Les nombres d’enfants non scolarisés stagnent alors que l’aide en faveur de l’éducation de base baisse de six pour cent par an.
De nouvelles statistiques publiées par l’UNESCO révèlent que 57 millions d’enfants n’étaient pas scolarisés en 2011, soit une baisse d’à peine deux millions par rapport à l’année précédente*. Une nouvelle analyse de données démontrant que l’aide en faveur de l’éducation de base a baissé pour la première fois depuis 2002 obscurcit les perspectives de nombreux enfants à travers le monde.
Les nouveaux chiffres seront publiés à l’occasion d’une réunion de haut niveau qui se tiendra à New York le 11 juin et qui s’inscrit dans le cadre du soutien apporté à l’Initiative mondiale « l’éducation avant tout » du Secrétaire général des Nations Unies. Ils soulignent à quel point il est nécessaire de répondre aux deux questions-clés affectant le secteur de l’éducation : Est-ce que les enfants sont scolarisés ? Est-ce que les enseignants sont suffisamment qualifiés pour leur apprendre quelque chose ?
« Nous sommes à un tournant décisif, » a déclaré Mme Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO. « Le monde ne doit pas se contenter d’aider les enfants à aller à l’école. Il doit également s’assurer qu’ils acquièrent effectivement les compétences de base. Le double défi que nous devons relever consiste à faire en sorte que tous les enfants aillent à l’école en identifiant les multiples causes de l’exclusion et en agissant à la racine du mal, puis à nous assurer qu’ils apprennent grâce à des enseignants qualifiés et dans des environnements sains et sûrs. L’heure n’est pas au repli des donateurs d’aide. Bien au contraire : pour atteindre ces enfants et réaliser notre ambition de mettre un terme à la crise de l’apprentissage, les donateurs doivent renouveler leurs engagements visant à ce qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte à cause de l’absence de ressources, comme ils l’avaient promis au tout début du siècle. »
Les nouveaux chiffres sur les enfants non scolarisés sont publiés par l’Institut de Statistique de l’UNESCO. Ils montrent que les pays de l’Afrique subsaharienne abritent plus de la moitié des enfants non scolarisés et qu’ils ont les taux de scolarisation les plus faibles du monde. Plus de 20 pour cent des enfants africains ne sont jamais allés à l’école ou ont abandonné l’école avant d’avoir achevé leurs études primaires. Selon le document intitulé « Les enfants continuent de batailler pour aller à l’école », 44 % des 28,5 millions d’enfants concernés vivent en Afrique subsaharienne, 19 % en Asie du Sud et de l’Ouest et 14 % dans les États arabes. Dans leur grande majorité, c’est-à-dire 95 %, ils vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Les filles, qui représentent 55 % du total, sont les plus durement touchées, car elles sont souvent victimes de viols et autres sévices sexuels qui accompagnent les conflits armés.
En revanche, les pays d’Asie du Sud et de l’Ouest ont réalisé des progrès considérables au cours des deux dernières décennies. Le nombre d’enfants non scolarisés y a baissé de deux tiers : ils étaient 38 millions en 1999 et 12 millions en 2011.
Généralement, ce sont les enfants des régions reculées, déshéritées, affectés par des conflits ou qui appartiennent à des minorités ethniques, raciales et linguistiques qui sont privés de la possibilité d’aller à l’école. Les enfants des ménages pauvres sont trois fois plus susceptibles de ne pas être scolarisés que les enfants des ménages riches. Les filles issues de ménages pauvres et vivant dans des zones rurales sont les enfants confrontés aux obstacles à l’éducation les plus difficiles à surmonter.
Bien que davantage d’enfants entrent aujourd’hui à l’école, peu de progrès ont été accomplis pour faire baisser les taux d’abandon. Environ 137 millions d’enfants ont commencé l’école primaire en 2011, mais au moins 34 millions d’enfants sont susceptibles de quitter leurs études avant d’avoir atteint la dernière classe. Cela se traduit par un taux d’abandon précoce égal à 25 %, se situant donc au même niveau qu’en 2000.
L’Afrique subsaharienne ainsi que l’Asie du Sud et de l’Est enregistrent les taux les plus élevés d’abandon précoce. Dans ces régions, plus d’un élève sur trois qui a commencé l’école primaire en 2010 n’achèvera pas ses études primaires. De nouvelles interventions sont nécessaires pour réduire ce taux, atteindre l’éducation primaire universelle et s’assurer que tous les enfants acquièrent les compétences de base en lecture, écriture et calcul.
