A comprehensive study that shows the intelligent politics of king Henry IV to restore peace in a country just torn out by religious wars between roman catholics and protestants
Les éditions Hermann viennent de publier un livre très intéressant sur le règne d’Henri IV réunissant 9 contributions rassemblées par Michel de Waele (professeur au Département des sciences historiques de l’Université Laval et doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines), remettant en perspective les grandes réformes de ce règne en sortant de l’image traditionnelle du « bon roi Henri » que celui-ci s’est forgé et qui fut reprise non seulement par son entourage (non connaissons tous les mémoires de Sully) mais aussi à travers les siècles (il suffit de relire Lavisse et les Mallet et Isaac pour voir l’appropriation que les républicains en ont fait).
À la mort d’Henri III, le trône, suivant la loi salique, doit revenir au roi de Navarre. Mais les lois du royaume exigeaient aussi que le souverain soit de religion catholique, aussi les ligueurs, assiégés dans Paris désignèrent, sous le nom de Charles X, le Cardinal de Bourbon, oncle d’Henri de Navarre, comme roi.
La guerre civile continua jusqu’à l’abjuration et le couronnement à Chartres d’Henri IV. Pour autant celui-ci dut continuer à guerroyer, puis essayer de réconcilier ses sujets. En plus, au terme du conflit, le roi n’a que de faibles moyens dans un pays ruiné par la guerre. Henri IV sut se montrer réaliste, il n’a pas cherché à reconstruire la France sur de nouvelles bases mais plutôt à restaurer les bases politiques et sociales anciennes du royaume. Son but, son action fut de réconcilier les Français entre eux et avec la monarchie, en restaurant l’ancien ordre des choses. On sait que cette politique de réconciliation fut liée à sa personne, d’où les problèmes que devra subir son successeur et se fit en partie au détriment des Protestants et de leur religion. Dès le début de son règne, il su s’entourer de vrais « communicants », si on peut comparer avec nos sociétés actuelles, qui ont façonné une image bienveillante du souverain œuvrant à la prospérité et à la grandeur de la France.
Les Valois durant toute les Guerres de religion ont promulgué des édits de réconciliation et ont créer des Commissions chargées de leur exécution. Henri IV procéda de même avec l’édit de Nantes, mais fort de l’expérience et des échecs des précédentes commissions il leurs apporta de légères modifications qui expliquent en grande partie leurs succès comme le montre le cas de La Rochelle analysé par Daniel Hickey ( Indiana University Bloomington/ Moncton University)
Pour contrer les ultras de la Ligue, il aura fallu que le roi montre à ses sujets catholiques, et ce sans perdre la loyauté des huguenots, que sa conversion était sincère (il avait déjà abjuré le protestantisme au soir de la Saint Barthélémy) d’où une pratique régulière du catholicisme, où qu’il se trouve.
L’exemple de Dijon (analysé par Mack P. Holt) ( George Mason University. USA Virginia. Membre associé EHESS) montre un grand pragmatisme de la part d’Henri IV. Pour lui, peu importe le passé des intéressés avant la soumission de la ville en 1595, ils pouvaient avoir été royalistes ou ligueurs, ce qui comptait était l’implication de chacun pour que cette résolution soit correctement mise en œuvre. Il ne cherche qu’à placer des hommes en qui il peut avoir confiance (sans prendre en compte leur attitude durant les guerres civiles) dans les offices et les institutions qui comptent en terme d’ordre public et de préservation de l’autorité royale. Ceux qui ont attendu, comme le duc de Mayenne, gouverneur de Bourgogne, perdent leur place. Henri IV ne veut pas d’indécis, de « mous » mais de loyaux serviteurs.
De fait, le règne d’Henri IV a surtout vu l’apparition de la noblesse de robe qui devient bien plus rémunératrice que les investissements productifs, c’est à dire manufacturiers (voir la contribution de Robert Descimon) EHESS-CRH, noblesse de robe qui va se développer et prendre l’importance que l’on connaît sous les règnes de ses successeurs. Mais c’est lui aussi, avec la légitimation de ses bâtards qui va mettre en place un nouveau système social avec la noblesse des ducs, pairs et autres princes : le roi se défait des liens féodaux pour une pratique plus patrimoniale, familiale du pouvoir. Dès Henri IV se dessine les contours du pouvoir absolu où la parole du roi ne connaît aucune contestation institutionnelle d’autant que les États Généraux réunis sous les derniers Valois avaient montré sinon leurs limites, du moins leur inutilité.
Après des années de guerres civiles, de massacres, contrairement aux idées reçues le royaume était beaucoup moins épuisé qu’il n’y paraissait. La paix a permis de fait une meilleure rentrée des impôts (et leur baisse), un rapide redémarrage économique car hormis certaines régions et la capitale, le pays n’était pas détruit, et dès que la sécurité fut assurée, l’économie a pu se remettre en marche.
Lendemains de guerre civile est un livre « savant », chaque contribution est facile à lire, remet en perspective une époque où le moindre incident aurait pu redéclencher la pire guerre civile qu’ait connue la France. Tout cela fut possible, au-delà de circonstances favorables, par le charisme, l’implication continue d’un homme qui a su soigner son image qui perdure à travers les siècles
Félix Delmas
Lendemains de guerre civile : réconciliations et restaurations en France sous Henri IV
Textes rassemblés, présentés, édités par Michel de Waele
Éditions Hermann. Les Collections de la République des Lettres. 28€
WUKALI 12/06/2015
Courrier des lecteurs: redaction@wukali.com
Illustration de l’entête: Henri IV reçoit le portrait de Marie de Médicis, P- P Rubens. Musée du Louvre, INV1772. © RMN / René-Gabriel Ojéda / Thierry Le Mage