« Mauvais garçon » an intricate story about the dark Net and being an outsider in his own country
Connaissez-vous le « dark net » ? Si oui, vous prendrez plaisir à lire Mauvais garçon de Laurent Bettoni. Si vous ne connaissez pas, alors venez le découvrir au fil de la lecture de ce livre. Sans rien dévoiler et surtout sans avoir la prétention d’expliquer ce que c’est exactement, je dirais que le « dark net » (quelle foutue manie de parler en anglicisme dès que l’on aborde le thème de l’informatique alors qu’il eût été tout aussi efficace pour la compréhension de dire en bon français : le réseau noir) est un système internet non visible sur le système « officiel », c’est-à-dire l’internet que tout un chacun utilise habituellement. Grâce à tout un système de codes, on peut atteindre ce « dark net » sans qu’il soit, du moins en théorie, possible de remonter l’adresse de l’ordinateur (et donc identifier son utilisateur) et de l’espionner. Le « dark net » alors ressemble au net « normal », avec des sites sur lesquels il est facile de « surfer ». Sauf que bien sûr ces sites seraient presque tous fermés s’ils étaient ouverts à tout le public. On y trouve de tout, surtout de l’illégal : de la drogue, des armes, mais aussi des tueurs à gage et autres pédophiles. On y trouve aussi des sites « d’opinions » qui ne sont pas « politiquement corrects ». Parmi ceux-ci se trouve celui créé par « Master » alias de Louis Archambaud, professeur de sociologie mondialement connu.
Thomas est un jeune blanc qui a grandi et vit toujours avec ses parents dans une banlieue « difficile » de la région parisienne. Pour sortir de son milieu, il a travaillé, obtenu des diplômes devant lui permettre de sortir de cet univers. Mais, issu de cet endroit, il ne dispose pas des réseaux devant lui permettre d’obtenir le travail auquel il aspire et auquel ses résultats universitaires lui ont fait croire qu’il avait droit. Pour aider quand même ses parents, il vend de l’herbe afin d’avoir un peu d’argent. Il a une petite amie qui elle est issue de l’immigration marocaine, prisonnière de sa famille et surtout de son frère qui ne veut pas entendre parler d’une liaison entre elle et Thomas.
Après un nouveau stage dans une entreprise, Thomas est désespéré en s ‘apercevant que le poste qu’on lui avait promis à mots couverts a été donné à un des étudiants les plus médiocres de sa promotion mais dont le père a un carnet d’adresse bien étoffé. Un peu par hasard Thomas rencontre Louis Archambaud dont il fut le meilleur étudiant. Ce dernier lui propose de travailler pour le site en le dédommageant « en attendant qu’il trouve mieux». Le jeune homme s’implique dans ce nouveau travail, s’inspire de son quotidien pour ses articles qui rencontrent un franc succès. De fait toute l’idéologie du site repose sur l’exclusion, sur des concepts que l’extrême extrême très extrême-droite ne désavouerait pas. Grâce au forum lié au site il fait la rencontre de Bitchy, jeune femme droguée dont il tombe amoureux et avec qui il va vivre une relation fusionnelle. Sauf que pour avoir encore et encore de l’argent, grâce à Bitchy et au « dark net », il va entrer en contact avec Seth, financier du site, trafiquant de drogue dont il va être redevable.
Thomas, pour concrétiser son engagement va devoir organiser la destruction d’un camp de Roms durant laquelle une femme et son enfant vont périr. Ce fait, qu’il ne voulait pas, va faire comprendre à Thomas dans quel univers il est tombé.
Mauvais garçon est un livre qui montre intelligemment les problèmes des banlieues. La démarche de Laurent Bettoni est d’autant plus intéressante qu’elle change sur les habituelles pages larmoyantes visant à expliquer (et surtout à dédouaner) leurs résidents. De fait Thomas est un « français de souche », qui n’a aucun problème de couleur de peau, d’accents, de prénom, de sexe et même d’échecs scolaires. Il croit en la vertu de l’ascenseur social républicain, à la méritocratie mais se trouve en butte à une réalité qui n’a rien avoir avec les discours officiels. Sans piston, il lui est impossible de trouver un travail à la hauteur de son investissement. Il a une vraie volonté de s’élever socialement, son aspiration est de vivre décemment de son travail afin de fonder une famille « normale ». Mais c’est la société dans laquelle il veut s’épanouir qui ne le lui permet pas. Thomas n’est pas sans faire penser à Lacombe Lucien le héros du film de Louis Malle (sur un scénario de Patrick Modiano), se sont les hasards de la vie, des rencontres qui le transforment.
Sur fond de sexe et de drogue, le lecteur découvre aussi la complexité d’internet, sa « face cachée », sa puissance car les manipulateurs peuvent par son intermédiaire créer ou détruire une réputation.
Plus qu’un roman, Mauvais garçon, peut-être lu comme le témoignage d’une génération qui n’arrive pas à trouver sa place dans une société qui ne respecte pas les codes sur lesquelles elle dit se reposer.
Emile Cougut
Mauvais garçon
Laurent Bettoni
Éditions Don Quichotte 18€90
WUKALI 12/11/2014