Napoléon Bonaparte (1769-1821) a profondément et durablement marqué l’histoire de l’Europe . Il n’est pourtant resté que quinze ans au pouvoir.
L´exposition Napoléon et l’Europe, présentée au musée de l’Armée du 27 mars au 14 juillet 2013, témoigne de l’ambition européenne de Napoléon Bonaparte entre 1793 et 1815.
Le parcours de visite montre sa politique d’expansion et, en contre-point, les réactions multiples, d’adhésion ou de résistance, qu’elle a suscitées dans de nombreux pays ; il présente aussi des conséquences et des traces profondes que le règne de Napoléon a imprimées sur l’Europe .
Loin des clichés et des partis-pris, cette exposition a pour objectif de retracer un épisode marquant de l’histoire française et européenne, de façon différenciée ; elle le fait en croisant les regards, divers voire opposés, des contemporains, sur des thèmes touchant à la guerre, la politique, la diplomatie, l’administration, la monnaie, la propagande, les arts …
L’exposition présente notamment au public une esquisse préparatoire au tableau représentant les combats du Dos de Mayo par Goya (1814), Le Champ de bataille de Waterloo par Turner (1818), ou encore la célèbre redingote grise de l’empereur.
On peut aussi y découvrir et admirer une iconographie foisonnante du début du XIXème siècle, dont s’emparent tout autant les partisans que les opposants de Napoléon, sur tout le continent européen. La proclamation autographe et solennel d’Austerlitz «Soldats, je suis content de vous !» a été prêtée pour l’occasion par le Service Historique de la Défense, et si vous voyez un vénérable vieillard à barbe blanche fixer longuement la vitrine où elle est présentée, chuttt c’est peut-être Victor Hugo venu la contempler … !
NAPOLEON ET L’EUROPE
Musée de l’Armée – Hôtel national des Invalides
du 27 mars au 14 juillet
129 rue de Grenelle (place des Invalides). Paris
Wukali tient à remercier vivement les organisateurs de cet événement historique et culturel au Musée de l’Armée à l’Hôtel des Invalides qui ont permis la parution ci dessous dans nos colonnes de la remarquable étude pointilleuse et documentée charpentant toute l’exposition
Parcours séquentiel à travers l’exposition
Séquence 1 L’ascension de Napoléon Bonaparte
En 1793, Napoléon Bonaparte commande l’artillerie au siège de Toulon. Onze ans plus tard, il devient, à trente-quatre ans, empereur des Français. Cette ascension fulgurante résulte de la conjonction de deux facteurs principaux. D’abord la guerre, qui oppose la France révolutionnaire aux principales puissances européennes depuis 1792, fournit au jeune officier d’exceptionnelles conditions d’avancement. Ensuite, l’instabilité politique caractéristique de la période révolutionnaire lui donne les moyens de ses ambitions.
Victorieux, charismatique, Bonaparte conquiert le soutien d’hommes influents tels Carnot et Barras, puis s’impose en France comme une personnalité politique de premier plan. En Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni, les journaux suivent les exploits des acteurs de la Révolution et participent à l’émergence d’un nouveau héros. À Londres paraissent, dès 1797, les premières biographies du jeune général, qui le présentent comme le défenseur de la paix et de la liberté.
La campagne d’Égypte, le coup d’État de Brumaire et surtout, par la suite, la proclamation de l’Empire en 1804 tempèrent cependant ces enthousiasmes, à l’image de Beethoven modifiant la dédicace de sa Symphonie héroïque.
Le général victorieux
Le général Bonaparte enchaîne les victoires militaires et devient un officier remarqué sur la scène nationale et internationale.
La prise du pouvoir
Son aura militaire lui vaut d’être sollicité par certaines personnalités politiques qui envisagent un coup d’État. Le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), Napoléon Bonaparte prend le pouvoir par la force et devient Premier consul.
