During the First World War, a French soldier, who later became a very famous writer, refused to obey a scandalous order
La chronique de Félix DELMAS
En cette période de commémoration du centenaire du début de la guerre mondiale, une multitude d’ouvrages portant sur cette période, de valeurs très inégales, submergent les rayons des librairies. Parmi toute cette production, il n’est pas toujours facile de faire un (bon) choix. Dans le cadre de sa collection « Mémoires du XX siècle », « série Première Guerre mondiale », les éditions de l’Harmattan viennent de publier « Ça jamais, mon lieutenant !» de Marcel Duhamel. Ce dernier était un artilleur ayant fait toute la guerre. Ses souvenirs ne portent que sur les premières années de la guerre quand il servait d’abord comme cycliste d’état major, puis comme responsable d’une pièce d’artillerie. De fait, après une forte commotion qui le rendra sourd (il retrouvera progressivement l’ouïe), il servira, loin du front, dans la DCA.
Grace à Marcel Duhamel, nous pouvons vivre au quotidien la vie d’ « un homme de base », d’un sans grade, qui en août 1914, ferme son commerce de vente et de location de cycle et de motos, pour aller faire la guerre. Il le ferme comme il le faisait tous les jours tout en sachant que le lendemain personne ne lèvera le rideau. Il part parce qu’il le faut, il ne se pose pas de question, répondre à la mobilisation est totalement normal, dans l’ordre naturel des choses.
D’une écriture fluide, limpide, on assiste à des petites scènes, parfois cocasses, parfois terribles, souvent ubuesques. Il faut dire que grâce à une carte mise en annexe, l’itinéraire que suit son régiment les premiers mois de la guerre ne semble pas répondre à aucune logique, à aucune rationalité tactique. Rien que cette carte montre l’impréparation, le décalage entre la théorie et la réalité dont fit preuve l’état major des armées. L’homme n’est rien aux yeux des officiers. Plus le temps passe, plus les officiers, sauf rares exceptions se trouvent loin du feu, ce qui explique des ordres qui ne seraient qu’absurdes s’ils n’avaient amenés tant d’hommes à la mort et qui donc sont criminels. Tout comme était criminel ce lieutenant qui demanda à Marcel Duhamel de tirer sur des fantassins épuisés qui montaient sur les caissons d’artillerie quitte à causer des accidents. C’est sa réaction qui a valu ce titre à ses mémoires.
Les rats, la boue, le feu, l’épuisement, la faim, la mort et… aucune haine vis-à-vis de l’ennemi. Pas de « sales boches » et autres insultes du même acabit mais toujours un respectueux « ces messieurs d’en face ». Du respect, le respect du au « frère d’arme », pas le dénigrement de l’adversaire. Une vision que l’on n’a pas l’habitude d’entendre, et pourtant, dans la correspondance des « poilus », c’et plus les mots, la pensée de Marcel Duhamel que nous lisons et nom les tombereaux d’injures, d’insultes de la propagande officielle.
Un témoignage humain, poignant qu’il faut lire pour mieux comprendre la culture, l’idéologie dans lesquelles baignaient ces millions d’hommes qui sont partis en août 1914 se massacrer allègrement.
Félix Delmas
Ça jamais mon lieutenant !
Marcel Duhamel
Éditions de l’Harmattan.11€50