An American novel with guts ans stripes !
Ballade pour Leroy ( à prononcer : lərɔɪ, comme boy) c’est un bon roman écrit par Willy Vlautin paru chez Albin-Michel dans la collection Terre d’Amérique sur le traumatisme de la guerre en Irak au coeur même des USA.
Leroy, pour garder son emploi, parce que « ça se fait » « c’est normal pour un Américain » s’engage dans la garde civile afin d’aider les populations dans la détresse. Malgré ce qu’on lui avait dit, son engagement ne concerne pas que le territoire américain. Aussi part-il pour l’Irak où il est très grièvement blessé. Après un début de rééducation, il se retrouve dans un institut, surtout pour malades mentaux. Ne se voyant aucun avenir, il tente de se suicider. De fait il ne meurt pas mais tombe dans un état semi comateux dont il sort rarement. Amateur de science-fiction, il se raconte une terrible histoire où ceux qui sont déclarés inaptes à devenir soldat sont tués automatiquement. C’est une fuite sans fin avec Jeanette (son amie avant qu’il ne parte à la guerre) pour échapper à des soldats qui veulent les tuer.
Autour de Leroy, il y a Pauline, l’infirmière pleine d’empathie, Freddie McCall, le veilleur de nuit et le vendeur d’un magasin de peinture le jour, qui malgré ses deux emplois n’arrivent pas à faire face aux charges qui pèsent sur lui, surtout le remboursement des frais médicaux engendrés par la maladie de sa fille. Et quelques autres personnages secondaires dont Darla, la mère de Leroy.
Tous ces personnages font partie de cette portion de la classe moyenne américaine, qui doit faire face aux dures réalités de la vie, qui vivent mal, sont tous à un certain niveau des travailleurs pauvres, des personnages dont certains sont en voie de marginalisation, ou tout au moins n’ont plus le niveau de vie auquel ils auraient eu droit à une autre époque. On est loin des clichés sur la réussite individuelle aux Etats Unis d’Amérique. Ce n’est pas qu’ils refusent de réussir, tous sont des travailleurs acharnés, mais le travail n’est plus un critère de réussite puisque le travail ne permet que de survivre.
Ballade pour Leroy est un roman émouvant sur les humbles, les oubliés ou plus exactement les victimes du rêve américain. Pour un qui réussit, combien de Leroy, de Pauline de Freddy ? Combien de jeunes Américains sont morts en Irak victimes d’un engagement solidaire, ils voulaient sincèrement aider leurs concitoyens pour qu’ils vivent en paix, pour les soutenir en cas de catastrophe. Pas pour aller au Moyen-Orient qu’ils ne savaient même pas situer sur une carte.
Ballade pour Leroy est un livre plaisant, facile à lire. Et c’est sûrement là que la critique peut être faite. Où est le style, ce petit « je-ne-sais-quoi » qui fait l’originalité de l’auteur, qui en quelque sorte « signe » son œuvre, qui fait qu’à la lecture de dix livres sur le même thème on trouve tout de suite l’auteur sans même avoir eu besoin de lire son nom sur la ouverture. N’est pas Lewis ou Steinbeck qui veut. Des livres sur les conséquences, les traumatismes des soldats de retour du front, il y en a énormément, surtout dans la littérature américaine (ce qui montre que dans ce pays la population est prête à connaître et à assumer les conséquences de ses actes, la censure, officielle ou inconsciente y et nettement moins prégnante qu’en France). Il n’y a que le style de l’auteur qui fait qu’un « sort du lot », qu’un sera rangé à la place d’honneur dans les bibliothèques et pas les autres. Un des problèmes de l’extraordinaire littérature américaine contemporaine, inventive, riche, est qu’il y a aussi des ateliers d’écriture qui tendent à formater le style des auteurs. Je n’ai rien contre ces ateliers, mais ils « formatent » standardisent le style, gomment les aspérités, en quelque sortent affadissent le contenu en le rendant quelque peu interchangeable. Ce qui fait un vin extraordinaire, c’est le mélange des cépages. Parfois c’est un échec, mais parfois c’est une merveille alors qu’un vin élevé à partir d’un seul cépage est bon, mais il a toujours le même goût.
Emile Cougut
Ballade pour Leroy
Willy Vlautin
éditions Albin Michel 22€
WUKALI 18/02/2016
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