Un homme de paix
L’un des premiers objectifs du Premier consul Bonaparte est de faire la paix, à la fois en France en mettant fin à la guerre civile, mais aussi en Europe, en signant la paix avec l’Autriche à Campo Formio (1797) et à Amiens avec le Royaume-Uni (1802).
Séquence 2. L’Empereur à la conquête
de l’Europe
Malgré la paix d’Amiens de 1802, les tensions subsistent entre la France et le Royaume-Uni pour des raisons politiques, commerciales et coloniales. Dès 1803, le Premier ministre britannique, William Pitt le Jeune, prépare la guerre. Reprenant à son compte une idée émise sous le Directoire, Napoléon I er projette de son côté de débarquer dans les îles britanniques. Pour s’en garantir, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande suscite en 1805 la troisième coalition antifrançaise avec les empires d’Autriche et de Russie : 400 000 hommes menacent la France sur ses arrières. Napoléon Ier renonce à traverser la Manche et marche sur Vienne. C’est le début d’une marche triomphante qui mène l’armée française de victoires en victoires et lui ouvre les portes des plus grandes capitales de l’Europe continentale. Entre 1805 et 1809, les victoires de Napoléon bouleversent la carte de l’Europe au profit de la France.
Le mariage avec l’archiduchesse Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine, fille de l’empereur d’Autriche, marque l’apogée du règne de Napoléon Ier.
L’Europe occidentale est organisée en un Grand Empire, appelé parfois aussi « empire d’Occident » en référence aux empires de Rome et de Charlemagne dont Napoléon Ier revendique l’héritage. Un Empire aux références européennes. Napoléon puise dans l’histoire des références destinées à légitimer son Empire et à s’affirmer face aux autres puissances qui dominent l’Europe.
L’image du nouveau régime se veut fédératrice pour les Français, conciliant les allusions aux anciennes dynasties royales avec l’héritage de la Révolution. Pourtant, elle fait surtout appel à des thèmes, plus fédérateurs en Europe, évoquant la grandeur et la conquête, mais aussi le progrès de la civilisation (empire d’Alexandre, empire romain antique, empire de Charlemagne…).
La guerre maritime contre
le Royaume-Uni
Le Royaume-Uni est « l’ennemi numéro un » de Napoléon qui envisage un temps d’envahir l’Angleterre, mais la destruction de la flotte française à Trafalgar sous le commandement du vice-amiral Nelson l’empêche de réaliser son objectif.
À partir de 1806, il change de stratégie et cherche à ruiner l’économie britannique, en imposant au continent le Blocus continental.
Une succession de victoires militaires
En 1805, Napoléon dispose de la plus puissante armée d’Europe, composée de soldats aguerris, galvanisée par les idées de la Révolution et le charisme de l’Empereur. Officier talentueux, il met en oeuvre des stratégies innovantes qui lui permettent de prendre le dessus sur ses adversaires. La victoire d’Austerlitz, considérée comme le meilleur exemple de son talent militaire et de l’efficacité de ses méthodes, est analysée en profondeur, à travers un ensemble d’objets extraordinaires réunis pour la première fois.
Le Grand Empire de Napoléon
Les victoires militaires permettent à Napoléon d’imposer à ses adversaires des conditions de paix avantageuses pour l’empire français et ses alliés dont les territoires et la zone d’influence s’agrandissent. Hambourg, Amsterdam et Rome deviennent villes françaises.
Cette expansion, cependant, se fait à un rythme et suivant des logiques très variés, qui s’adaptent à la diversité des situations et des circonstances
Séquence 3. Administrer l’Empire
Administrer l’Europe
En 1810, l’empire français compte 44 millions d’habitants et s’étend sur 750 000 km2. Il fédère des territoires aujourd’hui français, belges, hollandais, allemands, suisses et italiens. À sa tête, l’Empereur concentre l’essentiel des pouvoirs et décide largement seul des lois, de la diplomatie, de la conduite de la guerre. Dès le Consulat, Napoléon
a entrepris de profondes réformes pour construire un État solide disposant de finances saines, d’une administration compétente, d’une police disciplinée et d’une justice efficace.
