An adventure novel in XVIIIth century France and Caribbean sea
L’Abeille noire a reçu le Prix MATMUT 2015 du premier roman et c’est bien mérité. Si vous êtes amateur des romans d’aventure, des romans de capes et d’épées ; si vous avez lu sans vous rassasier les feuilletonistes du XIX siècle, et qu’ Eugène Sue, Paul Féval et surtout le génial Alexandre Dumas se côtoient en bonne place sur votre bibliothèque avec Le Capitaine Fracasse de Gauthier ou Scaramouche de Gobineau, et si (que de si!) vous avez suivi attentivement Les Aventures de Boro de Franck & Vautrin, alors, il y a de fortes chances, oui croyez-moi, que vous appréciez L’Abeille noire de Thierry Conq et Ronan Robert.
Tout y est : une héroïne au grand cœur, des méchants, des gentils, la mer, une tempête, l’exotisme, une vengeance, etc. Et aussi un style, le style des feuilletonistes : des chapitres courts, présentés chacun par un résumé expliquant le contenu : « De ma difficile rencontre avec le nègre marron Makandal. Quelles idées il professe ». Rien qu’à la lecture de ces résumés, vous avez tout le roman, tout au moins son squelette. Cela ne doit en rien vous ôter le plaisir de la lecture. Et du plaisir, les amateurs de ce genre littéraire en trouve.
En 1755 Awen Le Dru, jeune fille d’un humble pêcheur breton, après avoir repoussé les assauts du curé du village, s’enfuit à Brest à la recherche de son frère disparu. Elle se déguise en homme et se comporte comme un homme et rêve d’aventures, d’exotisme. Mais dès son arrivée à Brest, elle manque de se faire violer par un aristocrate pédophile. Son chemin lui fait rencontrer un chirurgien aveugle et son aide noir, elle devient capitaine d’un bateau volé, part pour Saint Domingue où elle retrouve son frère qui n’est pas du tout conforme à l’idée qu’elle se faisait de lui. Dans le cadre enchanteur des Caraïbes, elle fait connaissance avec une société basée sur l’esclavage et sur un racisme d’une grande violence. Mais Awen évoluera, trouvera l’amour, les méchants seront châtiés et le roman s’achève de telle sorte qu’une suite est fort probable. Un feuilleton du XIX ième, vous dis-je !
Saint Domingue, l’esclavage et son horreur, l’ancien esclave qui rêve de venger les humiliations qu’il a subies, cela fait penser à Georges d’Alexandre Dumas, ce roman peu connu mais qui est une sorte d’ébauche du Comte de Monte Cristo.
Awen est entourée de personnages secondaires tous attachants surtout de par leurs travers comme Bethléem, Zabeth, la petite Eugénie, Makandal, Youn an Dall ou plus exactement Jacob de Karangall et son frère David. Sans oublier Kersigny alias chevalier du Quercy et le frère Gweltaz. Tous à leurs contacts feront évoluer notre héroïne, mûrir, se transformer. C’est en les fréquentant qu’elle prend conscience que les noirs sont des hommes comme les autres, que la servitude dans laquelle les plongent les blancs est pire que celle que subissent les femmes de la part des hommes. Nous sommes dans la seconde moitié du XVIII siècle, et la philosophie des Lumières et le concept d’égalité tendent à se répandre. Soit, cela ne concernait qu’une élite « intellectuelle » Awen, elle la partage, l’apprend, la comprend par l’expérience : « Il me semblait évident qu’un nègre dû être à la foi frustre et ignorant et que vous étiez en quelque sorte un Blanc déguisé, ou une erreur de la nature… Tu sais la nécessité où le faible se trouve de dissimuler, quand son sexe ou sa couleur le condamne au mépris. » Tout est dit.
La MATMUT vient de créer un nouveau prix littéraire qui récompense un premier roman. Thierry Conq et Ronan Robert viennent de le remporter. Je connais des romans primés qui ne l’auraient pas obtenu.
Il nous tarde de lire les futures aventures d’Awen Le Dru.
Émile Cougut
L’Abeille noire
Thierry Conq et Ronan Robert
Éditions Les Nouveaux romanciers. 19€90
WUKALI 04/09/2015
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