Bien que les chiffres des enfants non scolarisés stagnent, la nouvelle analyse du Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous révèle que l’aide en faveur de l’éducation de base a baissé de six pour cent entre 2010 et 2011. Pendant cette période d’un an, six des dix plus grands donateurs d’aide à l’éducation ont réduit leurs dépenses. Cette modification du paysage des donateurs place désormais le Royaume-Uni au premier rang mondial des donateurs bilatéraux en faveur de l’éducation de base.
Par ailleurs, les fonds ne sont pas dirigés vers les régions et les pays qui en ont le plus besoin. Seulement 1,9 milliard de dollars US a été alloué aux pays à faible revenu en 2011, soit un réduction de neuf pour cent, et un montant très éloigné des 26 milliards de dollars nécessaires pour combler le déficit financier de l’éducation de base.
La rapport appelle les donateurs à accorder la priorité aux pays et aux régions qui en ont le plus besoin : l’Afrique subsaharienne abrite plus de la moitié des enfants non scolarisés et n’a pourtant bénéficié en 2011 que d’une aide inférieure de sept pour cent par rapport à celle de 2010. L’aide accordée au Nigeria, le pays qui abrite le plus grand nombre d’enfants scolarisés du monde, a baissé de plus d’un quart entre 2010 et 2011. Les plus grandes réductions de l’aide à l’éducation de base ont été décidées au Canada, aux Pays-Bas et à la Banque mondiale (IDA), qui ont baissé de plus d’un tiers leurs contributions à la région.
À l’échelle de la planète, le nombre d’enfants non scolarisés a reculé, passant de 60 millions en 2008 à 57 millions en 2011. Toutefois, ces lents progrès n’ont pas bénéficié aux enfants vivant dans des zones de conflits, lesquels comptent désormais pour la moitié des enfants privés d’éducation, contre 42 % en 2008.
Outre les garçons et les filles non scolarisés, près d’un tiers des adolescents non scolarisés dans le monde (20 millions) vit dans des pays touchés par des conflits. Quelque 54 % d’entre eux sont de sexe féminin.
« Il est rare que l’éducation soit mentionnée lorsqu’on évalue les dommages infligés par la guerre », a déclaré Irina Bokova, la Directrice générale de l’UNESCO. « L’attention internationale et les comptes rendus des médias sont invariablement centrés sur les images humanitaires les plus immédiates des souffrances et non sur les coûts cachés et les séquelles durables de la violence. Pourtant, il n’est pas de domaine où ces coûts et ces séquelles soient plus évidents que dans l’éducation. Dans nombre des pays les plus pauvres du monde, un conflit armé détruit non seulement les infrastructures scolaires mais aussi les espoirs et les ambitions d’une génération entière d’enfants. »
Le document d’orientation du Rapport mondial de suivi sur l’EPT révèle également que la part de l’aide humanitaire destinée à l’éducation a diminué, passant de 2 % en 2009 à seulement 1,4 % en 2011. Non seulement l’éducation est réduite à la portion congrue, mais de tous les secteurs, c’est aussi celui qui reçoit la plus petite part de l’aide humanitaire demandée : en 2010, sur le modeste montant réclamé pour l’éducation dans les contextes de crises humanitaires, à peine plus d’un quart a été effectivement reçu, ce qui laisse un déficit de financement d’environ 220 millions de dollars des États-Unis.
« La baisse de l’aide humanitaire destinée à l’éducation est d’autant plus regrettable que le besoin de financement est plus important que jamais », a déclaré Pauline Rose, la Directrice du Rapport mondial de suivi sur l’EPT. « Les réfugiés sont plus nombreux aujourd’hui qu’ils ne l’ont été depuis 1994 ; les enfants représentent la moitié de ceux qui ont été déplacés de force. Nulle part cette réalité n’est plus criante qu’en Syrie aujourd’hui. Ces garçons et ces filles voient leur processus d’apprentissage perturbé à un moment critique et risquent ainsi de rester désavantagés toute leur vie.»
Illustration de l’entête, écoliers congolais (photo flickr)
ECOUTER VOIR