For the eyes, the feelings, the music and your heart !
Ah Tchaïkovski, ce n’est pas de la musique russe, en tous cas Casse-Noisette, c’est autre chose et c’est si beau. C’est en quelque sorte une de ces devantures de confiseries que l’on trouve dans les fêtes foraines, avec leurs sucreries, nougatines, guimauves et autres pommes d’amour. C’est un regard coloré, plein de parfums qui vous titillent les sens et d’odeurs qui vous donnent l’eau à la bouche, c’est une gourmandise. La musique de Casse-Noisette c’est un peu tout cela, un beau souvenir d’enfance avec ses carillons russes, ses chansonnettes françaises et ses rythmes espagnols
La version que vient de présenter le Ballet de l’Opéra -Théâtre de Metz Métropole avec la chorégraphie de Laurence Bolsigner, est un véritable éblouissement, un enchantement, une féérie, un moment de bonheur. Voilà réalisé un superbe travail sur une musique on ne peut plus célèbre et jouée, on serait même tenter de dire une scie. Un dépaysement et beaucoup d’inventivité, d’élégance et de fantaisie. Surtout une authenticité et c’est bien là le mérite suprême de la chorégraphe; en effet Laurence Bolsigner a su mettre là sa propre marque, trouver un imaginaire formel original, joyeux et raffiné tout en respectant le livret de Tchaïkovski. Un travail d’équipe qu’il convient de saluer, et l’on est tout à la fois séduit par le raffinement des décors de Jacques Griesmer, les lumières de Patrice Willaume ainsi que par les costumes qui ont été dessinés d’ailleurs par deux danseurs du corps de ballet: Brice Lourenço et Valérian Antoine.
Le premier tableau débute par la préparation de la soirée du réveillon, le décor est planté avec dans le fond le sapin de Noël, et des croisées d’ogives qui évoquent les architectures orthodoxes, puis apparaissent les différents personnages, chacun va remettre son cadeau à la maîtresse de maison, la Mère Silberhaus, dansée par Marie-Josée Louvet tandis que son mari le père Silberhaus interprété par Paul Bougnotteau, tente de faire régner de l’ordre
Valérian Antoine, interprète Drosselmeyer, il porte un haut de forme, une cape sur les épaules et sa redingote blanche est ornée de rouages et de mécaniques d’horloges. C’est lui qui apporte les jouets qui arrivent sur scène empaquetés dans un gigantesque sachet de bonbons et un emballage de chocolats. Laurence Bolsigner a imaginé les jouets en danseurs, un cow boy et une indienne (Aurélie Barré et Rémy Isenmann), figés dans une rigueur d’automates et de soldats de plomb.
Gleb Lyamenkoff interprète Casse-Noisette, il ressemble à ces personnages de bandes dessinée tel un Goldorak blanc, le visage masqué et son corps tel celui d’un mime, laisse suggérer le jouet cassé
L’orchestre national de Lorraine dirigé par David T. Heusel épouse toutes les couleurs de la partition, Tchaikovski inventeur de sons y a même placé une crécelle. La musique est chatoyante, colorée, enjouée, riche, excessive et les musiciens sans nul doute y prennent un véritable plaisir et c’est pour tout dire une excellente musique de ballet.
Chaque moment du livret, chaque moment chorégraphique, chaque détail est soigneusement souligné et mis en valeur jusqu’aux parures et aux bijoux portés par les danseurs. Un intelligent travail d’équipe. On sourit, on s’amuse aussi, et le plaisir évident que prend chacun des danseurs dans ce magnifique ballet se ressent aussi dans la salle.
On s’égaie de voir les hommes conduits par le père Silberhaus (Paul Bougnotteau), habillés de noir et tenant un éventail de plumes blanches en guise de cache-sexe. Et chantent les harpes logées dans les loges d’avant-scène, et le choeur de femmes de l’Opéra-Théâtre de nous conduire au paradis !
De l’inventivité vous avais-je dit, elle est patente dans la scène du combat des rats, Laurence Bolsigner a imaginé une «milice de rats», selon son expression, portant des masques et qui, paradoxe, font penser à « Cats », la comédie musicale, tant ils sont élégants, raffinés et parfaits, tout comme les vêtements de scènes que portent les danseurs .
Le décor change, un sous-bois dans une lumière irisée se combinant astucieusement avec d’autres décors de masques tels des tableaux de Kupka ou de Münch. Clara ( Kim Maï Do Danh) et le Prince ( Gleb Lyamenkoff) sont accueillis au Royaume des Gourmandises de Confiturembourg par la Fée Dragée ( Solène Burel). Toute une série de saynètes chorégraphiques avec danses espagnoles et danses russes, ( Marie-Josée Louvet en cosaque bleue portant chapka).
Et puis bien entendu le pas de deux entre le Prince Orgeat ( Gleb Lyamenkoff) et la Fée Dragée ( Solène Burel). C’est du Petipa et quel bonheur! Habillée d’un corsage scintillant et diapré, Solène Burel est bouleversante, son port de tête, sa tenue et son maintien sont totalement maîtrisés, les pointes sont justes, les pas de deux avec Gleb Lyamenkoff sont réglés avec délicatesse, les deux danseurs étincellent sous la lumière. L’émotion est au rendez-vous soulevée par la musique de Tchaïkovski, le pathos, les larmes envahissent les yeux des spectateurs, la gorge se noue.
L’ONL dirigé par David T. Heusel s’en est donné à coeur joie. Quel régal sonore, quel tutti frutti, quelle plombières aux fruits confits pour tous ces flûtistes, harpistes, violonistes, joueur de célesta, tous ses cornistes et autres musiciens.
Quelle jubilation, quel plaisir, un excellent spectacle qui fait honneur à l’Opéra de Metz et à toutes ses équipes artistiques et à toutes ses équipes techniques qui viennent d’effectuer là un travail en tous points remarquable. Bravo !
Pierre-Alain Lévy
Casse-Noisette à l’Opéra-théâtre de Metz Métropole
Vendredi 20- 20h, Samedi 21- 20h, Dimanche 22- 15h, Jeudi 26- 15h et Mardi 31 décembre 2013- 20h.
Toutes les photos présentées dans cet article sont d’André Nitschke
Carnet- photos
Danseurs du Ballet de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole,
Valérian Antoine, Aurélie Barré, Paul Bougnotteau, Timothée Bouloy, Solène Burel, Camilla Cason, Charlotte Cox, Kim Maï Do Danh, Rémy Isenmann, Lisa Lanteri, Brice Lourenço, Marie-Josée Louvet, Gleb Lyamenkoff, Clément Malczuk
et Christelle Bion, Cécile Duvauchelle, Margritte Gouin, Gaël Alamargot, Gregory Beaumont, Jean-François Gabet, Artur Zakirov