The resistible rise of far right in France


L’éditorial de Pierre-Alain LÉVY.


Mercredi 28 mai 2014. Les français se sont réveillés lundi matin groggy, après que d’autres aient choisi de donner leurs voix au parti lepéniste dont les connexions avec la mouvance de l’extrême-droite sont légions. Que le parti des Le Pen et Gollnisch, de Minute, National Hebdo ou de Présent soit devenu le parti majoritaire en France aux élections européennes, quel choc, indépendamment du nombre très élevé des abstentionnistes !

Olécio partenaire de Wukali

Qu’un parti nationaliste ou dit tel se targue de sa victoire alors que celle ci même dégrade l’image de la France au delà de ses frontières voilà qui est paradoxal ! Que des électeurs certes directement touchés par la crise économique et dont nombre d’entre eux avaient leurs habitudes dans la pratique syndicale et ses grandes organisations représentatives et qui font le choix de l’extrême-droite voici un indicateur qui au delà de la versatilité de l’électorat constitue aussi le signal d’une perte de repères, de mémoire sociale et tout bonnement historique. Le parti lepéniste a choisi la stratégie de l’entrisme, parti irresponsable dans le sens où son attitude quant à l’Europe sera sans grand effet sauf à diminuer la présence française dans les institutions, présidences et commissions de Strasbourg ou de Bruxelles et son rayonnement international.

Derrière les sourires carnassiers des représentants bon chic bon genre, cheveux teints en blond ou mèches rebelles, des dirigeants du parti de Saint-Cloud ou de Nanterre, frétillent toutes sortes de personnages glauques ou de groupuscules qui sont plus en communion avec Charles Maurras, Darquier de Pellepoix ou Monseigneur Lefebvre, pour ne pas dire Hitler que d’une pensée purement poujadiste !

Islamisme fanatique et terroriste et extrême-droite s’adoubent mutuellement!

Leurs émules s’affichent volontiers auprès des célébrités racistes et antisémites de la scène médiatique ( affaire Dieudonné) et dont certains sont stricto sensu de purs nazis. Ils se dissimulent ainsi derrière un populisme de façade qui se charge de récupérer tout un électorat populaire prêt d’ailleurs à l’abandonner plus tard !

Les alliances subjectives de l’extrême-droite avec certains acteurs d’un pan arabisme soumis à l’islamisme fanatique, les passerelles pour le moins suspectes de cette même extrême-droite française ou européenne avec certains courants politiques de certains pays arabes inquiètent. D’aucuns esprits assez simples pourraient juger que l’auteur de ce texte délire, ils se tromperaient. L’alliance des contraires, ou tout du moins estimés comme tels ce qui est bien différent, est une constante de la vie politique. Le Grand Mufti de Jérusalem avait ses entrées avec Hitler et était reçu officiellement à Berlin par exemple, et Jean Marie Le Pen a défendu bec et ongles ce grand démocrate de Saddam Hussein.

De nombreuses Cassandre depuis de très nombreuses années ont pointé le danger et n’ont jamais été écoutées, pire encore leurs avis ont été moqués, et après la sinistre tragédie de Toulouse où de jeunes soldats ainsi que des collégiens et un professeur juifs ont été assassinés, c’est à peine si l’opinion a pris en compte cette menace. Le corps social et intellectuel de la nation est gangrené et ceux qui dénonçaient la menace, rares journalistes ou purs intellectuels, ont été ostracisés, voire eux-mêmes qualifiés de fascistes ce qui est un comble !

Les racines de l’extrême-droite

Les racines de l’extrême-droite sont nourries de la haine de l’autre, de celui qui est l’héritier de la philosophie des Lumières, d’une pensée véritablement laïque et libre.

Haine de la république, de la haine du peuple, de la haine des pauvres et des étrangers. Haine contre le protestant, le juif, le franc-maçon, contre le progressiste ou le libre penseur, contre tout un chacun qui refuse une pensée dogmatique et sectaire. Haine contre le progrès, haine subliminale contre la femme, ne lui reconnaissant pas la maîtrise de son corps et son choix libre de la procréation, refus de la fécondation in vitro, haine de l’homosexuel, xénophobie larvaire. Un véritable anti-darwiniste qui s’il accédait au pouvoir briserait le consensus républicain et provoquerait une véritable révolution culturelle qui nous ramènerait plus d’un siècle en arrière! Une pensée ratatinée pleine de fiel et repliée sur elle-même et qui joue de nos impuissances, de nos peurs et de nos velléités.

