La Mort des Pauvres
C’est la Mort qui console, hélas! et qui fait vivre;
C’est le but de la vie, et c’est le seul espoir
Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,
Et nous donne le coeur de marcher jusqu’au soir;
A travers la tempête, et la neige, et le givre,
C’est la clarté vibrante à notre horizon noir;
C’est l’auberge fameuse inscrite sur le livre,
Où l’on pourra manger, et dormir, et s’asseoir;
C’est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques
Le sommeil et le don des rêves extatiques,
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus;
C’est la gloire des Dieux, c’est le grenier mystique,
C’est la bourse du pauvre et sa patrie antique,
C’est le portique ouvert sur les Cieux inconnus!
Charles Baudelaire (1821-1867)
La Mort des Pauvres, publié en 1857 in Les Fleurs du Mal.
Illustration de l’entête : Honoré Daumier. Les mangeurs de soupe
WUKALI
04/03/2015