Dialogue between a danser and a photographer
Art du mouvement, sublimation de l’immobile, du corps et de l’esprit, musique et silence, pose et vitesse, lumière et obscurité , il n’en fallait pas plus pour que naisse d’une rencontre, un dialogue entre Julie Barthélemy, danseuse, professeur de danse et André Nitschke, notre ami photographe. C’est Romain Ravenel, lui-même passionné de danse, de chorégraphie, de théâtre qui met en cadence pour Wukali cet échange dans l’ entretien qui leur est consacré
P-A L
Wukali. Romain Ravenel Pourriez vous l’un et l’autre vous présenter ?
– Julie Barthélémy. Et bien je suis danseuse, professeur de danse et chorégraphe. Après cinq années d’études passées à Toulouse et un an et demi en Grèce ou j’ai vécu et enseigné, je suis venue m’installer à Metz pour occuper un poste de responsable du cursus danse contemporaine auprès du Conservatoire National de Région. J’ai collaboré également avec plusieurs autres structures messines (Arsenal, Faculté des Beaux arts…) et de la Grande région, notamment : Le Centre de Création Chorégraphique de Luxembourg (TROIS-CL) ou j’ai rencontré Bernard Baumgarten, directeur Artistique et chorégraphe avec qui je travaille régulièrement comme danseuse.
– André Nitschke. Quant à moi, je suis auteur-photographe autodidacte, j’ai été initié très tôt à ce médium par mon père qui fût à un moment de son existence Photo-reporter de guerre. Toutefois mon parcours de vie m’a longtemps tenu éloigné de la photo et ce n’est qu’en 2008 et à la faveur de plusieurs concours de circonstances que je suis revenu à mes « premières amours » et pour ce qui m’a conduit à photographier la danse,c’est la conséquence d’une rencontre fortuite avec le Ballet de l’Opéra de Metz-Métropole en 2011
Wukali: Comment votre collaboration a-t-elle débuté ?
– André Nitschke: Lors de la Nuit Blanche 2012, j’ai eu l’occasion d’assister à la performance/installation « Entre-là » de Marie-Noëlle Deverre dans laquelle évoluait Julie. Après plusieurs mois d’échanges, nous avons commencé à collaborer ensemble en juillet 2013 et cette première session a immédiatement fonctionné au-delà même de nos espérances respectives.
Nous avons alors décidé ensemble de creuser davantage des thématiques en lien avec nos goûts et nos personnalités. Nous n’avions pas défini de ligne esthétique, nous sommes partis de nos travaux danse/photos précédents et le fruit de nos échanges à ce sujet, nous ont conduits à souhaiter une collaboration orientée sur le mouvement son émotion et son expressivité.
– Julie Barthélémy. Je me souviens avoir défini cette future collaboration comme : « un authentique projet artistique danse/photo » et non une répétition chorégraphique ou une succession de poses convenues comme on le voit trop fréquemment chez les danseuses/modèles qui attendent que l’objectif sublime la ligne finale d’un mouvement. Il était hors de question que j’arrive avec une chorégraphie prête et bien ficelée, Lors de nos séances j’improvise, je m’adapte, occupe l’espace et tente de faire résonner tout cela par mes mouvements et émotions.
Wukali. Comment se déroule chacune de vos séances ?
– André Nitschke. En cours de séances nous faisons régulièrement des temps de pauses et observons le travail accompli afin de confronter nos ressentis, envisager des améliorations des thèmes ou des émotions que nous souhaitions aborder.
Wukali. Est-ce que cette méthode se répète au fil de vos séances ou y a-t-il des changements ?
– André Nitschke. Il y a toujours quelques changements, des imprévus aussi, c’est pourquoi chaque état ou action que l’on souhaite évoquer demande une adaptation et un vocabulaire différent.
– Julie Barthélémy. Je propose un jeu, quasi théâtral, un travail sur la personnification, lors de notre seconde séance en duo avec ma sœur Marie, danseuse professionnelle à Paris, nous nous sommes attachées les cheveux afin de symboliser un cordon ombilical et le lien filial qui nous unissait tout en laissant libre cours à l’expression de nos personnalités .
