An actress’s performance in the Lucernaire theatre in Paris


On avait dit pas la famille, au Lucernaire. Une performance magnifique d’Eva Gruber
Une pièce sur une famille juive du XXème siècle jouée avec talent et émotion

Eva Gruber, chanteuse lyrique, est à la baguette. Elle retrace, au théâtre Le Lucernaire le fil d’une histoire familiale à la fois commune et exotique. Entre récit et chansons, on évoque les parents émigrés juifs d’Europe de l’Est, le Pigalle d’un Paris révolu, le père, le fils, la famille et plus largement les différents éléments qui font de chaque existence un roman unique.

On nous avait dit : « cette pièce est un OVNI, certains l’adorent, d’autres la détestent ». Notre avis ? On ne comprend pas comment on pourrait la détester ! Certes, il vaut mieux être prévenu, savoir qu’on n’assiste pas à du Molière, s’attendre au pire et découvrir le meilleur est toujours une expérience hautement satisfaisante.

Olécio partenaire de Wukali

L’histoire qu’on nous conte est autobiographique, en musique et sans fausse note. Le jeu d’Eva Gruber, seule sur scène, est d’une finesse extrême, d’une sensibilité exacerbée et reflète un talent aux multiples facettes. Alors que la pièce est hautement intime, on ne ressent nulle gêne, nul voyeurisme, seulement une histoire vraie, ni belle ni laide, emprunte d’humanité.

La mise en scène sobre – un piano aux capacités insoupçonnables et quelques pupitres de musique incarnant les divers personnages – parvient à transmettre au spectateur les différentes nuances de la pièce. La simplicité, voire la rusticité, aide à transporter le spectateur au-delà des limites de la salle, à lui faire vivre et ressentir les différentes époques, les différentes ambiances et les différents caractères de tous les protagonistes. C’est d’ailleurs assez étonnant, que quelques bouts de métal, assemblés et dissemblés puissent transmettre tant de messages et porter tant de teintes…

Jouée au Lucernaire, théâtre mythique de Montparnasse, la représentation donne l’occasion de redécouvrir le lieu, voire d’y dîner ou d’y prendre un verre après avoir fait un tour à la librairie, dont l’approvisionnement est particulièrement bien pensé. La pièce est une création originale du théâtre et on lui souhaite beaucoup de succès, dans cette salle comme dans les futures.

En effet, elle se joue aujourd’hui dans la salle « paradis » du Lucernaire, une toute petite scène, perchée tout en haut du très bel escalier en colimaçon du théâtre. Cela a ses avantages : cela permet une certaine proximité entre la scène et la salle, renforçant le sentiment d’immersion immédiate dans l’univers d’Eva Gruber, dont l’aura fascine le spectateur dès le premier instant. Pour autant, en raison notamment des qualités lyriques de la comédienne, une salle aux dimensions plus larges lui permettrait sûrement de mettre encore plus en valeur ses capacités vocales.

En guise de résumé, les trois aspects les plus appréciables de cette pièce :
• Son esthétique : les jeux de lumière et de fumée, tout en élégance et en sobriété,
• Son émotion : un jeu vivant, sensible, vibrant, capable d’emmener la salle en immersion culturelle,
• Le talent : une pièce très bien écrite et très bien jouée, démontrant des performances diverses tels que le chant et l’humour.

Quels messages portés ?

Par ce focus sur les liens familiaux, leur complexité et leurs paradoxes Eva Gruber interroge la notion de famille, en particulier d’héritage et de transmission.
Et pour conclure, en ces temps troublés par les haines les plus diverses et les plus meurtrières, on peut considérer la pièce « On avait dit pas la famille » comme un hymne à la tolérance, démystifiant et facilitant l’accès à la culture juive.

Elsa Weiller


On avait dit pas la famille
Lucernaire – 53 Rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris

De et avec Eva Gruber

Mise en scène Estelle Lesage
Du 18 mars au 9 mai 2015


WUKALI 27/04/2015

Courrier des lecteurs: redaction@wukali.com


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