Après 1804, son action dépasse largement les frontières de l’Empire pour s’étendre à tous les territoires soumis à son influence : Hollande, Confédération du Rhin, Suisse, Italie, Pologne, Provinces illyriennes. Les solutions choisies en matière de statut, de mode d’administration, d’application des lois, diffèrent suivant les circonstances, l’histoire et les structures de chaque pays ; en revanche le cadre général reste l’organisation « à la française ».
Pragmatique, la vision de Napoléon évolue tout au long de son règne. Une constante, cependant, se dégage : bien qu’il affirme vouloir répandre les progrès de la Révolution, l’Europe de Napoléon est organisée par et au bénéfice de la prépondérance française.
La maîtrise des territoires et des populations
Napoléon, empereur des Français et roi d’Italie, met en place un certain nombre d’outils administratifs et juridiques destinés à organiser son Empire et à faciliter la vie des populations : création du Code civil, de la Légion d’honneur, du franc dit « Napoléon », des préfectures etc.
Encadrer les religions
Napoléon, Premier consul, rétablit la paix religieuse en France et en Italie en signant le Concordat avec le Pape. Les Protestants et les Juifs reçoivent un statut comparable à ceux des Catholiques.
Contrôler l’opinion
Napoléon cherche à contrôler l’opinion afin de maintenir l’ordre social et d’imposer son autorité. Les journaux font l’objet d’un contrôle étroit, sous l’oeil direct du ministre le plus étroitement lié à l’Empereur. Les oeuvres de l’art et de l’esprit (littérature, théâtre, estampes…), sont soumises au contrôle de la Police. Pourtant, certains auteurs ou éditeurs tentent malgré tout de contourner la censure.
Faire de Paris une nouvelle Rome
En référence à la Rome antique, Napoléon veut faire de Paris « la capitale de l’univers » et le reflet de la grandeur de l’Empire. Il y rassemble une collection d’oeuvres d’art et d’archives, issue de ses conquêtes, dont le caractère extraordinaire finit pourtant par emporter l’adhésion des élites culturelles de toute l’Europe.
Séquence 4. Les résistances à l’Empire
En 1812, la plus grande partie du continent européen est soumise à l’influence française. L’empire de Napoléon s’étend de Perpignan à Amsterdam, de Hambourg à Rome. Joseph Bonaparte est roi d’Espagne et Murat roi de Naples. La Russie, l’Autriche, les États allemands, le Danemark et la Suède sont alliés de la France napoléonienne. Seul le Royaume- Uni s’oppose à sa prépondérance. Ces alliances, obtenues au fil des guerres et des traités, cachent mal les tensions géopolitiques qui subsistent en Europe. Né de la guerre, le pouvoir napoléonien a besoin de ce mouvement permanent et des réorganisations incessantes de la carte pour se maintenir, comme Napoléon l’exprime en 1813 : « Vos rois, nés sur le trône, peuvent y retourner vaincus; moi, pour me maintenir, il me faut des victoires. »
Cette logique l’entraîne dans une spirale guerrière qui ne peut prendre fin sans la soumission du Royaume-Uni, or celui-ci résiste malgré le blocus continental. Pour atteindre ce but, Napoléon décrète l’embargo général sur le commerce britannique : le Blocus continental. Loin de créer un « marché commun » sur le continent, celui-ci perturbe l’activité économique et bancaire. De plus, le sentiment national s’éveille dans certains pays et se traduit par des révoltes contre la domination française, en Italie, au Tyrol, en Hollande et, surtout, en Espagne où l’insurrection est générale contre l’occupation française. De leur côté, la Prusse et la Russie attendent l’heure de prendre leur revanche.