Le populisme de Le Pen (J-M), tout ancré profondément à l’extrême-droite qu’il fut, a cependant pendant des années fait le jeu des institutions de la Vème République même si ces dernières lui servaient de punching ball commode. La vieille frange rancie et fascisante, celle de Vichy et de Pétain, ces fachos de doctrines, ceux qui puisent leur haine dans des bréviaires de la haine condamnés, dans une littérature nauséabonde et qui éructent contre la démocratie, aujourd’hui se réjouissent. La violence physique qui est structurante de l’extrême-droite peut aujourd’hui réapparaitre.

Alliances et communication

Les amis de mes amis sont mes amis, il n’est que de voir quels sont ceux des Le Pen, de l’Aube dorée en Grèce, au NPD en Allemagne, du Vlaams Belang en Flandre belge ou autres néo-nazis autrichiens, anglais ou allemands.

L’habileté sémantique de Marine Le Pen est confondante devant une classe médiatique muette ou incapable de répondre. Le ventre est encore fécond … vous connaissez la suite, oui hélas !

Tactiquement, stratégiquement les néo-nazis ont fait depuis plusieurs années le dos rond, ont été priés par leurs dirigeants de ne pas trop se faire voir et de ne pas apparaitre dans le service d’ordre du Front National (notamment depuis l’arrivée aux rênes du pouvoir du FN de Marine Le Pen. Aux crânes rasés, aux blousons noirs, l’on y préfère aujourd’hui, le blazer de bonne coupe, style club anglais, pour afficher ainsi une respectabilité pour séduire le gogo. La communication politique, a fait son entrée au siège du Front National, et la politique d’image çà compte dans notre société!

Pour s’en convaincre, il est d’ailleurs on ne plus intéressant de faire sur internet une recherche iconographique sur Marine Le Pen. Ses images sont nombreuses et la femme y apparait belle et souriante, en revanche nulle trace de proximité avec les crânes rasés et autres gros bras identitaires, comme si une tornade blanche avait lessivé Internet de toutes traces suspectes, de toutes photographies compromettantes car d’évidence elles existent. On y trouve seules de rares photographies prises lors du défilé de la fête de Jeannne d’Arc, quelque part avenue de l’Opéra à Paris avec son cher Papa et tonton Bruno. Il est vrai que ce dernier sent le soufre !

Cela laisse à penser que la stratégie de communication et de manipulation du Front National a été soigneusement et depuis longtemps murie, réfléchie et soupesée, notamment sur les réseaux sociaux, ce qui en soit est quelque peu inquiétant ! Inquiétant aussi pour les journalistes qui se sont laissés circonvenir.

Les attentats de Bruxelles, ou en France de Créteil ou autres affaires qui ont percuté notre paix civile ( l’affaire Ilan Halimi également), ne sont en rien des faits divers mais des marqueurs socio-politiques ( voir l’article du Huffington Post publié au bas de cet article). Les débordement verbaux récurrents de ce cher Jean-Marie sont toujours dans les mémoires, ou tout du moins dans celles de ceux qui savent qu’ils en disposent, et les médiatisations cosmétiques de l’actuelle dirigeante du FN ne doit en rien occulter le corps de doctrines dont elle se nourrit.

La violence, l’assassinat politique, les ratonnades sont consubstantiels de l’histoire de ces partis d’extrême-droite, ultras et racistes. La presse et l’édition d’extrême-droite reprennent de la vitalité notamment dopés par l’usage au demeurant adroit de l’internet. Pour beaucoup de gens, puisque «c’est marqué», c’est donc vrai ! La désinformation fait des ravages et l’antisémitisme sous la dénomination de l’anti-sionisme, s’affiche. Un certain nombre de nos amis, au demeurant personnes parfaitement respectables, sont même allés jusqu’à estimer anormales les mesures prises contre le pâle Dieudonné au prétexte de la liberté d’expression. Voici une trahison des clercs plus que surprenante !

Depuis plusieurs années, lentement, méthodiquement, le Front National, engrange à chaque rendez-vous électoral, des petites victoires et étend son réseau sur l’ensemble du territoire, dans chaque ville ou village, et convainc de nouveaux électeurs déboussolés !

État des lieux

La classe politique républicaine porte une très grande part de responsabilité, tant à droite qu’à gauche. D’un côté à droite on embouche comme un automate de boîte à musique les trompettes de l’insécurité et de l’inquiétude contre l’autre, reprenant ainsi les thématiques favorites du FN, jusqu’à le singer, exutoire pratique pour dissimuler les impuissances politiques et économiques passées ; de l’autre à gauche on met en avant la critique de l’excuse pour dédouaner de leurs responsabilités toutes sortes d’individus et de délinquants que l’on estime victimes de la crise économique et sociale, en utilisant une langue de bois parfaitement insupportable, ou en inventant la lune ! Voila qui donne du grain à moudre ! Quant aux médias l’on ne peut qu’être surpris par leur inculture, la fragilité et l’inconséquence de leurs analyses et de leur manque de discernement.

