Exclusive interview with Vincent Coq, Wanderer Trio pianist
Vincent Coq au piano, Jean-Marc Phillips-Varjabédian au violon, et Raphaël Pidoux au violoncelle, le Trio Wanderer, ainsi nommé en hommage à Schubert, est reconnu au plan international comme l’une des toutes meilleures formations de musique de Chambre. Autant dire qu’à La Roque d’Anthéron, le Trio est très attendu. Comme chaque année du reste, car ils ont tissé avec le festival des liens privilégiés. A la manière de Schubert, le « voyageur errant », ils voyagent, bousculent, explorent, et c’est toujours un réel bonheur de les retrouver sur scène, pour leur jeu déjà, d’une belle sensibilité, pour leur complicité sans faille et pour leur parfaite maitrise instrumentale.
L’un des plus emblématiques trios du festival fusionne les genres avec virtuosité et intensité et le programme qu’ils nous réservent cet été est riche.
Aimez-vous Brahms ? Assurément. Un rendez-vous avec Brahms à ne pas manquer le dimanche 9 août 2015 à 21h à Lambesc, Eglise de l’Assomption.
Trio pour piano et cordes n°1 en si majeur opus 8
Trio pour piano et cordes n°3 en ut majeur opus 87
Trio pour piano et cordes n°3 en ut mineur opus 101
Brahms toujours, le lundi 10 août à 21h en l’Eglise de l’Assomption de Lambesc :
Quatuor pour piano et cordes n°1en sol mineur opus 25
Quatuor pour piano et cordes n°3 en ut mineur opus 60
Le trio sera accompagné de l’altiste Lise Berthaud.
Vendredi 14 août 2015 à 18h au Château de Florans : Concert des professeurs des ensembles en résidence. (Une affiche exceptionnelle viendra ponctuer une riche semaine de travail et de rencontres entre générations. Cette année les professeurs se produiront avant leurs élèves. Le concert de ces prestigieux solistes promet d’être fabuleux.
Samedi 15 août, 20 h, dans le Parc du Château de Florans : programmation surprise de cette soirée de tous les ensembles en résidence.
Vincent Coq pianiste du trio a bien voulu répondre à quelques unes de nos questions pour WUKALI
Trio Wanderer, une référence à Schubert le « wanderer », l’éternel voyageur du romantisme allemand ?
Effectivement. Schubert a écrit deux grands trios (les opus 99 et 100) qui sont deux pièces majeures du répertoire de la musique de chambre. C’est en hommage à Schubert et à ces deux pièces que nous avons choisi ce nom.
– Peut-on dire que cet esprit du compositeur allemand a marqué vos débuts et ne vous a plus jamais quitté ?
Le Wanderer dans le romantisme allemand est celui qui part de chez lui à la découverte du monde et de lui-même, sans savoir vraiment par quel chemin. Je crois que c’est une idée centrale pour un artiste. En effet, on ne doit jamais penser que tout est acquis, rester sur place, tomber dans la routine, mais au contraire toujours aller de l’avant pour faire vivre plus profondément l’âme des compositeurs qui nous ont laissés tant de chefs-d’œuvre.
Vincent Coq, enfant, vous alliez chez une de vos voisines pour l’écouter et la voir travailler son piano… ce fut une découverte déterminante pour vous ?
Si l’on veut. J’étais très jeune. C’est vrai qu’à 5 ans, j’adorais me mettre sous le piano à queue de notre voisine et l’écouter travailler. Peut-être est ce le déclic qui m’a donné envie de me mettre moi-aussi au piano ?
Une centaine de concert par an, et lorsque l’on vous lit dans la presse, une chose revient comme un leitmotiv : les répétitions ne sont pas toujours très paisibles !
Encore une fois, la routine est l’ennemi de l’artiste. Une répétition doit servir à quelque chose et surtout pas à refaire que ce qui a déjà été fait. Nous pouvons discuter assez vivement car nous nous connaissons depuis très longtemps et nous avons perdu l’habitude de nous parler avec des circonvolutions inutiles afin d’aller à l’essentiel. C’est quelquefois rude mais nous fonctionnons ainsi et cela est également constitutif de l’amitié qui nous unit.
– Quels seraient votre ou vos plus grands souvenir de scènes ?
Je dirais que le Mozarteum de Salzbourg ainsi que le Musikverein de Vienne sont des scènes qui nous tiennent toujours à cœur. Au-delà de la beauté de l’acoustique, c’est surtout la mémoire qu’elles renferment qui est exceptionnelle. Tous ces compositeurs et artistes de génie qu’elles ont vu défiler en font des lieux magiques.
Vous avez du faire de belles rencontres
Il y en a énormément : des plus inattendues comme la rencontre de musiciens de musique traditionnelle extraordinaires à Addis-Abeba en Ethiopie ou plus proche de nous le travail avec des artistes exceptionnels comme le baryton autrichien Wolfgang Holzmair.
Vous aviez envie de vous produire en Inde.
Oui, mais il y a très peu de possibilités que cela se produise. L’Inde, contrairement à la Chine, est peu ouverte à l’art occidental.