Wukali. Au-delà de votre premier contact avec le Ballet de l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole qu’est ce qui a déclenché votre désir de travailler avec des danseurs ? Étiez-vous spectateur du monde de la danse ?
– André Nitschke . Je l’étais très épisodiquement, mais le suis dorénavant davantage. Mon désir était de trouver une spécialité me permettant d’acquérir une signature photographique, un style et une écriture identifiable et reconnaissable, je m’y évertue toujours par ailleurs ! Ce que j’ai pu observer c’est que la danse est généralement abordée en photo avec une approche « esthético-commerciale » avec du flou pour amplifier le mouvement, des poses figées retranscrivant un instant…. Et non une idée globale de ce qu’est la danse. Ma recherche est motivée par les personnes désirant explorer leur propre image et leurs émotions de danseurs.
Wukali. En est il de même avec les autres danseurs que vous avez photographiés ou cela est-il propre à votre collaboration ?
– André Nitschke. C’est à chaque fois différent certains danseurs peuvent se bloquer à vouloir chercher leurs gestes ou à vouloir répondre à des stéréotypes.
– Julie Barthélémy. Auparavant, j’ai été conduite par des photographes. Mon image de danseuse s’en est retrouvée altérée. Or la photo est un outil de promotion de mon métier que ce soit sur internet, dans des publications ou lors d’expositions. On ne le dit pas assez mais nombreux sont ceux et celles parmi les danseurs qui ne trouvent pas le bon regard,celui qui permet de mettre en évidence ce qu’ils dégagent sur scène ou ailleurs . Être danseur ce n’est pas uniquement être capable de performances physiques .
Wukali. Pour l’image, qui décide du rendu final ?
– André Nitschke. Je sélectionne les images qui suscitent le plus d’émotions chez moi et je ne retouche pas les photos, seulement quelques améliorations sur la luminosité, les contrastes ou les couleurs.
– Julie Barthélémy. Je ne demande aucune retouche, les photos sont des arrêts sur image qui misent bout à bout pourraient mener à une chorégraphie visuelle.
– André Nitschke. J’ajouterais qu’il y a en plus, une vraie vertu pédagogique dans la démarche, Julie accepte l’image que je lui renvoie d’elle, c’est aussi très intuitif nous tentons d’atteindre quelque chose de « juste »
Wukali. Quelle est votre prochaine actualité?
– André Nitschke. J’exposerai à l’occasion d’un événement « 3 du trois » au Centre de Création Chorégraphique de Luxembourg en février 2014, j’envisage aussi la publication d’un livre qui reprendra l’ensemble de mes travaux sur la danse depuis 2011.
Wukali Quelles sont vos envies futures ? Plus de travaux avec des danseurs ? Des expositions dans des galeries ou structures intéressées par vos projets ?
– André Nitschke. Mon objectif est de persévérer dans la photo de danse, de trouver de belles collaborations dans la continuité de celles entreprises avec Julie, de continuer bien entendu avec elle aussi. J’ai aussi encore beaucoup à apprendre.
Pour ce qui concerne des expositions c’est juste une question d’opportunité, je suis bien entendu toujours ravi d’être sollicité en ce sens. Cependant il s’agit d’une activité très chronophage qui implique de faire les choix et de ne pouvoir répondre favorablement à toutes les sollicitations.
Wukali. A ce sujet trouvez-vous des échos à votre travail à Metz ou en Grande Région ?
– André Nitschke Pour l’instant je n’ai pas démarché, mais bien évidemment il est important de faire connaître mes travaux d’auteurs à un large public, notamment ceux qui combinent danse et reflets de notre société. Dans cet esprit j’ai pu présenter dans le cadre de « Metz-Photo » dans le Parc de Seille à Metz en juin/juillet 2013 ma série « Périphéria-Sylphides », interrogation sur l’aménagement des espaces périphériques des villes.
Romain Ravenel
Illustration de l’entête: André Nitschke et Julie Barthélémy
Les travaux d’ André Nitschke peuvent être vus en ligne sur son site ou sa page FaceBook. André Nitschke est chroniqueur de la rubrique photographie sur Wukali, La Galerie des photographes, et de même pour en savoir plus sur Julie Barthélémy