Solaris World Premiere opera, directed by Saburo Teshigawara in Paris at Théâtre des Champs Élysées

Nous venons d’assister à la première mondiale ce jeudi 5 mars 2015 de Solaris dans sa version scénique au Théâtre des Champs-Élysées à Paris.

Célèbre roman de Stanislas Lem, adapté au cinéma par Andreï Tarkovski et plus récemment par l’américain Steven Soderbergh, Solaris nous emmène sur la planète du même nom, où, au milieu de cette immensité recouverte d’eau, une forme d’intelligence extra-terrestre est née. Solaris questionne le rapport de l’humain au double, et utilise cette figure du double comme un moyen de réflexion sur notre propre humanité.

Saburo Teshigawara, le metteur en scène, a traité la question du double en attribuant chaque rôle à la fois à un danseur et à la fois à un chanteur lyrique. Si la séparation du registre chanté et du registre dansé du personnage pouvait sembler être un bon dispositif de départ, elle n’est ici qu’un moyen pour le metteur en scène, d’éviter la problématique du fondement même de l’opéra, à savoir le jeu chanté. Les chanteurs quasi indifférenciables et presque invisibles dans leurs habits noirs neutres, bloqués à l’avant scène sous une douche lumineuse à cour et à jardin, encadrent avec autant de présence que deux statues le cube blanc, espace de la danse. Ils luttent pour un minimum de présence scénique, bloqués dans des sur-costumes grillagés, rigides, empêchant le moindre mouvement : presque décorporisés, ils ne sont ici traités que comme une voix, avec paradoxalement un corps encore trop présent. Un manque d’audace dans la radicalisation du concept de dissociation du personnage.

Olécio partenaire de Wukali


L’espace chorégraphique sauve, en partie, d’un point de vue scénographique, cette production. Véritable cube à émotions traduites en lumières, Saburo Teshigawara qui signe également la scénographie, a su exploiter ces surfaces blanches minimalistes par des jeux de lumières et d’ombres dans une atmosphère onirique. Mais à regarder l’aspect chorégraphique, était-il nécessaire de mimer, en tout cas d’illustrer, chaque parole, chaque émotion, du texte débité par les voix des chanteurs. Cette chorégraphie se transforme en pantomime répétant des images déjà évoquées par le chant. Cette redondance du propos à travers deux medium différents est vite ennuyeuse, tout se trouve sur-expliqué et très vite l’histoire devient indigeste. On regrette la sous exploitation d’un choix de mise en scène intéressant et d’un dispositif dramatique qui, même s’il a déjà été vu, s’inscrit dans une rupture avec les codes opératiques classiques. Quant à l’utilisation de la vidéo en 3D : décoratif, mais sans grand effet.

Enfin, la partition de Dai Fujikura aux sonorités intergalactiques venues tout droit d’un film de science-fiction des années 80, si elle traduit bien les émotions des personnages, elle se perd dans cette surenchère illustrative du texte.

Je ne saurais dire si je n’ai simplement pas embarqué dans ce voyage vers Solaris qui nous a été proposé durant les premières minutes silencieuses de l’œuvre ou si ce voyage n’a malheureusement pas eu lieu.

Ronan Ynard


Solaris

Dai Fujikura

Opéra en quatre actes (2015)

Livret de Saburo Teshigawara, d’après le roman éponyme de Stanislas Lem

Création mondiale le 5 mars 2015 au Théâtre des Champs-Elysées

Saburo Teshigawara mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, lumières
Erik Nielsen direction musicale
Ulf Langheinrich conception images 3D et collaboration lumières
Gilbert Nouno réalisation informatique musicale Ircam

Artistes lyriques
Sarah Tynan Hari
Leigh Melrose Kris Kelvin
Tom Randle Snaut
Callum Thorpe Gibarian
Marcus Farnsworth Kelvin

Danseurs
Rihoko Sato Hari
Václav Kuneš Kelvin
Nicolas Le Riche Snaut
Saburo Teshigawara Gibarian

Ensemble intercontemporain

Spectacle en anglais, surtitré en français
Coproduction Théâtre des Champs-Elysées / Opéra de Lille / Opéra de Lausanne /Ircam-Centre Pompidou
Commande du Théâtre des Champs-Elysées, de l’Opéra de Lille, de l’Opéra de Lausanne, de l’Ensemble intercontemporain et de l’Ircam-Centre Pompidou

Durée de l’ouvrage 1h30 environ


Illustration de l’entête: photo © Bengt Wanselius


WUKALI 05/03/2015


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