L’on ne peut qu’être aussi scandalisé par l’absence de pédagogie et d’explication de la vie politique et de ses institutions, notamment européennes, tant dans les journaux qu’à la télévision. Le verbe y est au mieux incantatoire au pire c’est la désertion en pleine bataille ( et je pense tout particulièrement au service public de télévision qui a dans le cadre de ces dernières élections, refusé, malgré ses dénégations et arguments oiseux manquant de panache, de diffuser sur ses grandes chaînes ( France 2, France 3) les débats des têtes de listes européennes ramenant ainsi un scrutin majeur et européen à une confrontation nationale et un règlement de compte avec le gouvernement ! Bref un vrai débat de bistrot eu égard aux conséquences !)

De même manière, l’abandon dans les programmes scolaires de tout un pan de notre culture pose problème allant de pair avec l’étrange cécité ou plutôt la méconnaissance de nos contemporains sur l’état du monde et des rapports de force.

La présentation de l’analyse de la situation économique de la France et des effets de la mondialisation est faible pour le moins. On préfère le coup de gueule, la parole magique, le «demain je rase gratis», c’est le bal masqué des ambitieux politiques de tous acabits, ivres de verbes et de déclamations, souhaitant la déroute de leur camp et du pays, crapotant pour retrouver le maroquin d’un ministère ou gagner une place d’apparatchik partisan, qui ne peuvent ensuite que verser des larmes pour se faire pardonner leurs irresponsabilités et leur morgue ou se faire alors définitivement oublier !

On se plait à vanter et a réciter avec panache faut-il le reconnaître la prose d’un certain Céline. On écoute au théâtre avec délectation même son inventivité verbale et lexicale, la prosodie du médecin des pauvres à Meudon, et l’on admire l’infini talent du comédien, certes ! Au passage on critique et l’on chasse d’un revers de main sa haine des juifs odieuse exprimée dans ses livres, «détail de l’histoire» peut-être… ? On ne s’étend pas sur sa prose assassine et ses appels au meurtre antisémite. Faut-il donc être juif seulement pour s’en offusquer et souffrir dans sa chair, dans sa mémoire, dans sa sensibilité pour le respect et le repos des siens, je me refuse à accepter pareille vilenie. Trahison des clercs encore une fois largement assumée !

Pendant ce temps, la sape de nos institutions est en cours. Marine Le Pen en appelle quasiment à la rue, pas encore à l’émeute, et demande la dissolution de l’assemblée. Ses idées pervertissent différents secteurs de l’opinion dont notamment certains milieux étudiants.

Il est grand temps de se reprendre, de cesser les attaques ad hominem, notamment celles touchant au chef de l’état, et de laisser la démagogie de prise de pouvoir au vestiaire ! À vouloir rivaliser dans la démagogie et le populisme on tisse des couronnes à la tyrannie. À confondre suffrage républicain et fête de la bière à Munich, on scie l’arbre de la liberté sous lequel on est tous à ce jour protégé ! On attend aussi de ceux qui nous gouvernent, des conversations au coin du feu telles pratiquées par un certain Pierre Mendès-France, cette pédagogie de l’action politique, du courage et de la prise de décision, une propédeutique, celle de la République !

Pierre-Alain Lévy


WUKALI 28/05/2014
Courrier des lecteurs :redaction@wukali.com


Lu dans la presse : Le Huffington post.

par Marc Knobel

Robin a 16 ans, cheveux roux et regard de chien battu. Entre un père parti refaire sa vie et une mère absente, la vie de Robin se délite. Robin a soif de reconnaissance et d’affection, besoin de s’affirmer et de se mesurer aux autres. Séduit par un camarade de classe qui ne cache pas sa xénophobie, il cède doucement. Pour finalement s’échouer chez Bernd, qui anime un réseau néo-nazi dans une citée bétonnée. L’accueil y est chaleureux. Commence alors une descente aux enfers, rapide et ultra violente. En épousant ainsi le néonazisme, ils commettent autant d’actes criminels.

Rappelons ici que les terroristes néo-nazis -dits « politiques »- sont le plus souvent d’abord des criminels de petite délinquance. L’idéologie ne vient qu’afin de justifier leurs crimes plus graves et leur donner un sens. Un cas de figure que l’on rencontre dernièrement en Allemagne avec l’affaire de la « cellule de Zwickau » (un trio terroriste néo-nazi financé à coups de braquages de banques a assassiné neuf personnes), dont le procès en fait celui de la seule survivante, Beate Zschäppe – s’est ouvert à Munich.

Cette affaire a révélé une faillite assez grave des services de renseignements, incapables d’anticiper et d’alerter sur la dérive radicale du groupe en question.

