A very talented and sound biography, re-edited and enriched with new documents and sources


En ce tricentenaire de la mort de Louis XIV, les livres sur ce monarque sont légion. Depuis son vivant, on ne compte plus le nombre de livres écrits à sa gloire ainsi que les biographies. Aussi, le lecteur risque de se dire qu’une de plus ne lui apprendra rien d’autant qu’elle est assez volumineuse (832 pages). Et l’amateur d’histoire s’il a cette pensée risque de se tromper, car cette biographie, à elle toute seule, change le regard (positif pour certains, négatifs pour les autres dont je suis) que l’on porte sur le Grand Roi.

Jean Christian Petitfils n’a pas utilisé que les œuvres de Saint Simon ou de Madame de la Fayette et autres auteurs chroniqueurs de l’époque pour écrire cette biographie, il a élargi son champ de recherche et a su exploiter une documentation volumineuse pour y parvenir. Il s’appuie, bien sûr, sur des sources françaises mais aussi sur des documents d’origine étrangère, c’est à dire, même si parfois on peut percevoir une certaine admiration pour l’œuvre du roi, des écrits critiques tant sur la personnalité du monarque que sur sa politique tant interne qu’européenne. Et c’est le croisement des anecdotes tant de fois reportées, des éloges des courtisans avec ces sources nettement plus critiques qui font l’originalité et la valeur de la biographie de Jean Christian Petitfils.

Il n’a pas écrit une vie du Roi Soleil comme nous avons l’habitude d’en lire pleine des clichés véhiculés par les livres d’histoire de notre enfance, mais une description de toute la société de ce que l’on appelle le Grand Siècle du plus humble au plus grand. C’est ce que nous demandons aux historiens, savoir surmonter les faits, les gestes des individus pour embrasser toute une époque en ne la jugeant pas au filtre de nos critères culturels actuels, mais au contraire, en nous montrant que l’action du personnage s’inscrit parfaitement dans la culture de son époque, et quand ce personnage est Louis XIV, ce roi qui a régné le plus longtemps, ce roi qui a connu la Fronde, la révolte de la grande noblesse, la révolte parlementaire, la fuite, la peur, ce roi qui a vécu à une époque « charnière », où l’économie devient de plus en plus importante pour la bonne marche de « la chose publique », où les grandes réformes faites par ses prédécesseurs commencent à porter ses fruits, il est nécessaire de bien connaître ce contexte socioculturel pour expliquer, comprendre les faits et gestes du roi. C’est ce que fait brillamment Jean Christian Petitfils.

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Et c’est justement parce que ce travail a été préalablement fait que le portrait psychologique du roi est si fouillé, précis en mettant en exergue sa complexité. C’est parce que ce travail a été fait que l’auteur peut étudier méticuleusement ses actes et ses comportements : ils ne sont que le reflet de la société française, de ses aspirations, de ses peurs, de sa structuration. Bien sûr, il y a les « intrigues de cour » autour du monarque, mais ces dernières, si elles reflètent les aspirations d’un camp, d’un courant de pensée ne peuvent s’expliquer que par la culture dominante de l’époque.

Cette façon de percevoir, d’étudier l’histoire de façon globale, minimise parfois un peu trop les individus et les actions qu’ils entreprennent, comme si leur décisions étaient inéluctables, comme si les acteurs de l’histoire étaient interchangeables. Jean Christian Petitfils n’est pas tombé dans ce travers, il a su subtilement faire la part de l’autonomie de décisions du roi dans un contexte qui parfois limitait ses choix.

L’auteur opère aussi une analyse de ses moyens d’action et aussi de propagande. Il n’oublie pas ses serviteurs, certains remarquables, d’autres beaucoup plus falots qui l’ont aidé dans son action et dans l’exercice du pouvoir. Dans ce portrait sans concession, il n’oublie pas les limites intellectuelles du monarque et ses nombreuses contradictions.
Jean Christian Petitfils montre bien les limites de ce pouvoir absolu qui ne l’était pas tant que ça. Il montre, en juriste, tous les mécanismes décisionnels, les contre-pouvoirs de cette époque. De fait, Louis XIV s’est appuyé sur les structures étatiques dont il a hérité sans les transformer ou les faire évoluer. D’où les difficultés récurrentes de son règne comme la mobilisation des soldats pour ses nombreuses guerres et surtout la crise financière endémique. De fait, si son règne est marqué par la fin définitive de la féodalité, il a promu une aristocratie égoïste, arque-boutée sur ses privilèges et surtout à fait montre d’un grand conservatisme qui a freiné pour de nombreuses décennies l’industrialisation de la France.

Cette biographie est facile à lire grâce à un style clair limpide qui lui a valu le grand prix de l’Académie Française lors de sa parution car les éditions Perrin viennent de la rééditer après avoir été largement réactualisée.

Les amateurs d’histoire connaissent Jean Christian Petitfils et son travail remarquable qu’il a effectué autour des rois de la dynastie des Bourbon : Louis XIII, Louis XIV, Louis XVI et dernièrement Louis XV. Que des biographies qui font découvrir des aspects de ces monarques rarement abordés.

Félix Delmas


Louis XIV

Jean Christian Petitfils

éditions Perrin 29€


Illustration de l’entête: Louis XIV par Charles le Brun. Huile sur toile 57 x 68 cm. Château de Versailles


WUKALI 03/12/2014


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