The appointment of the new director of the Musée National d’Art Moderne Centre Pompidou gives rise to commentaries. Vanity Fair French mode.
Élément régalien de la Vè république, la nomination à la tête d’une grande institution culturelle, musée, théâtre, opéra, d’un directeur ressemble bien souvent à ces pièces de théâtre de boulevard où les portes claquent, les comédiens entrent et sortent sans cesse et que la fiancée, l’épouse ou la maîtresse disparaissent pour mieux revenir. On y suppute toujours à tort ou à raison des influences occultes, des pressions mystérieuses, des volontés politiques et des ego surdimensionnés. Quel que soit le gouvernement en place, gauche ou droite, c’est la règle, c’est la France.
Nous avons choisi pour étoffer ce dossier de sélectionner deux points de vue sur cette nomination à la direction du Musée d’Art moderne Centre Pompidou à Paris, celle du Monde et de Libération
Pierre-Alain Lévy
Il en rêvait, sans le clamer. Candidat discret à la succession d’Alfred Pacquement, Bernard Blistène, né en 1955, a remporté la direction du Musée national d’art moderne (MNAM), situé dans le Centre Pompidou, à Paris. Il a été nommé à ce poste vendredi 15 novembre par la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, sur proposition du président du Centre Pompidou, Alain Seban. Cette nomination surprise est l’aboutissement d’une carrière tendue vers ce poste, qui lui avait autrefois échappé.
Esprit brillant pourvu d’une culture solide, cet auteur d’expositions de référence semble taillé pour le poste : doté d’un réseau international, proche des plus grands artistes, capable de diplomatie retorse autant que de coups de folie, il a avalé aussi des couleuvres. « Pas assez courtisan », selon ses dires ; trop roué, disent ses rivaux… Son parcours n’est pas sans failles. Mais il est sans compromis.
Directeur adjoint du MNAM de 1996 à 2002, ce conservateur en chef du patrimoine s’est construit une solide réputation dès ses débuts, au tout nouveau Centre Pompidou. Recruté en 1983, cet adepte de « la pensée bricoleuse » y défend aussi bien Christian Boltanski qu’Ed Ruscha, Cy Twombly ou Warhol. Déjà, il affine son dialogue avec l’institution, qu’il nous définissait ainsi il y a quelques années : « Pour moi, il n’est pas d’expérience du musée sans expérience de ses contraintes, ses limites et de la nécessité d’en transformer le fonctionnement. Deleuze aurait dit : “le déplier”. C’est peut-être ce qui fait peur chez moi. Mais ce n’est pas une lubie personnelle, cela a à voir avec la réalité même de la pratique artistique. Le musée se doit d’être une plate-forme où il nous appartient de restituer, de mettre en acte, quelque chose du vivant de l’art. »
Création d’un musée d’art contemporain
Devenu directeur des musées de Marseille en 1990, cet influent professeur à l’Ecole du Louvre assoit sa réputation en créant un musée d’art contemporain, le MAC, recrute le jeune Philippe Vergne, qui dirige aujourd’hui la Dia Foundation, institution new-yorkaise réputée. Ensemble, ils multiplient les coups d’éclat, telles les rétrospectives de Robert Smithson ou Chris Burden.
Blistène monte également à la Vieille Charité, à Marseille, « Poésure et Peintrie, d’un art l’autre », sur les liens entre le langage et l’art. A nouveau appelé par Pompidou en 1996, il profite des travaux sur le site pour monter des projets au Guggenheim de New York. Certains, dont lui-même sans doute, le voient à la tête du MNAM. Mais c’est Alfred Pacquement qui remporte la mise en 2000.
La Délégation aux arts plastiques, au ministère de la culture, lui offre un placard doré. On le croit fini, dépourvu d’enthousiasme ? Il rétorque en se démenant pour monter La force de l’art, opération imaginée par le premier ministre Dominique de Villepin afin de défendre la création française. Il accompagne Daniel Buren dans le démontage de tout un étage du Centre Pompidou, pour son exposition « Le musée qui n’existait pas » (2002). Une carte blanche fulgurante, pour laquelle il se bat contre vents et marées, et l’institution. Puis il orchestre les 20 ans des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), en 2003.
