«A meditation on human interdependence » as LA Times quoted
La chronique de Pierre-Alain LÉVY.
Le rendez-vous du film d’animation du samedi.
Comme bien souvent dans les films d’animation, les thématiques les plus ténues nous conduisent loin du réel et nous portent à réfléchir bien plus que nous l’aurions initialement supposé. Le format condensé du court métrage, les différentes techniques utilisées permettent d’une certaine manière de s’échapper des contingences du visible pour s’installer dans le monde du songe, de la rêverie, de la métaphore et des symboles. «Balance» ( Équilibre), a été réalisé en Allemagne en 1989 par les frères jumeaux Wolfgang et Christoph Lauenstein et dure tout juste 7minutes 30. Son expression visuelle et esthétique est d’une grande sobriété, d’une grande froideur même, dans des tons bleus éteints et des gris. Cinq personnages aux visages émaciés, le crâne rasé, pantins articulés habillés de capotes militaires, sont positionnés en équilibre instable sur une espèce de plateforme carrée qui tangue dans l’espace. La marionnette contemporaine, en Europe comme en Asie est plus que jamais emprunte de mystère. Son rendu plastique, son expression, tout comme les regards de ses personnages, sont souvent d’une profonde tristesse, voire tragiques. Les corps sont maigres, on aperçoit souvent les os et les joues sont caves. Rapidement, positionnés sur les côtés de cette plate-forme comme sur la jetée d’un quai qui tangue, ces hommes tentent de pêcher, leurs différents mouvements menacent l’équilibre général. Le déséquilibre survient quand un coffre brusquement est positionné au milieu de la plateforme et qu’il glisse d’un côté à l’ autre mettant en danger la sécurité de tous. On s’aperçoit que chacun d’entre ces êtres porte un matricule peint sur le dos, ce sont des rélégués, des prisonniers, des déportés. Le moindre mouvement des uns entraine le déséquilibre des autres. Chacune de leur existence ne peut se concevoir qu’en rapport avec celle des autres. Une dialectique sur la liberté, l’interdépendance et les sociétés totalitaires, entre Sartre, Jarry et Ionesco. Pas le moindre dialogue, tout commentaire est superflu. Ce film a obtenu la plus haute récompense pour les films d’animation aux Awards américains lors de sa sortie en 1989. Pierre-Alain Lévy WUKALI 19/07/2014