Attali Report : Francophonie plus French movie industry, tools of development and essential smart power contributors.


Damien Soupart est Diplômé de Sciences Po Aix et de l’Ecole de Guerre Economique. Passionné des questions sur la Francophonie, il livre pour Wukali son analyse sur le rapport Attali.


A la suite de la publication du très attendu Rapport Attali sur la francophonie le 26 Août , la plupart des journaux français se sont malheureusement emparés de la 53ème et dernière proposition, la plus simpliste et la plus démesurée à court terme, celle de la création d’une « Union Économique Francophone », aussi intégrée que peut l’être aujourd’hui l’Union Européenne.

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Au-delà du classique effet de manche, cette univocité médiatique se fait au détriment de la richesse de ce rapport, qui met en exergue des faits méconnus qui nous montrent, à nous francophones et francophiles, l’ampleur de la tâche qui reste à accomplir pour continuer à faire rayonner la langue française dans le monde. C’est par exemple le cas du cinéma en Afrique. Le rapport pointe le chiffre étonnant suivant lequel il n’y aurait que quinze salles de cinéma pour toute l’Afrique francophone , ce qui statistiquement fait moins d’une salle par pays…

Un fait concret :15 salles de cinéma dans toute l’Afrique francophone

Cette statistique est d’autant plus frappante que la France est et demeure une grande nation du cinéma, elle en a fait une composante active de sa volonté de smart power, elle continue à exporter régulièrement des succès cinématographiques de par le monde et s’est elle-même dotée de 5.241 salles sur son territoire .

Sans que le Rapport n’apporte une ou plusieurs raisons qui pourraient justifier d’une telle absence (ce qui n’est pas son objet), il affirme que « la stimulation par […] le cinéma des pays non-francophones est un vecteur central d’expansion de la francophonie économique » . Nous ne pouvons qu’être d’accord avec un tel propos, notamment à la lumière des exemples indiens et nigérians qui s’appuient sur leur production cinématographique nationale afin de soutenir leurs efforts politiques, économiques et diplomatiques dans la quête d’un positionnement régional fort. Le monde francophone dispose en théorie d’une industrie cinématographique forte avec la Belgique, le Canada et la France, de même que des productions marocaine et sénégalaise naissantes.

Pour autant, les limites de ce Rapport résident dans son caractère opérationnel. Rapport commandé par le gouvernement français, à propos d’une réalité (la langue française dans le monde) qui aujourd’hui le dépasse, il n’est nulle part question de mise en œuvre concertée (avec plusieurs pays francophones et/ou francophiles) d’une ou plusieurs propositions. Ainsi des propositions n°11 et n°17 concernant respectivement « la promotion de l’apprentissage du français par la musique et le cinéma » et « la construction des salles de cinéma dans les pays francophilophones en
contrepartie de la diffusion de films francophones
». Toutefois, après lecture de ces propositions, des questionnement surgissent :

• Est-ce à la France, seule, d’œuvrer à la construction de salles de cinéma en Afrique ?

• Est-ce que la France peut et doit agir comme les Etats-Unis au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, en imposant des quotas de diffusion à des pays tiers (Accords Blum-Byrnes) ?

• Est-ce qu’une offre francophone groupée autour du cinéma, qui réunirait des compétences plurielles, ne serait-elle pas plus pertinente ?

• Est-ce que des coopérations sectorielles à géométrie variable entre quelques pays francophones ne serait pas plus efficace qu’une Union Economique Francophone généralisée ?

• Quelle est la place de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) vis-à-vis de ces besoins liés à la francophonie économique ?

Quoi qu’il en soit, cela ne remet pas en cause la profondeur de ce travail de synthèse (notamment ses données économétriques) dont manquait à ce jour les autorités francophones. Les prochains événements francophones, notamment le second Forum Mondial de la Langue Française à Liège en 2015 – dont le thème porte sur « les industries créatives » – sera certainement une occasion parmi d’autres de concrétiser ces propositions généreuses autour du cinéma francophone en Afrique.

Damien Soupart


WUKALI 28/08/2014


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