Le Palais des Beaux Arts de Lille présente jusqu’au 6 février 2012 une rétrospective consacrée au peintre Louis Boilly (1761-1845).

Louis Boilly est l’un des plus beaux peintres français des XVIIIe et XIXe siècles dont la renommée a su jouer des vicissitudes de l’Ancien Régime à la Révolution française, de l’Empire à la Restauration, tant il fut au cœur des événements historiques qui ont secoué la France et l’Europe. Il a 28 ans en 1789, et meurt trois ans avant la révolution de 1848, à l’âge de 84 ans.

Tout au long de sa carrière, Boilly n’aura de cesse de faire des changements de société ses thèmes privilégiés. Qui pense vie quotidienne ou chroniques des mœurs parisiennes voit les tableaux, les dessins et les gravures de Boilly : du Triomphe de Marat (Palais des Beaux-Arts, Lille ; Musée Lambinet, Versailles) aux Galeries du Palais Royal (Musée Carnavalet, Paris ; The Art Institute, Chicago); des Scènes de boulevard (National Gallery, Washington) aux Politiciens au jardin des Tuileries (Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg).

Fortes d’une célébrité jamais démentie, ses œuvres sont appréciées dès son vivant. Sa peinture fine, inspirée des maîtres hollandais du XVIIe siècle, mais révélatrice par ailleurs de son admiration pour l’art de David, plaît aux collectionneurs de l’époque en quête d’une peinture à la facture lisse, nette, d’une technique savante et illusionniste. Aujourd’hui, les plus grands musées internationaux cherchent à acquérir des œuvres de Boilly aux prix d’adjudication souvent prodigieux.

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Honorée du label d’intérêt national, l’exposition du Palais des Beaux-Arts de Lille constitue la première grande rétrospective internationale consacrée à Boilly, destinée à célébrer le 250eme anniversaire de sa naissance à La Bassée, aux portes de Lille. Les ouvrages d’Henry Harrisse (1898), de Paul Marmottan (1913) et de Mabille de Poncheville (1931) donnèrent le coup d’envoi à la recherche sur Boilly. La première exposition, organisée par les amis du Musée Carnavalet (1930), puis celles des Musées Marmottan (1984), de Lille (1989) et de Fort Worth aux Etats-Unis (1996) mirent en lumière un nombre choisi d’œuvres.

Réunissant 190 peintures, dessins, lithographies, miniatures et pièces de mobilier issus des plus prestigieux musées internationaux, l’exposition de Lille propose un regard inédit et complet sur la production de Boilly. En sept sections chronologiques et thématiques retraçant l’itinéraire du peintre, l’événement rassemblera ses grands chefs d’œuvre conservés à Paris et dans la région Nord-Pas de Calais mais aussi en Angleterre, aux Etats-Unis, en Russie, en Allemagne et dans de nombreuses collections particulières.

Les accents romantiques de sa sensibilité, proche de l’esprit britannique, son regard humaniste et incisif, reflet de ses origines septentrionales et de l’esprit néoclassique de David, son intérêt technique pour la lithographie et l’optique sont les ferments du vaste monde pictural de Boilly. L’exposition évoquera naturellement la virtuosité du portraitiste, l’aspect le mieux connu de sa production, mais elle démontrera surtout l’envergure du talent d’un peintre étonnant, chroniqueur malicieux constamment attentif aux faits de son époque et à leur incidence sur ses contemporains.

Facétieux, Boilly a également aimé pratiquer l’art du trompe-l’oeil, renouvelant le genre avec un don exceptionnel. Le plaisir de la caricature n’est jamais loin; il s’adonne avec truculence à la transformation grinçante des visages et des corps, annonciatrice de Daumier et du développement moderne de la peinture au XIXe siècle.

La virtuosité de son exécution, la fantaisie, voire l’humour de son inspiration, s’expriment librement dans les scènes de la vie parisienne. Le souci d’une description minutieuse, que l’emploi de la grisaille imitée de la gravure rend illusionniste (Les Galeries du Palais-Royal, 1809, Paris, musée Carnavalet) et le conduit au trompe-l’œil (Guéridon aux pièces de monnaie, v. 1808-1814, musée de Lille), témoigne d’une familiarité profonde avec les œuvres hollandaises du XVIIe siècle (Ter Borch, Dou, Van Mieris), que les collectionneurs recherchaient, Boilly le premier. En revanche, sa facture pure et lisse pour définir formes et reliefs, l’habileté et la vie de ses mises en scène rappellent l’adhésion du peintre à l’art de David qu’il admirait (Jeune fille à la fenêtre, vers 1799, Londres, National Gallery).

Chronique des milieux artistiques, sa série des Ateliers – thème courant au XIXe siècle (Houdon dans son atelier, 1804, Paris, musée des Arts décoratifs) – est un exemple de la diversité de son talent de portraitiste, combinant à la fois portrait collectif, portrait individuel et étude d’expression, notamment pour son Atelier d’Isabey (1798, Louvre). Boilly aborde également un certain romantisme en brossant plusieurs portraits en pied, sur fond de paysage (Mlle Athénais, 1807, Paris, Musée du Petit Palais) dont la précision raffinée, rappelant celle de son contemporain Ingres, ne nuit pas à la poésie du sujet.

Recourant souvent au lavis et à l’aquarelle dans ses dessins (L’Enfant puni, musée de Lille), Boilly est aussi un prodige de la lithographie. Sa rencontre, en 1807, avec le docteur allemand François-Joseph Gall, père de la phrénologie – cette discipline voyant dans la morphologie du crâne la manifestation de certains traits de caractère – influence probablement Boilly dans sa réalisation des Grimaces (1823), cette fameuse série qui, en 92 caricatures grinçantes, pointait les travers de ses contemporains, annonçant l’art mordant d’un Daumier à venir.


Louis BOILLY

Palais des beaux Arts de LILLE

Jusqu’au 6 février 2012


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