The importance to be earnest in a scientific environment and society !


L’éditorial de Pierre-Alain LÉVY.


Voilà deux semaines environ, je rédigeais un article ayant pour thème le spectaculaire exploit indien de mise en orbite autour de Mars d’un engin scientifique d’exploration, je développais autour de la question de la vulgarisation scientifique et de la vitesse exponentielle de multiplication du savoir et des difficultés à retransmettre ce dit savoir pour le faire percoler dans la société et tout particulièrement la société française et aussi je tonnais contre une certaine presse ignorante et limitée qui n’est pas dans son rôle premier de diffuseur du savoir et de l’information ![ (voir article)
->http://www.wukali.com/L-Inde-a-reussi-la-mise-en-orbite-autour-de-Mars-d-un-engin-spatial#.VDcjML6nqEQ]

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Aujourd’hui une toute autre information et de caractère médicale, une de ces informations qui transforment le monde ou tout du moins la perception de l’homme vient d’être diffusée dans les journaux : le cerveau n’est pas tout à fait ce que l’on croyait jusqu’ici, plus précisément la zone de Broca dans l’hémisphère gauche considérée jusqu’à présent comme la zone du langage n’a pas les attributs qu’on lui attribuait, c’est un grand médecin français le professeur Hughes DUFFAU, spécialiste de neurochirurgie qui le confirme.

Je ne pensais pas en écrivant ces lignes que mon propos serait consolidé de façon aussi rapide et formidable par une telle nouvelle : ainsi la zone de Broca ne serait donc pas la zone du langage et preuves expérimentales à l’appui, le professeur Duffau démonte une croyance médicale bien ancrée et vieille de plus d’un siècle. Les opérations menées par Monsieur Duffau sont tout bonnement extraordinaires. Le neuro praticien peut traiter les tumeurs cérébrales qu’il opère avec une maîtrise que d’aucuns qualifieraient de faustienne et choisit en accord avec ses patients quelles priorités thérapeutiques et chirurgicales doivent être impérativement conduites ( Tous les détails médicaux sont relatés dans l’article paru dans L’Express )

Bien au delà de la prouesse médicale dont je laisse aux spécialistes dont je ne suis pas le soin de débattre, je préfère focaliser ma réflexion sur un aspect plus général. Plus opportun est de mettre en exergue et en parallèle cette même découverte avec l’exposition Le C3RV34U exposition neuroludique (très joli néologisme) actuellement présentée à la Cité des Sciences à Paris. Qu’y voit-on, que découvre-t-on, qu’apprend-on ?

L’exposition est fort bien faite et permet d’assimiler par des manipulations que chacun peut expérimenter un certains nombre de tests qui ont tous capacité dans l’exploration non seulement du cerveau mais dans les corrélations entre celui-ci et des attitudes réflexes ou cognitives réflexes. Une masse d’information est présentée.

L’intérêt d’un grand musée scientifique, comme il en existe un certain nombre dans le monde, c’est de permettre au grand public et tout particulièrement aux plus jeunes de s’accaparer avec curiosité, enthousiasme et surtout plaisir des connaissances dont certaines d’entre elles peuvent à priorité sembler ardues ou absconses et La Cité des Sciences est de ce point de vue là une excellente et intelligente institution, toutes ses expositions sont passionnantes.

L’excellent catalogue mis au point pour l’exposition C3RV34U et paru aux éditions de La Martinière, permet de découvrir et d’étudier, c’est même une de ses raisons d’être, sur des sujets parfois d’un accès peu facile. Un catalogue, quel qu’il soit, et l’on pourrait dire la même choses pour les grandes expositions d’art et je serais même tenté d’ajouter pour les catalogues commerciaux, constitue toujours une référence, un positionnement dans le temps, un jalon, un repère, c’est graver dans le marbre pour les temps présents et à venir.


