An holistic exhibition about Architecture in wartime

La Seconde Guerre mondiale a fait ressentir ses effets sur toutes les composantes de la pratique architecturale, à commencer par les architectes eux-mêmes. L’exposition « Architecture en uniforme », à la Cité de l’architecture et du patrimoine (Paris, du 24 avril au 8 septembre 2014) en rend compte.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la Seconde Guerre mondiale apparaît comme le décor tragique d’une intense activité en matière d’expériences architecturales. Entre le bombardement de Guernica par les nazis (1937) et le feu nucléaire lâché sur Hiroshima et Nagasaki par les Américains (1945), les architectes n’ont pas cessé de travailler – de gré ou de force – à toutes sortes de projets : qu’ils construisent des usines, des pistes d’aviation, des villes-leurres, des logements pour ouvriers ou des camps d’extermination… Ennemis et Alliés ont mobilisé toute la palette de leur expertise.les modalités de la rencontre entre les architectes et la guerre sont analysées sur une base comparative. Un parallèle est proposé entre les projets entrepris en France, au Canada, en Allemagne, en Italie, au Japon, en Espagne, aux États-Unis et en URSS, tant pour le front proprement dit que pour l’arrière.

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Héros et crapules

C’est ce que rappelle le commissaire de cette exposition, l’historien Jean-Louis Cohen qui, au fil d’une vingtaine de tableaux thématiques, explore cette « zone grise » de l’histoire de l’architecture. Chacun d’eux est illustré par des maquettes d’époque, des films d’actualité, des ouvrages originaux et des revues qui (dé)montrent la fécondité, parfois perverse, des situations affrontées par les architectes pendant ces années sombres. De « A » comme Alvar Aalto à « Z » comme Bruno Zévi, en passant par « S » comme Albert Speer ou « N » comme Ernst Neufert, l’exposition commence par une galerie de portraits de 40 architectes, en uniforme ou en civil, qui dessinent le spectre complet qui va du héros de la résistance au collabo honteux, en passant par la crapule nazie et le criminel de guerre intégral : de Speer, condamné en 1946 par le tribunal de Nuremberg, aux résistants polonais Helena et Szymon Syrkus, détenus à Auschwitz. Des notices biographiques décrivent la diversité de leurs engagements et de leurs destins…

Construction/Destruction

Bravoure des uns, lâcheté des autres… Tous trouvent, au travers de la guerre, matière à nourrir leur art et leurs aspirations, qu’il s’agisse de protéger les villes de leur destruction programmée, d’abriter des civils, de remodeler des territoires ou de construire les méga-projets du Pentagone de Washington ou de la ville-usine secrète de Oak Ridge (Tennessee, USA), sans oublier Auschwitz (Pologne) ou Peenemünde (Allemagne) .

La production des architectes, loin de concerner la seule construction/protection/destruction de monuments et d’édifices a touché également à des réflexions sur la production industrialisée, la préfabrication, le recyclage des matériaux : bicyclettes improvisées, poêles à combustibles pauvres, logements provisoires ou d’urgence en série, etc. Des objets dont la production rappelle le contexte de pénurie généralisée qui prévalait alors.

Bases et bunkers

Autre type d’ouvrage qui fut au cœur de l’activité des architectes et ingénieurs de l’époque, les abris antiaériens et les fortifications – la ligne Maginot ! – censée défendre la France d’une invasion allemande : une manne pour les entreprises de BTP qui ont ainsi coulé des centaines de milliers de tonnes de béton pour construire des bunkers et des bases sous-marines toujours bien présents dans le paysage… Enfin, l’exposition n’oublie pas d’évoquer la participation des architectes aux divers mémoriaux chargés de perpétuer le souvenir du conflit, ni le cynisme honteux qui leur a souvent fait brûler leurs archives et falsifier parfois la date de certaines de leurs réalisations…

Sources: Cité de l’architecture/ Le Moniteur

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Catalogue « Architecture en uniforme. Projeter et construire pour la Seconde guerre mondiale », par Jean-Louis Cohen, 17,8 x 24,6 cm. Co-édition Centre canadien d’architecture/Hazan, 448 pages, 38€50


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