The world art market gazing at the Middle-East with envy
Artprice examine la situation du marché de l’art au Moyen-Orient ( Rapport annuel Artprice sur le marché de l’art 2013)
Ce riche état gazier d’à peine deux millions d’habitants, qui compte quelques- unes des plus grosses fortunes de la planète, tient le marché de l’art en haleine depuis qu’il a décidé de construire sa nouvelle identité culturelle . La capitale du Qatar ouvre d’abord un musée d’art islamique (2008), puis un musée consacré à l’art moderne arabe (Mathaf, 2010) et ambitionne d’ouvrir une vingtaine de musées de toutes sortes dans un futur proche . Or, pour alimenter les collections de ses musées, le Qatar cherche les plus grandes signatures et le prix à payer n’est pas vraiment un problème .
Les musées sont sous la direction de l’Autorité des Musées du Qatar (AMQ), placée sous le patronage de la Sheikha Al-Mayassa (note 1) . Entourée de spécialistes de haut vol de l’art moderne et contemporain qui la conseillent dans les achats de gré à gré ou aux enchères, la Sheika ambitionne de faire du Qatar un centre culturel de premier plan et détient toutes les ressources nécessaires à ses ambitions.
Elle est considérée comme l’une des actrices les plus influentes du marché de l’art et la famille royale du Qatar comme l’un des plus gros acheteurs au monde. Leur budget d’acquisition annuel avoisinerait le milliard d’euros, des moyens écrasants face aux plus grands musées new-yorkais (note 2). Un tel budget d’acquisition est bien évidemment une manne pour le marché des enchères car il lui profite en partie. Ces investissements lourds sur les signatures du marché haut de gamme ont certainement contribué à générer quelques-uns des records les plus flamboyants des dernières années. Les maisons de ventes restant discrètes sur l’identité des acheteurs, ces acquisitions et l’impact de Doha sur la flambée de certains prix ne pourront donc être constatés que dans quelques mois sur les murs des musées. Qui remplacera par contre le gouffre laissé par le retrait de cet immense et insatiable acheteur ? On peut s’attendre à un dégraissage conséquent des résultats annuels dès que les collections permanentes de Doha seront constituées .
On attribue à la famille royale du Qatar quelques-unes des transactions les plus spectaculaires du marché de l’art ; dont l’achat d’une version des Joueurs de cartes de Cézanne pour près de 200 m€ (note 3) en 2011 ou l’acquisition de la toile White Center de Mark Rothko au prix record de 48 m€ en 2007 (note 4). Outre des valeurs sûres modernes et d’après-guerre (dont Francis Bacon, Roy Lichtenstein, Andy Warhol), le Qatar s’intéresse de très près aux signatures vedettes de l’art actuel et crée des dialogues permanents avec l’Occident . En plus des acquisitions souvent discrètes, la Sheikha Al-Mayassa inaugure des expositions monographiques majeures, et très médiatiques, à Doha : Louise Bourgeois (Conscious and Unconscious, 20 janvier – 1er juin 2012), Takashi Murakami (Murakami – Ego, 9 février – 29 juin 2012) et Damien Hirst (Relics, 10 octobre 2013 – 22 janvier 2014) . L’exposition Relics de Damien Hirst fait partie du programme Qatar UK 2013, Year of Culture, mis en place dans une volonté de dialogue culturel entre le Qatar et le Royaume-Uni .
Damien HIRST à Doha
Une grande exposition de Damien Hirst au Qatar ne suffira certainement pas à regonfler un indice de prix en chute de près de –70% depuis la folie spéculative de 2006 – 2008 . Lors de son année inaugurale de vente à Doha en 2009, Sotheby’s testait l’effet Damien Hirst sur les Qataris sans grand succès, puisque les trois œuvres proposées étaient ravalées . Les acheteurs locaux n’étaient pas encore prêts et les Occidentaux n’enchérissaient pas car la bulle des prix venait d’éclater. Plus récemment, Sotheby’s est parvenue à vendre sur place une installation de la série Pharmacie l’équivalent de 308 000 €, légèrement au-dessus de l’estimation basse (1 ).
Le jour de cette vente, Sotheby’s constate, après quatre ans d’activité sur place, que le marché de Doha est en train de passer un cap et qu’il est amené à prendre de plus en plus d’ampleur . Le 22 avril 2013, la société de ventes américaine réalise en effet une vente record pour l’art contemporain au Moyen-Orient. Sotheby’s a assimilé la vision culturelle de la Sheikha Al-Mayassa et compose des ventes contemporaines hétérogènes, mixant des artistes d’Orient et d’Occident, qui lui permettent non seulement de s’adapter à la demande locale, mais aussi d’internationaliser cette demande .
L’autre acheteur d’envergure au Moyen-Orient est Abu Dhabi
Les ressources financières issues de sa manne pétrolière lui permettent d’exercer une forte concurrence sur le marché de l’art haut de gamme . Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis, fait construire quatre musées par les stars de l’architecture mondiale Jean Nouvel, Zaha Hadid, Frank Gehry et Tadao Ando. Parmi ces grands chantiers, le Guggenheim de Frank Gehry constitue ses collections d’art contemporain (l’ouverture initialement prévue en 2013 est reportée à 2017) avec un budget d’acquisition qui avoisinerait les 450 m€, soit environ 200 fois le budget annuel d’acquisition du Guggenheim de New York. La collection privilégie les artistes du Moyen-Orient et d’Asie (Ai WeiWei, Youssef Nabil, Suboth Gupta), tout en instaurant un dialogue avec des artistes européens et américains consacrés . A Doha comme à Abu Dhabi, la politique du Soft power a un impact de premier plan sur la crête des prix de l’art .
1 SheikhaAl-MayassabintHamadbinKhalifaal-Thani .ClassementdumagazineForbes2012 parmi les 100 femmes les plus influentes du monde.
2 Le budget d’acquisition annuel du MoMA se situe autour de 32 m$ .
3SourceVanityFair,AlexandraPeers,QatarPurchasesCézanne’sTheCardPlayersforMoreThan$250
Million, Highest Price Ever for a Work of Art, 2 février 2012 .
4 MarkRothko,WhiteCenter(1950),adjugée65m$soit48m€etprèsde53,8m€fraisinclus, Sotheby’s, New York, 15 mai 2007.
Illustration de l’entête. Examen d’une oeuvre avant sa mise aux enchères à Doha 2010.
Les illustrations de l’article ainsi que les sous-titres sont le fait de Wukali
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