Alors qu’on le voit, montant des expositions de Barcelone à Jérusalem, tromper cet ennui qu’il redoute plus que tout, Alain Seban, président du Centre Pompidou, lui offre un poste sur mesure et gagne son absolue fidélité : la direction du département de développement culturel. Depuis 2009, il y invente le Nouveau Festival : trois semaines folles où l’écrivain Villa-Matas croise la chorégraphe Gisèle Vienne ; où de jeunes performers dialoguent avec le cinéaste Michel Gondry. C’est un des atouts de ce « chef d’orchestre refoulé », fils du réalisateur Marcel Blistène : déployer une curiosité tout-terrain, et savoir rester attentif aux avant-gardes les plus pointues. Il est capable de faire le pied de grue au fin fond de la Goutte d’or parisienne, attendant la plus alternative des performances en appartement. En cela, il épate même ses ennemis.
Emmanuelle Lequeux
Bernard Blistène a été choisi pour diriger l’institution, après une série de cafouillages et de renoncements. Récit d’un vaudeville.
Bernard Blistène a été nommé ce vendredi à la direction du musée national d’art moderne, l’institution phare du centre Pompidou. Un choix qui entend mettre fin à un mélodrame comme seul le monde de la culture en France est capable de l’imaginer.
Sur le papier, tout paraît simple. Fin décembre, ce vieux routier du centre et du ministère de la Culture va remplacer Alfred Pacquement. Sous les ovations, celui-ci parvient avec un bonheur non dissimulé à une retraite bien méritée après treize années de bons et loyaux services, sous trois présidents successifs. C’est le grand paradoxe de la fonction: parvenir à exister et impulser un projet sous une présidence toute puissante.
Blistène bénéficie de la confiance du président du centre, Alain Seban. La loi stipule que le ministre de la Culture nomme une personne proposée par lui. C’était une autre difficulté: il leur fallait tomber d’accord. Aurélie Filippetti, qui ne cesse de réclamer la promotion des femmes, a dû cette fois encore en rabattre. A nouveau, elle sort affaiblie d’un processus que son administration a eu le plus grand mal à maîtriser.
Apprécié des personnels, resté à l’écart de l’emballement médiatique, Blistène avait toutes les qualités du «troisième homme» sorti de l’ombre pour emporter la mise à la dernière minute. Cette partie de poker menteur ressemble de manière frappante à celle ayant abouti il y a six mois à la désignation de Jean-Luc Martinez au Louvre. Rumeurs, manoeuvres, cafouillages et polémiques…. un candidat de l’extérieur donné gagnant… patatras, indignation du personnel de la maison, réactions de la presse, hurlements à tous vents. L’exécutif finit par nommer un conservateur interne, dans l’espoir d’un apaisement général. Les étrangers en revanche écarquillent les yeux devant le corporatisme, le culte du plan de carrière et le goût de l’intrigue qui semblent emporter leurs collègues français, balayant tout débat sur les projets de fond.
Pourtant, après le pataquès du Louvre, la procédure lancée longtemps à l’avance se voulait exemplaire. Appel d’offres international, jury de sélection, comprenant, outre Alain Seban et deux directeurs centraux de la Culture, des figures morales aussi prestigieuses que Suzanne Pagé, ancienne du Musée d’art moderne de Paris devenue conseillère de Bernard Arnault, ou Neil McGregor, le directeur du British Museum.
En juillet, une demi-douzaine de postulants sont auditionnés dans le plus grand secret, pour ne mettre personne dans l’embarras. La commission s’émeut : ils sont tous français. C’est reparti pour un tour. Le processus s’enlise. Les candidats sont laissés sans nouvelle. Finalement, quatre noms sont choisis: Max Hollein, de Francfort, Laurent Le Bon, du centre Pompidou Metz, Marion Ackermann, de Dusseldorf, Catherine Grenier, directrice adjointe du MNAM. Deux hommes, deux femmes, deux Français deux étrangers. Parfait.
Seulement, Le Monde révèle que Max Hollein serait l’heureux élu. Convaincus d’être évincés, Grenier et Le Bon créent la surprise en annonçant au journal la fusion de leur candidature. Des voix s’élèvent de partout pour dénoncer la venue d’un Autrichien, qui ne parle pas le français et réclamerait un salaire indécent. Voyant les sacs de sable s’entasser devant le Centre, les deux postulants allemands se retirent. Ne reste plus qu’une candidature, le mariage incongru de Grenier et Le Bon. Placés au pied du mur, les responsables réagissent. Ils reconvoquent la commission en urgence. Jeudi après-midi, elle sort une liste de neuf noms, réintégrant notamment Bernard Blistène, qui n’avait pas été retenu dans un premier temps…. La décision est prise le soir.
En moins d’une semaine, le public ébahi a donc vu défiler 4 candidatures retenues, puis 4-2=2, 2/2=1, pour aboutir à un résultat de 9. L’exercice devrait être proposé au concours de la faculté de mathématique. Ne pas oublier l’aspirine.
Vincent Noce
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