Torments of love and humanity, a very sensitive novel
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La chronique littéraire d’Émile COUGUT
Joseph Hone, irlandais d’origine est actuellement enseignant au Wroxton College dans la région des Cotswolds en Angleterre. Il a eu une vie errante entre l’Inde, la France ou New York. De tout temps il a aussi bien collaboré à des scénarios de cinéma, qu’écrit des articles ou des critiques, des romans d’espionnages que des romans. Les éditions BakerStreet viennent de publier son dernier livre. Contrairement à ce que la dénomination de cette maison d’édition pourrait laisser entendre, Une ombre au tableau est un roman. Un roman « tout court », pas un roman policier et encore moins un thriller. Soit, on y croise des policiers, français, allemands ou italiens, mais ils sont loin d’apporter leur contribution au déroulement de l’histoire. S’ils proviennent de tant de pays différents, c’est que Joseph Hone fait voyager ses héros non seulement dans ces trois pays mais aussi en Irlande et en Angleterre.
Benjamin (dit Ben) Contini, peintre d’origine italiano-irlandaise, le jour de l’enterrement de sa mère (qui a toujours haït son fils qu’elle a déshérité) est abordé par une jeune femme, Elsa Bergen, irlandaise d’origine autrichienne vivant à New York, dont le père mourant lui a dit que ce jeune peintre lui expliquera. Quoi ? Elle l’ignore et lui aussi. Mais Elsa ressemble étrangement à Katie, la femme dont il était amoureux et dont il recherche les causes du suicide une semaine avant. Dans le grenier, il trouve un tableau de nue qui s’avère être un Modigliani authentique mais inconnu, et dans le tiroir secret d’un bureau une liste d’objets et de tableaux qui correspondent aux vols à des familles juives du docteur Frantz, gouverneur général de la Pologne durant l’occupation nazi.
S’ensuit une quête non seulement sur le devenir de ce trésor, mais aussi de leurs vraies origines qui conduira Ben et Elsa à Paris, sur les canaux de l’Est en péniche, dans la région d’Ulm, à Munich et à Carrare avant de revenir dans la grange où vit Ben dans les Cotswolds. Ils sont poursuivit par des néo-nazis, des trafiquants de drogue et un antiquaire véreux.
A la fin, tout deux apprennent la vérité, celle de leur origine, celle de leur rapport avec leurs amours perdus. Mais, comme dit l’adage « toute vérité est-elle bonne à dire », ou plus exactement, Joseph Hone pose la question de savoir si toute vérité est bonne à savoir, car parfois la vérité peut détruire ceux qui la connaissent : « J’aurais dû voir que les principes et le combat pour la vérité ne sont pas des absolus, qu’il faut savoir y renoncer. » Se pose la question des limites qu’il faut savoir s’imposer dans notre quête d’un certain absolu, dans la défense de nos principes. Se comporter comme un « chevalier blanc » est certes noble, mais peut aussi faire preuve d’un certain autisme quand on ne perçoit pas le mal que nous faisons aux autres en restant « droit sur nos principes ».
Il y a Ben et sa quête de vérité, avec ses principes intangibles, mais il rencontre le souvenir de son défunt père qu’il a adoré. Et cette figure tutélaire n’a pas eu la même attitude que lui à un moment de sa vie. Déporté à Auschwitz car juif, toute sa famille gazée, il a du survivre, survivre face au mal, et pour survivre il a du composer, se renier, oublier ses principes. Bien sûr au nom des grands principes universels ce qu’il fit est plus que condamnable, mais un autre à sa place n’aurait-il pas fait de même ? L’instinct de survie n’aurait-il pas triomphé ? Et le reste de sa vie depuis son exil obligé en Irlande n’était-il pas une façon d’expier ce passé de fait toujours présent. Ce passé que seule sa mère puis sa femme connaissaient, la première l’ayant compris, la seconde l’ayant rejeté et portant sa haine même sur leur fils. Ce terrible passé toujours présent en la personne de Joseph Bergen ?
Joseph Hone nous questionne aussi sur l’amour, sur la communication entre deux personnes, soit unies par le lien amoureux, mais qui ne comprennent pas ce que l’autre attend, ou qui ont peur de ne pas être à la hauteur de ses attentes. Et si la plupart du temps, cette peur, cette non communication conduisent à une rupture, toujours douloureuse pour celui qui est quitté (surtout quand il cherche à comprendre, quand il se pose des questions auxquelles il n’a pas eu réponses ou dont il ne veut pas entendre les réponses), il n’en demeure pas moins que, parfois, rester est la plus belle forme d’amour que l’on peut donner à l’autre : « J’ai pensé qu’il valait mieux être fidèle aux qualités de quelqu’un qu’on avait aimé, au lieu de trahir la confiance qu’on avait en lui. En partant, j’aurais renié l’amour que j’avais eu pour lui. »
L’amour peut tuer quand il est basé sur un mensonge, quand l’incompréhension, la non communication s’instaurent. Mais l’amour peut permettre de vivre quand on se souvient d’avoir aimé.
Une Ombre au tableau nous amène dans une histoire quelque peu rocambolesque, dont les deux héros sont des torturés de la vie et qui le seront encore plus quand ils reviendront dans les Cotswolds avec la réponse à leurs questions. Ils réagiront chacun tels qu’ils sont. Ils sont humains et Joseph Hone fait magnifiquement ressortir cette humanité qui est en eux, qui est en nous.
Emile Cougut
Une ombre au tableau
Joseph Hone
Éditions BakerStreet. 21€
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