Music a wonderful apprenticeship method for reading an writing among young children
La musique a-t-elle un effet sur les apprentissages de la lecture et de l’écriture chez les jeunes enfants? « Oui, répond Jonathan Bolduc. Les activités musicales favorisent le développement de la conscience phonologique, soit les habiletés à percevoir, segmenter et manipuler les unités sonores du langage, comme les rimes, les syllabes et les phonèmes. »
Les travaux de ce chercheur, membre associé au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS) de l’Université de Montréal, s’inscrivent dans une suite de recherches qu’il mène depuis près de 15 ans sur les retombées de l’apprentissage de la musique relativement à l’appropriation du langage oral et écrit chez les enfants d’âge préscolaire et scolaire. Ses études confirment l’importance des activités musicales et de l’enseignement de la musique à l’école. « Lorsqu’elles sont associées aux apprentissages en matière de langage, les activités musicales contribuent à l’acquisition des habiletés en lecture et en écriture », dit-il.
Dans un récent article publié par la revue scientifique Psychologie française, Jonathan Bolduc s’est penché sur le lien entre la perception rythmique (c’est-à-dire l’ordre et la proportion des différentes durées des sons) et les capacités à segmenter les mots en syllabes. L’étude réalisée en collaboration avec la professeure Isabelle Montésinos-Gelet, du Département de didactique de l’UdeM, a été menée auprès de 61 enfants de quatre ans qui fréquentent la maternelle dans une école franco-ontarienne.
Les résultats révèlent que de meilleures habiletés perceptives sur le plan rythmique bonifient le traitement de la syllabe. « Les enfants qui distinguent un plus grand nombre de séquences rythmiques segmentent mieux les mots en syllabes, ce qui facilite l’élaboration de stratégies en lecture et en écriture », résume M. Bolduc.
Aiguise ta mémoire auditive!
On sait depuis longtemps que la musique est un puissant vecteur d’émotions. Elle fait monter la tension dans les films à suspense, tire les larmes dans les drames et provoque le rire dans les comédies.
C’est également un fait que les adultes qui ont étudié la musique dans leur tout jeune âge ont une plus grande mémoire auditive. Cette observation, qui découle des travaux de Jonathan Bolduc réalisés au début des années 2000, est aujourd’hui reconnue par la communauté scientifique. Des chercheurs partout dans le monde ont confirmé le phénomène: une éducation musicale précoce favorise le développement cognitif telle la mémoire auditive.
« La musique est un véhicule pour aller chercher les enfants qui se sentent insécurisés par rapport à l’apprentissage de la langue. Lorsqu’on passe par la musique, c’est moins menaçant. Du coup, ils se prêtent plus facilement au jeu et, ce faisant, ils travaillent leur mémoire auditive. Cela a un effet positif sur le développement de la conscience phonologique », explique Isabelle Montésinos-Gelet.
Les résultats sont sans équivoque. Depuis la publication de leurs travaux, plusieurs enseignants ont recours à cette approche pour faciliter l’acquisition des habiletés en écriture et en lecture.
Un programme d’entraînement expérimental
Depuis sa maîtrise en didactique du français et en psychologie du langage sous la direction de Mme Montésinos-Gelet, de 2000 à 2002, Jonathan Bolduc s’est pris d’un vif intérêt pour son objet de recherche. « J’y ai trouvé une science passionnante encore à ses balbutiements qui me convient parfaitement », affirme celui qui est aussi titulaire d’un baccalauréat en musique de l’Université de Montréal.
C’est sa pratique comme enseignant au préscolaire qui l’a amené à explorer ce champ de recherche. Tout l’incitait à croire que les activités musicales pouvaient éveiller les jeunes à l’écrit. « Je le voyais bien, dit-il. Les enfants qui réussissaient mieux en musique semblaient avoir de meilleures habiletés langagières. Mais c’était du domaine anecdotique. Il fallait le prouver scientifiquement. »
Toujours intrigué par le phénomène, il décide donc de poursuivre ses études et de faire un doctorat à l’Université Laval sous la codirection de la professeure Montésinos-Gelet. Intitulée Les effets d’un programme d’entraînement musical sur le développement des habiletés langagières d’élèves francophones de la maternelle du Québec, l’étude expérimentale suscite un grand intérêt dans la communauté scientifique et parmi les enseignants. « Nous avons montré que le programme jumelant la musique à la littératie avait des retombées positives sur les capacités en lecture et en écriture. » Un lien direct était aussi observé avec le développement de la mémoire auditive.
Au total, six classes ont participé à cette recherche, soit une centaine d’élèves d’âge préscolaire. Le chercheur a offert une formation musicale qui intégrait des activités de reconnaissance de mots et d’écriture à la moitié d’entre eux. Les classes formant le groupe témoin ont pour leur part suivi uniquement le programme d’éducation musicale du ministère de l’Éducation du Québec.
« L’analyse des données indique que les deux programmes améliorent les capacités musicales. Le programme musical expérimental s’avère toutefois plus efficace quant au développement des aptitudes en écriture », mentionne M. Bolduc, qui a récemment été engagé à titre de professeur à la Faculté de musique de l’Université Laval, où il est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en musique et apprentissages et dirige le laboratoire Mus-Alpha, financé par la Fondation canadienne pour l’innovation.
Ce qui ne l’empêche nullement de poursuivre des recherches avec son amie de longue date, Isabelle Montésinos-Gelet. Il travaille aussi en collaboration avec des chercheurs du BRAMS, dont la professeure Isabelle Peretz, du Département de psychologie de l’UdeM, à l’élaboration d’une batterie de tests d’évaluation musicale pour les enfants de moins de cinq ans.
« Ce sont des professeurs passionnés en éducation et en psychologie à l’UdeM qui ont éveillé mon esprit scientifique, confie-t-il. Grâce à eux, aujourd’hui, je suis transcendé par l’enseignement et la recherche. »
Dominique Nancy
Sources: Unité de M.Nouvelles. Université de Montréal