Mais ce qui aujourd’hui est, et je cherche mes mots, tout simplement formidable, époustouflant, c’est ce hiatus entre ce que présente l’exposition notamment pour ce qui a trait à la zone de Broca ( zone du langage) et le télescopage d’une découverte très récente, à savoir celle démontrée et expérimentée chirurgicalement par le professeur Duffau et qui vide de son contenu tout le savoir jusque là accumulé depuis plusieurs d’années sur cette zone spécifique de l’hémisphère gauche cérébral.

Autrement dit la science elle aussi, et nous le savons depuis belle lurette galope à toute vitesse, et même ses plus fidèles serviteurs, ses plus expérimentés experts arrivent quelquefois à ne pas suivre, voire à se contredire. Qui plus est la science des uns s’oppose à la science des autres (cela n’est au demeurant pas nouveau). L’avancement des connaissances, leur expansion, dans ce que l’on appellerait en marketing des niches, est aujourd’hui devenu tellement phénoménal, le flux exponentiel, la diffusion et la transmission complexes et malaisées que l’obsolescence menace alors même que la grande majorité de ce que l’on nomme par commodité langagière le grand public est très largement ignorant de la moindre de ces données. Au demeurant tout cela constitue aussi une stimulation intellectuelle, une aubaine de choix existentiel fabuleuse.

Au sein même de ce qui peut apparaître de l’extérieur comme d’infimes chapelles scientifiques de spécialistes coexistent aussi cette même dichotomie avec ceux qui sont porteurs de la connaissance la plus pointue, et c’est bien là l’extrême et ahurissant paradoxe ! Le fossé de la connaissance séparant les uns des autres ne fait que s’accroître. On est passé sans que grand monde n’y prenne garde de la lutte des classes si j’ose ainsi dire à la lutte des savoirs comme jamais dans toute l’histoire de l’humanité cela n’a existé, ou pour être encore plus précis à l’élargissement gigantesque qui sépare ceux qui savent de ceux qui ne savent point, et comble de tout cela le même phénomène est aussi perceptible au coeur même de toutes les communautés du savoir ! Jamais pourtant et en termes absolus n’a-t-on accumulé tant de connaissances !

Voilà bien exprimées et de façon paradoxale les difficultés de la vulgarisation scientifique, autrement dit et plus simplement, la complexité de faire passer des messages, des informations de haut niveau vers un grand public moins sensibilisé, moins armé intellectuellement et cela sans aucune connotation péjorative faut-il le souligner. Le comble c’est que ces informations sur le cerveau sont tout d’un coup, je ne dirais pas démonétisées, cela serait hors de propos, mais pour le moins déjà devenues pour certaines d’entre elles fragilisées, voire fausses et les découvertes et pratiques neuro-chirurgicales du Professeur Duffau le démontrent !

C’est là que réside la difficulté, c’est ce décalage de connaissance d’autant plus étonnant qu’il trouve son expression non point dans auprès d’un public non averti mais au sein même d’une société scientifique parfaitement respectable, elle-même en mouvement, en interrogation, en expertise, en pratique et finalement bousculée par elle-même.

L’on peut au demeurant parfaitement considérer que ce débat sur deux thèses contradictoires (voire davantage) est parfaitement productif et positif, indubitablement ! La difficulté la plus importante de notre temps est circonscrite dans ce déficit de l’enseignement scientifique installé dans notre système d’enseignement, mais très probablement aussi au sein même de notre société ( le système scolaire et d’enseignement est loin d’être le seul responsable de tous nos maux et de nos déficits intellectuels, même s’il est cependant en première ligne et que son rôle est plus que jamais fondamental voire stratégique). Ce constat de manque, ce déficit du partage de la connaissance et du savoir, ces duels entre savants et sachants, ce fossé abyssal entre les uns et les autres, devrait pouvoir être compensé par des relais médiatiques qui seraient dans leurs rôles de transmetteurs, d’intercesseurs et d’interprètes pour diffuser tant auprès du grand public que des spécialistes, des éléments affinés de la connaissance scientifique dans sa plus large diversité. Rêve ou utopie, espoir en tous cas et nécessité aussi !

Pierre-Alain Lévy
Rédacteur en chef de www.wukali.com


WUKALI 10/10/2014


Pierre-Alain Lévy

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