A musical athlete, a giant ! Besides words !
Est-il encore besoin de présenter l’immense pianiste Boris Berezovsky, victorieux à l’âge de 21 ans du redoutable Concours Tchaïkovski ? Sa carrière internationale l’a conduit dès lors sur les scènes du monde entier, même s’il avoue une préférence pour la France ; il vient ainsi régulièrement à La Roque d’Anthéron. Lorsqu’il lui reste du temps entre deux récitals, il s’adonne au jazz, se produit avec le trio qu’il a fondé ou crée quelque œuvre. Très proche de Brigitte Engerer, sa partenaire d’élection dans le répertoire pour deux pianos, Berezovsky reprend à sa disparition la direction du festival de Beauvais où il révèle les jeunes talents pianistiques de demain. Fantasque et passionné, ce pianiste au jeu puissant et au brio fulgurant aime interpréter la musique russe, privilégiant les œuvres les plus difficiles et les tempos rapides que font vibrer de mille couleurs ses doigts d’airain.
Si sa silhouette est massive, sa démarche lourde, ce géant de la scène, devant son piano devient le merveilleux pianiste de renommée internationale au toucher gracieux et sensible. Léger et puissant à la fois, capable de la plus grande finesse. Il joue à en perdre haleine, enchaine son programme, un peu trop vite peut-être… et nous, bien sûr, aux anges, on peut difficilement lui reprocher de ne pas nous laisser reprendre notre souffle entre les différentes pièces du programme.
C’est qu’il communie avec les plus grands Boris Berezovsky ! Et le tout dernier récital qu’il vient de donner tout dernièrement au GTP à Aix en Provence fut un moment de grâce dont on ne se lasse pas. Un focus fait sur les musiciens russes ce soir-là, hormis Edvard Grieg dont on écoutait la Sonate en mi mineur, les magnifiques Pièces Lyriques et la fantasque Marche des trolls. C’est tout un monde alimenté des plus belles légendes qu’il nous invite à découvrir. On s’imagine dans ses paysages immenses. Les notes nous enveloppent et on se noie littéralement dans un univers infini. Et pour nourrir cette musique, la sincérité, l’authenticité, la profondeur du sentiment, le sens du drame sont au rendez-vous. Tchaïkovski, enfin : Dumka op. 59, les Saisons, Stravinsky pour finir, avec la sonate en do majeur pour piano et encore Petrouchka, avec ces accords massifs, ces gerbes d’arpèges éclatantes, un merveilleux moment. C’est peut-être en jouant ces dernières pièces en fin de concert que cet artiste, hyper sensible a libéré le plus d’émotions ; dans cette musique d’une énergie réjouissante, aux timbres riches et colorés. Même si Boris Berezovsky prend tous les risques, avec générosité, son visage reste impassible. Le pianiste semble détaché, presque lointain. Seuls ses doigts s’envolent avec frénésie sur les touches du clavier. Il joue pratiquement sans partition. Incroyable mémoire ! Et l’œuvre tout entière gravée dans sa tête nous donne l’impression que la musique joue toute seule et que les notes coulent dans son sang. Une œuvre rare et peu jouée nous devient familière, tel ce bis magnifique, « une œuvre peu connue », nous dira Boris Berezovsky, Lezginka, extrait des Etudes transcendantes de Sergei Lyapunov.
Des pièces qui ne ressemblent à aucune autre, ambitieuses et raffinées, parfaitement adaptées au piano. Un pur bonheur !
Pétra Wauters
Prochains concerts
À Paris 8ème le vendredi 22 janvier 2016, Théâtre des Champs-elysées
À Paris 8ème le vendredi 15 avril 2016, Théâtre des Champs-elysées
À Paris 19ème le lundi 20 juin 2016, Philharmonie de Paris
WUKALI 20/11/2015
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