Des puissances européennes hostiles
Vaincues, amputées d’une partie de leurs territoires, certaines puissances européennes (dont la Russie, la Prusse, ou l’Autriche) acceptent mal la prépondérance française sur l’Europe occidentale. Cet espace de l’exposition présente les États qui s’opposent durablement à Napoléon, analysant les motivations de leurs souverains et les principes qui guident leurs décisions.
Des soulèvements populaires
Dans certaines régions de l’Europe (Calabre, Espagne, Tyrol), les populations refusent les bouleversements imposés par Napoléon et prennent les armes contre les Français. Ces affrontements mettent en oeuvre une nouvelle forme de guerre et témoignent également du développement, dans certains contextes particulièrement favorables, de « consciences nationales » qui marquent durablement l’histoire de ces pays.
Séquence 5
La chute de l’Empire
Depuis la paix de Tilsit (1807), les relations entre Napoléon et l’empereur de Russie Alexandre Ier se sont détériorées pour des raisons politiques, économiques et idéologiques.
En 1812, la Russie prépare la guerre tandis que Napoléon rassemble la plus grande armée de son temps. Inférieurs en nombre, les Russes se replient, entraînant Napoléon toujours plus loin dans l’immensité des steppes. Les distances, les intempéries, les maladies, la désertion, la destruction systématique des ressources du territoire par les Russes affaiblissent la Grande armée de Napoléon, bientôt contrainte à la retraite en plein hiver. Harcelée par les Cosaques et souffrant du froid, elle échappe de peu à la destruction. Surtout, la campagne de Russie renforce la détermination des ennemis de la France qui, pour la première fois, se liguent tous contre elle. Le Royaume-Uni, les empires de Russie et d’Autriche ainsi que les royaumes de Prusse et de Suède forment la sixième coalition antifrançaise. Ils sont bientôt rejoints par les États allemands de la Confédération du Rhin.
Au lendemain de la défaite de Leipzig (19 octobre 1813), l’empire de Napoléon s’effondre. Assiégée et affaiblie, la France ne dispose plus des ressources pour s’opposer à l’invasion.
La campagne de Russie
La campagne de Russie constitue un moment-clef de l’histoire de l’Empire : entre octobre et décembre 1812, la plus grande armée jamais rassemblée jusque là, où sont enrôlés des soldats venus de toute l’Europe, la fameuse « Armée des vingt nations » de Napoléon, est anéantie dans des circonstances terribles qui accélèrent la désagrégation de l’Empire.
L’effondrement de l’Empire
Au lendemain de la campagne de Russie, Napoléon tente de résister aux troupes de la sixième coalition anti-française en Allemagne puis en France. Ayant perdu ses alliés un à un, il ne peut empêcher la prise de Paris le 31 mars 1814, et abdique quelques jours plus tard.
Séquence 6. L’aventure des Cent-Jours et le Congrès de Vienne
Le 1er mars 1815, Napoléon débarque à Golfe-Juan à la tête d’un millier d’hommes et marche sur Paris. Envoyée par le roi Louis XVIII pour stopper Napoléon, l’armée rallie l’Empereur qui fait son entrée dans la capitale le 20 mars 1815. C’est le début des Cent-Jours. L’Europe entière se ligue contre la France, qui n’obtient que le soutien de Murat, roi de Naples ; ce sont donc 700 000 hommes qui menacent la France d’invasion. Napoléon, lui, dispose de 250 000 hommes. Jouant d’audace, il prend l’initiative et se porte contre les positions anglo-hollandaises et prussiennes en Belgique mais le 18 juin 1815, l’armée française est écrasée à Waterloo. Vaincu, Napoléon est contraint d’abdiquer une seconde fois le 22 juin 1815.
L’aventure des Cent-Jours n’interrompt pas les négociations diplomatiques qui font l’objet du Congrès international ouvert à Vienne en novembre 1814. Avant même la bataille de Waterloo, les puissances alliées avaient commencé à réorganiser à leur avantage le continent européen.
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