Apprêtez-vous à rire, à aimer, puis applaudir passionnément l’opéra de Henry Purcell mis en scène par Shirley et Dino et dirigé par Hervé Niquet à la tête du Concert Spirituel.
Le moins que l’on puisse dire c’est que ce spectacle est décapant et teinté de cet humour anglais style Monthy Pythons revisité par les Branquignols. Décalé, loufoque, drôle, égrillard, facétieux, débridé, original, preste, déjanté, on ne peut mieux baroque, on y voit dans la scène de l’«Air du froid», des pingouins sortir d’un réfrigérateur, des soldats glissés sur la glace comme des patineurs. La mise en scène est d’ailleurs dans le droit fil du théâtre élisabéthain, l’important ne réside pas dans la copie servile mais dans la suggestion et le travail de l’imaginaire.
La complicité ente Hervé Niquet et Dino est totale. Non seulement Dino ou plus exactement Gilles Benizio, a signé la mise en scène, mais il intervient dans le spectacle provoquant avec sa complice et épouse Shirley des tonnes de rire, il y prend à l’évidence un immense plaisir et le public ne s’y trompe pas d’ailleurs, la magie opère, Gilles Benizio y est inventif, subtil . Qui n’eût imaginé le voir passer du cirque Achille Tonic ou des lucarnes du petit écran vers le plateau d’un opéra, il y excelle pour notre plus grand bonheur ! Pourtant rien ne l’y préparait et naguère l’univers de la musique classique lui était largement inconnu. C’est Hervé Niquet qui un jour à l’issu d’un spectacle à Versailles lui a demandé de réfléchir à une mis en scène et à une coopération. Les deux hommes se connaissaient et s’apprécient et« la sauce a pris». Chaque représentation conforte les deux artistes au bien fondé de leurs choix et au fil du temps, Gilles Benizio, découvre avec de plus en plus d’intérêt et de plaisir (c’est bien d’ailleurs là le maître mot), l’univers de la musique classique. Il semblerait même que des projets de nouvelles mises en scène soient en préparation, mais chut …!
L’oeuvre de Purcell (1659-1695) a été débarrassée par Hervé Niquet de toutes ses scories textuelles non musicales (l’expression parfaite du semi opéra d’essence anglaise) écrites par le librettiste Dryden et qui représentaient plus des trois-quarts de l’oeuvre d’origine, laissant ainsi toute sa place à la musique seule qui étincelle alors. Le sujet, une sombre histoire de rivalité entre le Roi très chrétien Arthur et le méchant saxon Oswald, qui veulent chacun séduire la belle Emmeline, disparait sous la musique. Les mélomanes seront satisfaits, la musique est respectée, les chanteurs sont excellents, les musiciens de l’orchestre parfaits, que demander de plus!
Et pourtant si, ce plus existe ! C’est précisément cette joie drolatique qui traverse l’oeuvre représentée, cette jubilation partagée, cette complicité totale entre un chef, Hervé Niquet, le metteur en scène Gilles Benizio, les chanteurs, les musiciens et le public (qui devient même partie prenante du spectacle et est sollicité par les artistes) qui donne force à l’opéra de Purcell. Cette entropie (le mot est à la mode), c’est à dire cette capacité de partage et d’émotion, cette main tendue par les artistes vers les spectateurs et qui donne un sacré coup de jeune à cette oeuvre baroque, voici un excellent travail de dépoussiérage ( pour le coup cette fois-ci quel vilain mot!). La facture artistique n’est en rien atteinte, bien au contraire, et nulle doute que les jeunes spectateurs qui viendront assister à cet opéra en sortiront ragaillardis, enthousiastes et communiqueront à merveille sur la musique. D’ailleurs la renommée de cette mise en scène de King Arthur percole dans le monde scolaire et ce n’est pas son moindre mérite.
Pierre-Alain Lévy
KING ARTHUR. Opéra de Henry PURCELL
Opéra-Théâtre de Metz-Métropole
Adaptation et mise en scène: Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley & Dino
Adaptation et direction musicale: Hervé Niquet
Avec Ana Maria Labi, Bénédicte Tauran, Mathias Vidal, Marc Mauillon, Joäo Fernandes, Choeur et Orchestre du Concert Spirituel
Dimanche 10 février 15h et Mardi 12 février à 20h
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