Funny, witty, an excellent writer, an excellent book, we laugh and we ponder about the characters and the shortcomings and defects of our society. In the vein of Voltaire, no less!
La chronique littéraire d’Émile COUGUT.
Les éditions Le Dilettante portent vraiment bien leur nom. Elles viennent de publier cette année non seulement L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA de Romain Puértolas, livre qui rencontre un véritable succès très mérité en librairie, mais aussi Le pourboire du Christ de Ludovic Roubaudi. Le titre, bien sûr, est assez rebutant. On craint (ou pour certains on est attiré) de se plonger dans un livre plus ou moins théologique ou portant sur ce qui reste du christianisme dans notre société. La simple vue de la couverture montre que le contenu de ce livre ne doit pas être ce que spontanément on est amené à penser. Couleurs vives, personnage hermaphrodite, symboles aussi divers que la liasse de billets, une tasse de thé, un cœur traversé par une flèche, un sexe en érection et bien sur une croix, sans oublier une lune et un soleil. Et de fait, un vrai chroniqueur n’a plus rien à dire car ces symboles résument à eux seuls ce livre. Cette couverture assez aguichante attire le regard, les symboles semblent assez antithétiques quand on veut les lier entre eux, et pourtant Ludovic Roubaudi y arrive brillamment dans une histoire totalement déjantée. Le héros de ce roman, Rodolphe, écrivain de lettres pour revues pornographiques vit avec Gertrude, doublure anale pour des scènes porno, et qui rêve de devenir une star du X. Elle lui fait rencontrer « le Maitre », de son vrai nom Ramon Tripier qui devant ses capacités ne l’engage non comme comédien mais comme scénariste puis comme expert fiscal car il lui démontre comment il peut non frauder le fisc mais le contourner pour payer le moins d’impôts possible. La mort d’un comédien châtré par vengeance lors d’une scène de fellation, les oblige de se réfugier, dans un village de banlieue où réside la « mère » du Maitre, rejeton d’un nobliau flamboyant et d’une princesse russe, mais qui a perdu l’usage de ses jambes. « Mère » comme « fils » s’avèrent être des escrocs que Rodolphe, devenu Karl, rejoint sans hésitation pour essayer de « plumer » la bonne société locale en faisant participer ses membres à la neuvième croisade contre les musulmans (pas contre le arabes puisque on se rend vite compte que l’islam comporte plus de fidèles en Asie qu’au Moyen Orient, ce qui pose certains problèmes quand les domestiques sont indonésiens). Et tout cela finit par une scène finale que je ne peux dévoiler pour que le lecteur ait le plaisir de la découverte. Si Le pourboire du Christ ne se résumait qu’à ça, le lecteur saurait qu’à sa lecture il passerait un bon moment, rirait beaucoup, et la dernière page fermée, il passerait à autre chose. Encore un bon moment passé avec un livre drôle, mais qu’un bon moment et très vite, tout cela sera oublié. Mais Le pourboire du Christ n’est pas que ça, loin de là. Cette histoire drôle et loufoque, est surtout pour l’auteur l’occasion de dénoncer les vices de notre société et des profiteurs qui y prolifèrent. Le personnage de Roman Tripier dit « le Maître », dit « Monseigneur » est l’exemple type du manipulateur. Il a un charisme certain, surtout auprès des femmes, bien qu’il soit gros et pas beau, et pourtant, il les attire, en fait ce qu’il en veut, les dirige là où il veut qu’elles aillent et ce pour son unique profit personnel. Des hommes comme lui, tout le monde en connait. Souvent le but poursuivi par ses individus est le plaisir sexuel, mais pas que. Ce peut être aussi le gourou d’une secte ou tout simplement un escroc. Le charisme de Stavisky a été reconnu par toutes ses victimes…. Aussi irréaliste qu’il semble être, Roman Tripier est un individu que, de fait, tout un chacun a rencontré dans sa vie sans pour autant que tels individus nous semblaient sortir de l’imagination fertile d’un romancier. Tripier, sa « mère » mais aussi Rodolphe/ Karl font montre d’un cynisme total, mais de fait, ils ont une parfaite connaissance de la nature humaine. Ils ne font que dire à leurs « pigeons » ce qu’ils veulent bien entendre : « où était le mal à vendre des mensonges à des gens prêts à y croire ? » ou alors « quand un imbécile diplômé vous demande ce que vous faites dans la vie et que vous voulez l’impressionner, ne dites rien d’autre que des banalités. De la combinaison de votre rien et de son imagination naîtra la plus extraordinaire des vérités. » Et comme « chaque classe sociale se protège des autres en créant une série de codes incompréhensibles et futiles et pourtant tellement utiles à la survie de ses membres », c’est en jouant sur ces codes que l’on peut faire prendre des vessies pour des lanternes aux membres de cette classe. Le pourboire du Christ est un vrai manuel de manipulation qui agit aussi bien sur les croyances et sur les peurs. C’est aussi toute une réflexion sur la Vérité, qui n’est que celle que l’on veut bien entendre, croire. C’est en plus une caricature acide d’une certaine « bonne bourgeoisie » de province, conservatrice, pleine de principes mais qui ne pense qu’à l’argent, le sexe et sa tranquillité. En lisant Le pourboire du Christ, le lecteur pense à tous les escrocs qui parsèment la littérature de Rastignac à Monsieur Hire. Une nouvelle pierre vient d’être posée sur cet édifice, une pierre « sérieuse » solide derrière une apparence d’humour. Mais l’humour, le vrai, n’a-t-il pas pour objectif de faire réfléchir le lecteur ou l’auditeur ? Émile Cougut Le pourboire du Christ Ludovic Roubaudi
Et le dernier paragraphe est digne d’un auteur plein d’humour qui a fait avancer la pensée universelle, on pense à Voltaire : « Je sais qu’il faut jouer un rôle. N’importe quel rôle. Les gens tiennent debout grâce à des certitudes, rarement par conviction. Lorsqu’on sait ça, le monde est ouvert. »
Éditions Le dilettante. 20€
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