The other side of sports champions, a novel written in 1941.
La chronique littéraire d’Émile COUGUT.
Les éditions Le Dilettante ont pris l’excellente initiative de rééditer des œuvres d’auteurs qui eurent, à juste titre, un certain succès à leur époque mais qui sont tombés dans l’oubli. C’est le cas de Georges Magnane, nom de plume de René Catinaud, né en Haute-Vienne professeur agrégé d’anglais au lycée Pasteur de Neuilly sur Seine.
Professeur, mais aussi traducteur de Nabokov, d’Hemingway ou de Truman Capote, et grand amateur de sport non comme spectateur mais comme pratiquant : l’aviron, le judo, la natation ou encore la boxe furent de ses passions (d’ailleurs, il fut un des pionniers de la sociologie du sport avec Georges Friedmann). Et bien sûr l’écriture. Il trouve l’inspiration de ses romans dans son vécu professionnel (par exemple la bête à concours qui fut finaliste pour le Goncourt) ou dans son vécu personnel.
C’est le cas pour Les hommes forts. Les lieux : un village dans le Limousin, Marseille, Paris, sont ceux où il a vécu. L’athlétisme, l’aviron, des sports qu’il a pratiqués.
L’histoire est simple. Alors qu’il était enfant, le héros est aspiré par le sport et pratique l’athlétisme. Il a des bons résultats, surtout sur le 800 mètres, mais il sait que dans un autre collège, il y a un autre athlète, Quercy, qui est bien meilleur que lui. Ils finissent par se rencontrer lors d’une compétition et une amitié se noue entre eux. Lui est admiratif de ce sportif complet, qu’il envie, jalouse mais dont il cherche la présence, étonné que cette sorte d’idole daigne s’intéresser à lui. Plus tard, il revoit par hasard Quercy, ce dernier vit avec une superbe femme dont il tombe amoureux, mais tait son sentiment par respect pour son ami. Ils pratiquent tous les deux l’aviron dans un club où petit à petit Quercy montre sa vraie personnalité. Et quand des années plus tard ils se revoient à Paris, alors le narrateur comprend qui est vraiment Quercy.
Le personnage principal des Hommes forts est bien Quercy. C’est un sportif, un sportif brillant, mais qui s’avère être narcissique, égoïste, sûr de lui, hédoniste, vaniteux, superficiel. Il est obséquieux avec les puissants et dédaigneux avec ceux qui n’ont pas un statut social élevé (il ne recherche pas les mêmes relations dans le club d’aviron avec l’avocat et avec le docker qu’il méprise). Mais quand tout ne va pas comme il le souhaite, alors il panique et « craque ». Il est tellement sûr de lui qu’il a l’impression que l’on entend sa venue, c’est le cas au niveau sportif, c’est aussi le cas au niveau professionnel : journaliste, il se refuse de travailler à la chronique des chiens écrasés. Mais comme derrière les apparences physiques, il n’y a aucune assurance, aucune profondeur intellectuelle, il ne fait que survivre de son travail.
Quercy est un pervers, un manipulateur. Il manipule aussi bien ses amis que sa femme. Ce qu’il leur demande, ce qu’il exige d’eux, c’est qu’ils le flattent continuellement, et comme il doute de lui, il est en perpétuelle recherche pour accroitre sa « cour ».
Ce livre, écrit en 1941, représente un cas pratique pour futur psychiatre.
Georges Magnane aime le sport, sait parfaitement décrire les plaisirs qu’il procure, les satisfactions tirées de l’effort, le bien-être physique qui en résulte. Mais il sait aussi que le sport n’est pas une fin en soi, qu’il ne permet que de développer une apparence, et que la vraie richesse des hommes n’est pas dans leur physique aussi parfait soit il, mais dans les relations qu’ils savent tisser avec les tiers. Le sportif n’a pas obligatoirement un petit pois à la place du cerveau, nous dit Georges Magnane, mais ce n’est pas lors de la pratique sportive que l’on peut s’en rendre compte, mais dans l’intimité du sportif.
Emile Cougut
Les Hommes forts
Georges Magnane
Éditions Le Dilettante. 18€