The Irena Sendler Project : a Polish Catholic social worker, organized a rescue network of fellow social workers to save 2,500 Jewish children
Connaissez-vous Irena Slender ? Je suis certain que la plus part des lecteurs de Wukali savent qui est Oskar Schindler et sûrement pas Irena Slender. Et pourtant, ce que fit cette Polonaise durant les heures les plus noires qu’a connu Varsovie, mérite aussi bien d’être connu et reconnu que l’action de l’industriel Allemand. Israël et les gardiens de la mémoire eux le savent, eux qui ont attribué la médaille des Justes parmi les Nations à Irena Slender, citoyenne d’honneur de l’état d’Israël, proposée au comité Nobel pour le prix de la paix un an avant son décès en 2008.
Connaissez-vous Irena Slender ? Voilà la question qu’une jeune adolescente de 15 ans posa en 1999 à son professeur d’histoire qui lui répondit par la négative. C’est cette question qui est le point de départ d’une aventure humaine extraordinaire qui a permis de faire revivre le nom, le courage, l’action d’ Irena Slender.
Jack Mayer dans son livre « La Vie en bocal » retrace cette histoire véridique. Son livre n’est pas exactement un roman, puisque tout ce qui se trouve est véridique, ce n’est pas un livre d’histoire, c’est une sorte de témoignage (très admiratif), une pierre dans le grand livre de l’humanité. C’est parfois un peu trop journalistique à mon goût, mais l’auteur, dans de très beaux passages, disserte parfaitement sur l’utilité de la mémoire, sur le rôle que chacun, même le plus modeste, peut avoir dans la transmission de celle-ci ; sur les circonstances qui font que certains agissent et d’autres restent passifs ; sur l’importance de ces circonstances qui font que, face à elles, nous faisons des choix, parfois sans réfléchir, qui vont donner une direction inentendue à notre vie. Sans que le concept, le mot soit employé, la sérendipité est totalement présente dans la démarche des trois jeunes filles pivots de cette histoire. Ce livre n’est pas « La liste de Schindler » de Thomas Keneally, mais il contient la même force.
Le livre est divisée en trois parties : la naissance du « projet Irena Slender », la vie de cette dernière de 1939 à 1943, la rencontre entre les filles et Irena Slender.
1999, dans le collège-lycée d’Uniontown, un des endroits les plus pauvres du Kansas, le professeur de sciences sociales appliquées, annonce que le thème du concours de National History Day est « les grands tourments dans l’histoire ». Une de ses élèves, une des plus « difficiles », trouve un petit article sur une certaine assistance sociale, Irena Slender, qui a sauvé plus de 2 500 enfants du ghetto de Varsovie et veut en savoir plus sur elle. Elle est rejointe par deux autres élèves Morgan et Sabrina. Toutes trois vont faire des recherches sur cette « inconnue » mais aussi sur le ghetto de Varsovie, sur l’Holocauste, dont elles ont des connaissances très « vagues ». Elles vont écrire une pièce d’un quart d’heure sur l’action d’Irina, dont la scène principale et celle où une mère lui confie ses enfants car elle sait que c’est la seule façon de leur permettre de vivre alors que les Allemands veulent les détruire.
Cette pièce va rencontrer un très grand succès tant au niveau de l’état du Kansas qu’au niveau national (même si elles ne remportent pas le premier prix). Très vite, elles multiplient les représentations, sont assaillies de demandes d’interviews. Le nom d’Irena Slender sort rapidement de l’oubli. En 2001, elles se rendent en Pologne où elles sont étonnées de l’accueil qui leur est réservé. Elles ne pensaient pas que trois filles protestantes du Kansas ayant travaillé sur une catholique ayant sauvé des enfants juifs puissent être aussi célèbres à des milliers de kilomètres de chez elles. Elles finissent par rencontrer Irena Slender qui les adopte tout de suite. Les liens tissés entre elles perdureront jusqu’au décès de cette dernière. Elles trouveront aussi des réponses à leurs questions.