– Vous vous êtes produits pour la première fois à la Roque d’Anthéron en 1988. Nous sommes en 2015 et vous êtes sans doute le groupe le plus emblématique du festival ! Cela représente quoi pour vous ?
Nous sommes effectivement arrivés la même année que Claire Désert qui intervenait alors avec son quatuor avec piano. En effet, notre trio existe toujours !
Au début, alors que nous étions encore étudiants, nous avons participé trois fois aux master-classes. Maintenant nous y enseignons et ce depuis de nombreuses années. Ces master-classes nous ont permis de rencontrer Menanhem Presseler, Janos Straker et tant d’autres. Elles nous ont aussi donné, grâce à René Martin le directeur festival, l’opportunité de nous faire entendre pour la première fois par le public d’un grand festival. C’est une chance formidable pour de jeunes artistes.
Comment se passent ces classes ?
Les classes se passent très simplement. Les ensembles ont été sélectionnés par les professeurs sous la houlette de Claire Désert. Ce sont de jeunes artistes professionnels qui débutent leur carrière. J’ouvre une petite parenthèse. Le Trio Medici, qui participe aux masters-classe cet été, vient de remporter le Second Prix au Concours international de musique de chambre de Melbourne. Nous en sommes très heureux. Je me souviens de ce que Léon Fleisher me disait à l’occasion d’une master classe. L’expérience était la chose la plus importante pour un musicien. Nous sommes là pour transmettre notre expérience et certainement pas une vérité. Et tout cela se passe au son des cigales, sous des chapiteaux installés dans les allées du Parc de Florans et le public ne doit pas oublier qu’il y est le bienvenu !
En bref, c’est maintenant c’est à nous de transmettre notre expérience auprès de jeunes ensembles. J’ajoute que René Martin a fait du Festival une véritable pépinière de talents. C’est Claire Désert qui en assure aujourd’hui l’organisation après Jean Hubeau et Christian Ivaldi. En quelque sorte, la boucle est bouclée.
Vous vous êtes formés auprès de grands maîtres comme Menahem Pressler, le pianiste du légendaire Beaux Arts Trio. Est-ce là l’un de vos plus beaux souvenirs ?
Mehamem Pressler est un très grand artiste, très exigeant et nous avons beaucoup appris auprès de lui lors de master-classes à la Roque d’Anthéron, au Canada et aux Pays-Bas. Mais je veux aussi citer Jean-Claude Pennetier, un des familiers de la Roque d’Anthéron qui a été notre professeur au Conservatoire de Paris. C’est un musicien et pianiste merveilleux dont l’intensité musicale des cours laisse des traces indélébiles. Enfin, nous avons eu la chance de travailler avec les membres du Quatuor Amadeus, et tout particulièrement Nobert Brainin, et là encore cela nous a marqué à jamais.
Vous revenez chaque année avec toujours le même plaisir ? Un peu de trac parfois ?
Du plaisir toujours, c’est presque une famille et nous y retrouvons de nombreux amis, et pas seulement chez les musiciens mais aussi dans l’équipe du festival ! Pour ce qui est du trac, oui, parfois, ça peut arriver !
27 ans d’existence ! Que retiendriez-vous de ce parcours depuis la création de votre trio ?
Je n’ai pas trop l’habitude de regarder en arrière. Ce qui compte, c’est le chemin à parcourir. Comme je le disais au début, c’est la spécificité Wanderer que de marcher sans savoir où ses pas le mènent et de découvrir de nouveaux horizons.
Pouvez vous nous parler du programme de vous avez préparé pour la Roque ?
Nous donnons l’intégrale des Trios de Brahms, ainsi que les Quatuors op. 25 et 60. On a là cinq chefs-d’œuvre du compositeur allemand. Nous venons d’enregistrer un nouveau disque consacré à Brahms et nous sommes donc encore sous l’emprise de son univers tendre, amoureux, passionné et même suicidaire dans le quatuor op. 60.
L’altiste Lise Berthaud vous accompagnera le 10 à Lambesc. Vous avez déjà joué avec elle par le passé ?
Oui, nous avons déjà joué avec Lise qui est un altiste magnifique et qui en plus nous rejoindra un temps pour les master-classes.
Quels sont vos projets ?
Quelques vacances ?!! Difficile de faire un choix. Nous poursuivons notre vie de musiciens au travers des concerts. Et bien que notre nouveau disque Brahms ne soit pas encore paru, nous avons déjà en projet pour un nouvel enregistrement probablement dédié à Dvorak.
Vous avez été promus au grade de Chevalier de l’ordre des Arts et lettres. Cela a t-il une grande importance à vos yeux d’obtenir une telle récompense ?
Cela fait toujours plaisir de recevoir une reconnaissance officielle pour notre travail mais objectivement cela n’a pas bouleversé pas notre vie….
Petra Wauters
Correspondante spéciale de WUKALI au Festival de La Roque d’Anthéron
Site du Festival International de piano de La Roque d’Anthéron
WUKALI 28/07/2015
Courrier des lecteurs: redaction@wukali.com
Illustration de l’entête: photo Achim Liebold