This is literature. A gorgeous novel.
La chronique littéraire d’Émile COUGUT.
Il est des romans « épais », des romans où le lecteur se sent envelopper dans un univers dans lequel il s’enfonce, qui l’entoure, duquel il ne peut sortir, duquel il sait qu’il ne pourra s’évader que bien après la dernière phrase lue. Le lecteur n’est pas submergé, brusquement noyé, il n’étouffe pas, au contraire, il ressent au plus profond de son être, une lente et progressive transformation positive. Ces livres, rares, je les ai toujours comparés (cela est du à mes racines dans un petit village gersois où se trouve un lieu dit Barbotan les thermes célèbre pour soigner depuis les romains les problèmes de circulation par des bains de boue) à une immersion dans de la boue thérapeutique ; en séchant, celle-ci fait pression sur la peau, sur le corps, et quand on la retire, un sentiment de bien être nous reste. Sans aller s’immerger dans un bain de boue, toute personne ayant appliqué un masque d’argile sur son visage, comprend ma métaphore.
La Lumière des étoiles mortes de John Bainville fait partie de cette catégorie de romans. Il n’est pas d’un abord facile, d’une lecture aisée. Il faut savoir surmonter les deux ou trois premières pages pour se laisser porter par les mots, les longues phrases de l’auteur. John Bainville est un maître au niveau des descriptions, il va dans le plus petit détail pour créer un univers, une atmosphère qui lui est propre et dans lequel le lecteur n’a, de fait, aucune latitude d’interprétation. John Bainville ne laisse pas une grande place à l’imagination, le lecteur est en quelque sorte « prisonnier », il ne peut s’évader non seulement du cadre global du récit, mais aussi de chaque lieu, même le plus anodin dans lequel se déroule l’action de ce roman. Aucune latitude donc aucun risque de faire un contre sens. John Bainville nous raconte une histoire, c’est son histoire et pas un support pour faire rêver le lecteur : penser, réfléchir, oui, mais pas rêver !
Alex est un acteur de théâtre à la retraite qui se voit proposer son premier rôle au cinéma. Sa partenaire, Dawn Devonport est une vedette en pleine dépression depuis le décès de son père. Dawn qui lui rappelle Cass, sa fille qui s’est suicidée. Et puis, et surtout, il y a le souvenir de Celia Gray, son premier amour, sa première maîtresse, la mère de son meilleur ami, il avait quinze ans, elle en avait trente-cinq. Tout homme ne peut que se reconnaitre dans le jeune Alex, son égoïsme, sa fougue, sa mauvaise fois, son insouciance quant à l’avenir, quant aux conséquences de son amour impossible. Il ne cherche pas à connaître les motivations de Celia, tant il est pris dans la puissance de ses sentiments.
Tout ce roman est bâti entre un présent avec Dawn et le souvenir de Celia et de Cass, tout s’entremêle étroitement jusqu’au « dénouement » final. Le présent, l’homme qu’est Alex, a été forgé par ce passé, par cette liaison, par ce suicide. Ce présent est bâti a partir des souvenirs du héros, mais ces souvenirs lui sont propres, correspondent à l’homme, à la personne qu’il est, mais, et il finit par l’apprendre, qui ne sont pas la Vérité. Cass et surtout Celia avaient un vécu, des motivations qui leur étaient propres et qu’il n’a su percevoir, analyser tant il était pris par son égotisme. John Bainville ne fait que décrire, il ne porte aucun jugement, nous montrant que chaque personne suit son chemin avec ses propres motivations, interprète les rencontres qu’il fait durant sa vie suivant ses critères et sans se mettre à la place de l’autre. Chacun mène sa vie comme il pense devoir la mener, comme il le peut.
La Lumière des étoiles mortes est un superbe livre sur la vie, sur la nature humaine, un livre qui sort vraiment de la banalité de la production littéraire habituelle. Encore quelques romans aussi puissants et l’œuvre de John Bainville obtiendra bien plus que le prix Princes des Asturies 2014.
Emile Cougut
La Lumière des étoiles mortes
John Bainville
éditions Robert Laffont. Collection Pavillons. 22€.
Sortie en librairie le 25 août.