Dream or narcissic behavior ? An Art academy in North Korea
La chronique de Pierre-Alain LÉVY.
Ouvrir une académie d’art en Corée du Nord , faire se rencontrer de jeunes artistes du monde entier pourrait de prime abord avoir quelque chose d’intéressant et chaleureux, cela semble cependant dans l’ordre des choses quelque peu incongru quand on sait à quel type de régime l’on se confronte, c’est pourtant un projet mené actuellement par un artiste norvégien Morten Traavik.
Pour informations, le pays est dirigé par une dictature d’acier, une dynastie créée par Kim Il-sung en 1945, son fils puis maintenant son petit fils se sont succédés depuis au pouvoir. Aujourd’hui l’héritier en titre, Kim Jong-un, qui semble avoir été nourri de bouillies et blédines premier âge, exerce son autorité sans partage et violemment. Aucune contestation, la plus ténue fût-elle, n’est possible, ce serait prendre un risque mortel. L’oncle de Kim Jong-un, Jang Song-thaek, un temps éminence grise du gouvernement, aurait même été exécuté à la demande de son charmant neveu c’est dire, et les pires rumeurs fleurissent !
Quant aux Coréens du nord , ils semblent comme tétanisés par la violence politique de l’état. A la mort de Kim Jong-il, le père de Kim Jong-un, en décembre 2011, on pouvait voir sur les images d’actualité et de propagande des foules coréennes broyées de chagrin et de douleur pleurer la mort de leur «père», chef et défunt président. Ces déplorations, ces manifestations d’extériorisation sentimentale ne doivent point cependant être analysées telles elles apparaissent au premier degré. Elles ne s’apparentent pas davantage à un syndrome de Stockholm où la victime prend fait et cause pour son bourreau. Elles relèvent davantage d’une situation d’hypnose poussée à son paroxysme par une propagande d’état qui ne tolère pas la moindre contestation sous peine des pires châtiments pour quiconque n’aurait point la nuque souple. Voila peu d’années, la famine a fait en Corée du nord des ravages et un grand nombre de morts, malheur à celui qui tentait de fuir le pays pour survivre et trouvait refuge en Chine d’où il était expulsé manu militari vers son pays d’origine. Son destin était funeste…
Depuis l’armistice de 1953 entre la Corée du Nord et la Corée du Sud et les américains, les menaces militaires exercées par Pyongyang contre Séoul n’ont jamais cessé et à plusieurs reprises les coréens du nord ont commis des attaques contre des navires, des avions ou le territoire de la Corée du sud. Pyongyang dispose de l’arme nucléaire et régulièrement exerce son chantage contre Séoul.
Et voilà qu’un artiste norvégien Morten Traavik est en négociation avec la Corée du nord pour ouvrir une académie d’art à Pyongyang, organiser des expositions et des cours. Reçu par les dignitaires du régime, son projet serait prêt d’aboutir. Il s’agit pour Morten Traavik et Henrik Placht son associé, de créer une plateforme d’échanges entre étudiants d’art du monde entier. Dans ce genre de projet Morten Traavik a déjà acquis de l’expérience ou pour le moins une certaine notoriété. Il a déjà exposé ses oeuvres en Corée et a fait connaitre via internet un groupe de jeunes artistes accordéonistes de Corée du nord. Il a aussi organisé en Norvège un spectacle autour de l’image de la Corée du Nord
Par ailleurs, s’il fut le seul artiste norvégien intégré à ce titre dans les forces militaires d’Oslo, son activisme militant déborde dans maints domaines: il a créé le concours Miss Mine Antipersonnel Angola en 2008 et le concours Miss Mine Antipersonnel Cambodge en 2010 ce qui d’ailleurs ne lui a pas valu les faveurs attentives du Premier ministre Khmer.
Créer une académie dévolue aux beaux-arts à Pyongyang, certes l’idée est intéressante et originale et donnerait presque l’impression d’un grande générosité et d’un sentiment humaniste bienveillant et fraternel, mais je ne peux m’empêcher d’y trouver quelque chose d’ubuesque. En effet, si un artiste n’est pas en mesure de créer en liberté, d’exprimer sans risque ses émotions sans risquer le cul à basse fosse ou la mort pour lui ou les siens, quel intérêt ? Car peut on sérieusement penser à une libéralisation du régime avec la clique actuelle au pouvoir? Faut-il donc être naïf ? Sauf à lire Jean Jacques Rousseau ou confondre les films de Walt Disney avec les registres des camps de prisonniers, on ne peut que se poser des questions…
Serait-ce alors un des derniers avatars du narcissisme médiatique en vogue aujourd’hui? Si tel est le cas alors, quelle médiocrité, pire quelle infamie !
Pierre-Alain Lévy
Illustration de l’entête: Kim Jong-un au milieu de jeunes femmes soldats lors d’un moment de tension entre la Corée du Nord et les Usa.avril 2014. Photo The Australian
WUKALI 28/08/2014