Irena Slender avait 29 ans quand les Allemands envahirent la Pologne. Elle travaillait comme assistance sociale à Varsovie et avant la guerre avait déjà aidé dans la mesure de ses moyens les Juifs, victimes de la politique antisémitisme du gouvernement nationaliste polonais. Elle ne faisait que suivre les pas de son père un des rares médecins qui avait accepté de soigner les Juifs en 1917 et qui était décédé du typhus. Avec la complicité de son chef de service, et de deux autres collègues elle va s’évertuer à aider le plus possible les Juifs victimes des décrets humiliants des nazis. Quand plus de 500 000 personnes sont obligées de s’entasser dans le ghetto, elle arrive à avoir un laisser-passer comme membre des services sanitaires. Très vite Irena Slender arrive à créer un petit réseau d’aide et commence à faire sortir en fraude des petits orphelins qu’elle réussit à faire cacher dans le pays. Il est à noter que les congrégations religieuses lui ont apporté une aide non négligeable. Mais avec la pression des Allemands qui « vident » le ghetto, Irena Slender va démarcher les familles pour qu’elles lui confient leurs enfants. Elle les extrait par les égouts, le camion de la morgue, dans des boites pour les nourrissons sous le siège du conducteur du tramway, etc. Jusqu’aux derniers jours, elle s’activera et réussira à sauver plus de 2 500 enfants. Elle rejoint le réseau Zegota, plus grande organisation non juive en Europe à avoir aidé les Juifs contre les exactions nazies. En octobre 1943, elle est arrêtée par la Gestapo, torturée, mais elle ne parlera pas. Condamnée à mort, Zegota la fait échapper juste avant son exécution.
Zegota travaillait en collaboration avec le gouvernement polonais en exil, aussi, dès la fin de la guerre, les membres de ce mouvement furent traités de fascistes par le pouvoir communiste et leurs actions furent ignorées. Cela explique en grande partie l’oublie dans lequel est tombé non seulement Irena Slender mais aussi tous les Polonais qui ont agit pour sauver des Juifs. Il a fallu la fin du communisme en Pologne pour que progressivement l’Holocauste commence à être enseigné, et ce passé douloureux assumé dans ce pays où l’antisémitisme existe toujours en l’état latent. L’accueil que les filles reçurent en 2001 s’explique car elles arrivent à ce moment charnière où la Pologne commençait à assumer son passé et à reconnaître que certains d’entre eux ont agi pour l’humanité.
Une Juste : Irena SENDLER- par Herveybay
Irena Slender se décrit, comme beaucoup de Justes, comme une personne normale, sûrement pas comme une héroïne. Malgré la peur qui la hantait quotidiennement, elle n’a fait que ce qui lui semblait juste et répétait les paroles de son père qui furent sa philosophie de vie : « Si tu vois quelqu’un qui se noie, tu dois le secourir, même si tu ne sais pas nager. » Et à cette époque c’était les Juifs qui souffraient le plus. Mais surtout, elle tint à préciser : « Je ne me considère pas comme une héroïne. Les vrais héros, c’étaient les mères et les pères qui abandonnaient leurs enfants. Je n’ai fait qu’obéir aux injonctions de mon cœur. Un héros, c’est quelqu’un qui accomplit des choses extraordinaires. C’est normal. Je n’ai fait preuve que d’un peu d’humanité ». Et comme Oskar Schindler, comme tant d’autres, après la guerre, Irena Slender fut hantée par tous les enfants qu’elle ne put sauver.
Sa démarche était totalement désintéressée. Chaque enfant était reporté sur une liste avec son nom, prénom, date de naissance, adresse et la personne qui l’hébergeait. Elle le faisait pour que, la guerre finie, les familles puissent se réunir, et au moins si les parents ne revenaient plus, que ces enfants connaissent au moins leurs origines. Pour ne mettre personne en danger (les enfants et les familles d’accueil) si les Allemands l’arrêtaient, elle déposa ces listes dans des bocaux qu’elle enterrait de nuit sous le pommier de son amie Jaga. Ces listes, récupérées après la guerre, ont disparu pour l’instant.
Ceux qui comme moi n’ont pas connu cette période de l’histoire, qui n’ont pas vu leur famille poursuivie par la barbarie nazie, nous ne pouvons que nous incliner devant la mémoire d’Irena Slender et la remercier pour son action. Tout comme nous ne pouvons que remercier ces trois adolescentes du fin fond du Kansas qui ont montré que le travail de mémoire n’est pas un concept dépassé et que c’est en faisant preuve de recherche sur le passé de l’humanité que nos démons peuvent être combattus, que notre vie peut prendre une direction inattendue.
La Vie en bocal est un livre bouleversant qui montre que même dans la pire des horreurs, l’humanité peut parfois réussir à triompher.
Félix Delmas
La vie en bocal
Jack Mayer
éditions Zofia de Lannurien. 21€90
WUKALI 16/02/2015