Et en France, que se passe-t-il?

Nicolas Lebourg, spécialiste des extrêmes droites, résume ce qu’il en est de la scène néo-nazie en France (nouvelobs,18-07-2013): « Le pays n’a pas connu de groupe néo-nazi réellement étoffé depuis la disparition du Parti nationaliste français et européen (PNFE) à la fin des années 1990, disparition pour partie provoquée par la répression consécutive à de multiples violences, y compris à caractère terroriste« .

Certes, mais il faut cependant noter qu’en France la scène néo-nazie n’a pas complètement disparu.

Ainsi, en janvier 2013, les skinheads qui sèment la terreur occasionnellement dans les rues de Besançon se manifestent en gazant les clients d’un bar du quartier Rivotte. En février, le leader d’un groupuscule franc-comtois se revendiquant clairement du néonazisme sort de prison, où il était incarcéré depuis 2010 pour des nouveaux faits de violence sur un jeune d’origine turque; un certain Marc B., identitaire ultra radical connu pour ses actes brutaux. Leur groupe dénommé « Radikal Korps » rassemblent les skinheads de la région. L’objectif de la bande? Organiser des actions coup de poing, des concerts, des rassemblements de soutien aux prisonniers ultranationalistes, etc.

Le mouvement est aussi en lien avec d’autres formations du même type.

L’on note par exemple plusieurs rencontres avec le Bunker Korps à Lyon, comme à Paris le 9 mai 2010. En mai 2013, un rassemblement de néo-nazis était attendu dans les Pyrénées-Orientales. Des skinheads de plusieurs pays se seraient donné rendez-vous, officiellement pour un concert de rock. En réalité, des rencontres entre groupuscules, des séances de tirs et un concours de salut hitlérien auraient figuré au programme de ce rassemblement.

En juin 2013, Clément Méric, un jeune d’extrême-gauche âgé de 18 ans décède à la suite d’une rixe avec de jeunes skinheads près de la gare Saint-Lazare à Paris. En juillet 2013, le norvégien Kristian Vikernes, un néo-nazi norvégien, sympathisant d’Anders Breivik, l’auteur de la tuerie d’Utoya en juillet 2011, est interpellé en Corrèze.

La police le soupçonne de préparer un « acte terroriste d’envergure« . Ouvertement raciste et antichrétien, il voue un culte aux dieux nordiques comme Odin. A plusieurs reprises, il est poursuivi pour avoir incendié des églises.

En avril 2011, Vikernes avait signé une tribune (en français) sur son site internet personnel. Intitulé « Chère France », ce texte appelait les Français à voter pour le FN.

En avril 2014, un rassemblement « à caractère néo-nazi » réunit le 23 avril plus de 200 personnes venues de France et d’Allemagne, dans un village situé près des frontières suisse et allemande, louée pour l’occasion. Il est vrai que face aux restrictions et à la médiatisation auxquelles ils sont exposés en Allemagne, les néo-nazis allemands et quelques français ont trouvé une parade depuis des années pour faire la fête: traverser les frontières. En France, l’Alsace et la Lorraine sont des destinations prisées.

A Volmunster (Moselle), des néo-nazis allemands disposeraient même d’un chalet privé sur un lopin de terre isolé pour pouvoir y organiser des concerts en toute tranquillité. «Je ne sais pas si le terrain est à eux, mais il appartient à un Allemand», déclare le maire de la commune (20 minutes, 27 avril 2014). « De temps en temps« , des gens « viennent avec une semi-remorque et font de la musique« , témoigne-t-il. « Mais ils ont de l’ordre. Le lendemain il n’y a plus rien et c’est propre« . Personne ne se plaint non plus. « Qu’est-ce que vous voulez faire?« , lance le maire.

De l’ordre? Et de quelle musique s’agit-il au juste?

Lisons les paroles d’une chanson de l’un de ces groupuscules, Panzerjager (2001 – 2009): « Aiguise ton couteau, ta lame doit être affûtée. Afin de mieux pénétrer dans ces corps gras et infâmes. Le sang doit couler, gourdins hors de l’uniforme. Nous chions sur la liberté de cette république juive. Le sang doit couler, gourdins hors de l’uniforme. Nous chions sur la liberté de cette république juive. Pends le cochon noir dans les synagogues déclenches une pluie de grenades dans les parlements véreux« .

Les autres groupes sont tout aussi terrifiants. C’est là la triste réalité du néonazisme en France, ils sont peu nombreux, un petit millier tout au plus. Ce qui ne doit pas pour autant ne pas nous inquiéter.

Source: Le Huffington post. Marc Knobel. Historien, Directeur des Etudes du CRIF

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