La chronique littéraire d’Émile COUGUT.
Il ne viendrait à personne l’idée de ranger dans l’enfer de sa bibliothèque 50 nuances de Grey de E. L. James, car sa place est sur le rayon des romans sentimentaux (en un tout petit peu plus piquant) à côté de Delly et de Barbara Cartland, tout comme on ne classe pas un disque d’André Rieu entre ceux de Rachmaninov et d’Éric Satie.
La pauvreté fantasmagorique et la méconnaissance totale de la littérature érotique des ménagères américaines sont particulièrement bien perçues, par une sorte d’effet de miroir, dans le livre de l’italienne Rossella CALABRO : Quarante- neuf nuances de Loulou.
En quarante-neuf petits chapitres, chacun représentant une nuance du caractère masculin, Rosella CALABRO fait un portrait réaliste et touchant de l’homme moderne. Chacun chapitre est construit de la même façon : d’abord une description de Grey, sorte de prince charmant de contes de fées et de son Anastasia sorte de poupée de luxe ouverte aux désirs sexuels permanents de son amant, puis, dans le même contexte, une de Loulou, c’est à dire d’un homme normal, réel et de sa Julie, femme normale, réelle. Une grande tendresse pour ce Loulou est perceptible dans chaque phrase. Soit il est loin d’être parfait, il peut être vulgaire, machiste, égoïste, plein de contradictions, s’assumant plus ou moins bien, mais il est vivant, amusant, tendre, désemparé, totalement dépendant de sa Julie. Ce n’est pas un être parfait, froid, dominateur, voire calculateur comme Grey. Loulou n’est pas un Pygmalion dont le seul but est son plaisir sexuel avec une sorte de machine de sexe féminin payée pour assouvir ses désirs et ses fantasmes.
Bien sur Loulou a une sexualité avec des fantasmes, mais une sexualité bien plus complexe, pleine de contradictions. Mais surtout il ressent une sexualité nécessitant un vrai partage avec une vraie partenaire ayant son autonomie, ses envies, ses fantasmes. Une sexualité qui nécessite du respect, une égalité de deux êtres vivant dans un monde réel et non artificiel, deux êtres avec leurs soucis du quotidiens, leurs envies, leurs besoins, leurs tabous, leurs refus. La dernière phrase : « n’y a-t-il pas meilleur Loulou que celui que nous n’essaierons jamais de faire ressembler à Monsieur Grey ? », est à elle seule un parfait résumé de ce petit livre et de l’humanité qui s’en dégage.
Loulou est loin d’être parfait, mais au moins, lui, il vit et sa Julie vit aussi avec sa personnalité, ses contradictions et sa tendresse.
Loulou est l’inverse de la beauté froide, formatée, reproductible plus ou moins à l’infini de Grey. C’est un homme qui s’assume plus ou moins bien comme homme.
Loulou est le portrait de Dorian Gray, et non Dorian Gray.
Quarante-neuf nuances de Loulou n’est pas une parodie, pas un pastiche, pas une critique, pas un essai, pas un roman, mais une sorte de divagation ethnologique sur la réalité quotidienne des Loulou et des Julie.
Quarante-neuf nuances de Loulou est un petit bijou de drôlerie, de détente, de tendresse.
Quarante-neuf nuances de Loulou est un livre joyeux sur la vie, marquée par une vraie empathie pour le genre humain. Un remède indispensable pour tous les dépressifs mal dans leur peau.
Emile Cougut
Quarante-neuf nuances de Loulou
Rossella CALABRO
Éditions Albin Michel. 12€
Vous venez de lire la première chronique littéraire pour Wukali d’ Émile Cougut. Sous ce nom, une personnalité solaire, rayonnante, dense, passionnée, subtile, tourmentée et sensible comme le sont tous les artistes, un gourmand des mots, un amoureux des livres, et puis un style, une analyse fine, une écriture pétillante, profonde, cultivée, un vrai régal, aussi nous sommes très fiers et très heureux de l’accueillir parmi nos plumes.
Laissons à Émile Cougut le soin de se présenter lui-même.t
Bienvenue Émile !
A la fin de la quatrième, mon professeur de français, persuadée que je serai toujours un ignare, me dit que je ne serais jamais capable de lire les «Mémoires d’outre tombe» de Chateaubriand. Par défi, j’ai les ai achetées, et j’ai découvert l’univers de la littérature.
Depuis, je lis… je lis tout le temps, même en marchant… je lis tout aussi bien un policier que Platon… Je lis les auteurs français comme les sud américains ou les albanais… je lis pour découvrir des auteurs, des idées, des civilisations, etc.
Je lis pour apprendre, pour relativiser l’univers dans lequel je vis. Je lis pour apprendre l’humanité dans toute sa complexité. Mais je ne lis que des livres papier, je suis conservateur à ce niveau. Je garde tous mes livres, quel plaisir de prendre un volume au hasard dans la bibliothèque, de l’ouvrir n’importe où, de lire deux ou trois phrases et de se replonger dans l’univers de l’écrivain.
Je n’ai pas suivi un cursus universitaire en lettres classiques ou modernes. De fait, je me reconnais comme un autodidacte qui réagit plus par rapport à ses goûts, ses envies, ses besoins, et non par rapport à des écoles, des théories, des styles. Aussi, parfois, je peux sembler à contre courant par rapport à l’opinion dominante, voire plein de mauvaise fois. Mais au moins je réagis comme je suis et non comme un suiveur.
Emile Cougut