Ce sont des histoires dont la presse anglaise est friande, celles où sexualité, célébrités et faits divers se télescopent dans une atmosphère un peu glauque pour la plus grande soif gourmande et intéressée des tabloïds qui s’en repaissent.
Cette fois ci, c’est l’estimé Guardian, qui rend compte d’une biographie controversée de Benjamin Britten dont on s’apprête à bientôt célébrer le centenaire de sa naissance.
Les révélations qui y sont faites sur une supposée syphilis ou non du compositeur, ont provoqué une tempête dans le monde culturel et musicien.
Timothy Orpington.
Dans un livre qui vient de paraître à Londres, l’ auteur, l’auteur Paul Kildear suggère que le compositeur est non point mort d’une crise cardiaque mais des complication dues à la syphilis.
Le cardiologue qui s’occupa de B. Britten dans les trois années précédent sa mort dément totalement ces assertions et réfute avec véhémence les suggestions selon lesquelles le chirurgien qui l’opéra en cacha les preuves.
Le Guardian qui examina les notes médicales dont l’auteur de la biographie n’avait pas même eu connaissance pour son livre, indique qu’il n’y apparait nulle référence à la syphilis ne serait ce que sous quelque forme elliptique que ce soit.
Selon Kildea, la rumeur de la syphilis du musicien était apparue pendant l’été 1973 quand Britten avait été opéré par son chirurgien Donald Ross pour le remplacement d’une valve aortique qui après l’ouverture thoracique trouva «une aorte crevassée par une syphilis tertiaire».
Un cardiologue réputé Michael Petch, qui à l’époque de l’opération était en charge au National Heart Hospital du dossier médical de Benjamin Britten et qui vient de relire les rapports médicaux opératoires ainsi que d’autres documents d’expertise a fait savoir dans un délicieux euphémisme dont les Anglais ont le secret que le compte-rendu de Kidea était « déséquilibr’é » (unbalanced.) Il écrit «bien que la syphilis ne soit pas impossible, cela ne correspond pas avec tout le reste… il n’ y a nul support sérologique, bactériologique, pathologique, ouu histologique pour un tel diagnostic. Ma conviction est bien que les origines de la mort de Britten sont telles que celles données au moment des faits ( crise cardiaque exclusivement et sans syphilis)) et que le diagnostic doit être considérée comme complétement conforme.»
Le biographe Paul Kildea explique que pour construire son livre il eut recours aux informations d’un autre cardiologue le Docteur Hywal Davies près de qui le docteur Ross se serait confié plusieurs années après l’opération, dissimulant ainsi la vérité à un moment où était stigmatisé tout ce qui touchait à la maladie vénérienne ( le docteur Ross est aujourd’hui très malade et n’a pas pu être cité dans l’article du Guardian ni dans la biographie de Kidea)
Kidea a dit au Guardian «Je suis heureux que des documents aient été retrouvés mais que cela ne change rien à son dernier chapitre et Petch ne peut le balayer d’un revers de main; Davies répète : Donald Ross lui a dit que l’aorte était syphilitique, peu importe ce ce qu’il a dit ou écrit.»
«Foutaise» (rubbish), répond à cela Michael Petch, il ne faut pas moins de 14 personnes pour réaliser une chirurgie cardiaque, et il est impensable d’imaginer qu’un tel secret n’ait pu alors transpiré.
Le docteur Petch cotinua à soigner Britten jusqu’à sa mort en 1976 et lui rendait visite dans sa maison du Suffolk deux fois par an.
«Si Ross avait considéré qu’il y avait syphilis,il aurait alors fait appel à un spécialiste en vénérologie, lui demandant d’être discret et de ne pas le visiter au National Heart Hospital par exemple. Mais Ross, ainsi que Graham Hayward ( son cardiologue et chef de service) me l’auraient alors fait savoir»
Un autre médecin spécialiste des maladies vénériennes consulté par Le Guardian, le docteur Ben Goh, s’est penché sur le dossier médical et a séparément conclu qu’il était fort «improbable» (unlikely), qu’il ait souffert d’une syphilis cardiovasculaire ( une forme tertiaire qui affecte l’aorte et la valve aortique).
Il ajoute que les notes médicales indiquent qu«‘il n’y a pas d’autres signes cliniques… qui suggéreraient une possibilité de syphilis, dans un tel cas on trouve des dépots de calcium sur l’aorte mais il n’y en a pas trace à l’examen du thorax aux rayons X». Le médecin demeure très sceptique sur ce que sous-tend la biographie à savoir qu’en 1940 une amygdalite à streptocoque provoqua des suées et des hallucinations parce que «son corps en réalité réagissait à la syphilis alors arrivant au stade secondaire». Il précise «Les suées et les hallucinations ne sont pas des symptômes d’une syphilis en stade deux.»
Le compositeur Colin Matthews qui fut dans les années 70 assistant de Benjamin Britten et administrateur de la Fondation Britten-Spears conclut «Quelles que soient les résultats de cette enquête, et c’est bien difficile de prouver quoi que ce soit , cela ne fait aucune différence au fait que Britten est un compositeur.»
Le livre de Paul Kidea prétend que Britten a été contaminé par son ami Peter Spears qui était un porteur sans symptôme de la maladie.
«Much ado for nothing», Beaucoup de bruit pour rien, n’est ce pas ! Voici un jeu de société qui fait les délices de nos amis anglais, quoiqu’il en soit cette frappe médiatique aura eu pour effet de propulser le nom de Benjamin Britten en cette année de commémoration. On eût préféré plus de sérieux académique.
Benjamin Britten
A Life in the Twentieth century. Par Paul Kildea . Penguin Books