One of the highlights of the Festival d’Automne in Paris
7 PLEASURES, 7 formes du plaisir, c’est le titre du spectacle de Mette Ingvartsen présenté au Centre Pompidou dans le cadre du Festival d’Automne. Par sa simplicité il évoque immédiatement en nous l’idée d’une typologie des pratiques sexuelles, un inventaire des plaisirs et évidemment les photos qui illustrent le spectacle représentent des gens complètements nus enchevêtrés les uns sur les autres. Mais, 7 PLEASURES n’est rien de tout ça, 7 PLEASURES est loin, très loin des facilités et des évidences que le titre nous avait évoqué.
Lors d’une rencontre avec le public après le spectacle D’après une histoire vraie de Christian Rizzo au FTA de Montréal en 2014, une femme demandait au chorégraphe pourquoi la chaise présente sur scène au début du spectacle était immédiatement retirée et ne servait à rien. Il expliquait alors que retirer une chaise de la scène, c’était créer un espace vide. On ne peut pas créer un espace vide si l’espace est déjà vide. De la même façon Mette Ingvartsen ne pose pas la nudité comme un principe ex nihilo. La nudité est créée par le déshabillement, le déshabillement d’hommes et femmes qui ne partent pas non plus du postulat qu’ils sont performeurs. Ils sont habillés, ils sont dans le public, ils sont comme nous, ils sont nous. Ce court passage au début du spectacle change notre perception de la représentation. Les performeurs deviennent des personnages chargé d’un passif, porteur d’individualité ce que la confrontation à un groupe nu de façon immédiate comme un postulat de départ n’aurait pas permis.
Une fois ce premier principe instauré, la chorégraphie peut commencer. La masse de chaire humaine multicolore qui s’est formée se déplace dans l’espace sans jamais se disloquer et comme par capillarité va intégrer à la masse le corps isolé échoué sur la banquette opposée. Tout est organique, les meubles sont des corps étrangers qui passent au travers de la masse mouvante sans jamais la séparer, rien ne fait obstacle à l’élan synergique initié.
La réussite de ce spectacle réside dans la capacité de Mette Ingvartsen a emprunter à l’acte sexuel sa structure dramatique, sa narration, ses mouvements, ses souffles, en les déplaçant, en les isolant de telle sorte que le mouvement sexuel devient un geste chorégraphique qui évoque la sexualité sans jamais la reproduire. Tout est subtilement détourné, déplacé et travaillé. Le travail de Mette Ingvartsen nous rappelle les recherches menées par Eugenio Barba sur l’anthropologie théâtrale. Le corps du rapport sexuel, qu’on peut assimiler au corps quotidien est étudié, disséqué et transposé à un corps performatif, extra-quotidien, où les actions, bien qu’elles reproduisent des mouvements empruntés à ce premier corps sexuel, n’ont rien de naturalistes, elles ne sont pas même une imitation, mais bien une chorégraphie.
La progression du spectacle suit la montée de l’orgasme, jouant des longueurs et des temps à chaque étape du plaisir. C’est un plaisir cathartique qui grandit en chacun des spectateurs jusqu’à être coupé en plein élan par des corps rhabillés. La nudité qui s’était installée comme une convention tacite entre les performeurs est mise à mal par ces vêtements qui rendent les rapports entre danseurs nus et danseurs vêtus malsains, gênants. Notre perception est troublée, tout comme notre rapport au corps nu.
Mette Ingvartsen réussit un tour de force en proposant un spectacle où le plaisir sexuel est roi sans jamais tombé, il va sans dire, ni dans l’obscénité, ni dans la pornographie.
Ronan Ynard
WUKALI 24/11/2015
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Illustration de l’entête: Crédit photo Marc Coudrais