Contemporary Art in Metz


Le premier Salon International d’Art contemporain de Metz qui s’est tenu du 6 au 8 mars 2015, s’est achevé sur un succès de fréquentation pour la plus grande satisfaction de ses organisateurs Art3F ( comme 3 frontières). Près de 94 exposants dont 35 galeries. Les allées du Parc des expositions où s’est déroulée cette manifestation étaient le samedi notamment noires de monde. Il s’est vendu selon les estimations entre 500 et 800 oeuvres sur les 3 jours. Le prix moyen d’achat se situerait entre 2000 et 10.000€.

En arpentant les différentes travées le regard pouvait être surpris par la disparité entre les oeuvres, entre les styles, bien entendu, mais aussi et surtout entre la qualité de chacune d’entre elles. On pouvait ainsi trouver dans des espaces côte à côte des peintures relevant de l’exposition pour la kermesse annuelle des joyeux pêcheurs du dimanche ou au mieux d’Ikea, des peintures, énièmes épigones de styles ou de techniques largement revisités depuis des dizaines d’années et qui n’apportent strictement rien à l’art contemporain, des objets douteux d’un Kitch consommé, de bazar et de décor pour consommateurs fatigués. Des créations aussi probablement conçues pour être exposées dans de vastes halls d’accueil d’entreprises comme «Hector», une sculpture monumentale, impressionnant bouledogue sorti de l’esprit de Renato Montanaro, oeuvre entièrement dorée à la feuille d’or de 22,5 carats et proposée pour 45.000€ .

Dans ce marché joyeux et agité il y avait aussi de la grande peinture ou des oeuvres et des statues méritant l’approfondissement du regard.

Olécio partenaire de Wukali

Ainsi le peintre moldave Victor Grusevan, exposait quelques unes de ses toiles et sur chacune d’entre elles peu nombreuses, l’émotion était palpable. Une grande sobriété dans la peinture avec à la fois quelque chose de lyrique et de touchant. Bien plus que le sujet représenté (des machines, des chevalets) un rendu fait de touches vives où la trace sobre du pinceau laissait suggérer une nostalgie contenue, une peinture au bord des larmes et comme l’on dit à Cannes, un certain regard.

Et puis les peintures d’Élisabeth Gore, un travail raffiné, épuré sur la matière, une peinture acrylique comme pierre polie, devenue quasi minérale, à la fois lisse et rugueuse.

Plus loin sur ses cimaises la galerie Cridart présentait des peintures de Marc Felten. L’oeil est tout de suite soumis à la force vive, voire violente de la couleur (rouges passion, jaunes de sulfures, noirs intenses) et impressionné par le sujet, telles des réminiscences du Pop Art : créatures hybrides, coccigrues, girafes alanguies, vaches ou rhinocéros, aigle anthropomorphe, homme à tête d’éléphant. Un mélange savant utilisant des techniques modernes d’imagerie et des impressions dans l’air du temps. Un imaginaire laissant la part belle à une vision fantasmée des êtres riche de lumières et de contrastes. Les toiles sont de grandes dimensions, parfaitement intégrables. C’est manifestement une peinture intéressante et bien maîtrisée, séduisante à l’oeil.

Et puis il y a l’éblouissement, ainsi des oeuvres sculptées de Laurent Sarpedon également présenté par Cridart… ! Qu’en dire? Une magie, un travail, un équilibre incroyable des masses, un savoir-faire, un métier impressionnant fait tout à la fois d’une parfaite connaissance technique (on sent la patte de l’ingénieur féru de mathématiques, de l’élève des Beaux-Arts provoquant les extrêmes et calculant le point ultra précis de l’harmonie des poids et des forces qui s’opposent), une maîtrise du travail du métal, de la fonte et de la soudure, aciers notamment. Et puis une poésie, une fragilité tendre, un bestiaire d’oiseaux fantastiques où les pierres polies, grattées ou sculptées s’harmonisent et épousent leurs maillages de métal faits de résilles d’acier. C’est la réunion anthropologique des matières et des êtres, la vibration d’une sensibilité qui ne cherche qu’à se surpasser et conduire le regard vers les étoiles. Le Paon de Laurent Sarpedon (retenez son nom) qui rayonnait au milieu de l’espace de la galerie figeait d’admiration tous les visiteurs éblouis.

Il faut bien conclure, et ce sera en tous cas avec optimisme. Organiser une telle manifestation, un premier salon d’art contemporain n ‘est pas chose aisée. Des motivations d’ordre financier ont abouti à ce que cohabitent sous le même toit des oeuvres qui sous le vocable commode de contemporain, et hors le style (il y en a tant aujourd’hui), ne relèvent pas des mêmes périmètres. Tout n’est pas égal à tout. Il conviendrait qu’à l’avenir les organisateurs d’une pareille manifestation s’entoure d’un comité de sélection plus rigoureux, cela probablement permettrait de mettre plus en valeur les pépites de l’art contemporain et l’excellence des artistes. C’est d’ailleurs me semble-t-il la raison d’être d’un pareil événement.


Pierre-Alain Lévy


Illustration de l’entête: oeuvre de Marc Felten. Galerie Cridart (Metz)2015.


WUKALI 21/03/2015


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