ce dernier. On y voit un roi seul, malheureux, en recherche d’amour, « le roi a tous les pouvoir, sauf celui d’être heureux », et un jeune homme écervelé, sûr de lui, adorant être flatté, croyant en lui, ne se rendant pas compte qu’il a été manipulé, que tout ce qui lui est arrivé n’est pas du à son talent mais à l’action d’hommes dans l’ombre.

Arièle Butaux décrit avec finesse la différence entre être un homme et être un roi, différence qui détruit Louis XIII, différence que dans sa superbe Cinq-Mars ne peut percevoir.

Le choix du roi est une belle variation autour de la célèbre phrase de Louis XII : « Le roi n’est pas tenu par les promesses d’Orléans » (Louis XII était Duc d’Orléans avant de monter sur le trône). Malgré sa volonté d’homme, Louis XIII doit se comporter en roi, la raison d’état doit primer sur les sentiments. Le choix de Louis XIII est de savoir s’il est un homme ou un roi, et de la réponse dépend la vie de Cinq-Mars, de l’homme qu’il aime.
Vivement que Le choix du roi soit monté sur les planches !

Emile Cougut
Chroniqueur de www.wukali.com



Mes lèvres sont mortes à minuit

Arièle Butaux

Éditions Écriture.15€95


WUKALI 10/10/2014


Illustration de l’entête: Photo France Musique


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