A key figure of Louis XIV reign
Enfin une biographie de Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban, Maréchal de France qui ne fait pas référence qu’à ses réalisations matérielles, le fameux pré-carré (c’est lui qui inventa cette formule dans une lettre à son ministre Louvois) : les forteresses qui, à juste titre, viennent pour la plus part, d’être inscrites au patrimoine mondial de l’humanité : Belle Île, Blaye, Besançon, Bitche, Belfort, Neuf- Brisach et tant d’autres sont les marques du génie militaire de Vauban.
Dominique Le Brun dépasse largement dans cette biographie cette image d’Épinal, il est bien plus intéresse par la trajectoire personnelle de ce rejeton de la petite noblesse bourguignonne totalement désargenté, qui fait montre très jeune d’un goût prononcé pour les mathématiques, qui s’engage dans l’armée de Condé contre le roi lors de la Fronde, qui se fait faire prisonnier à ses conditions, mais qui déjà connu pour ses compétences d’ingénieur est tout de suite « récupéré » par Mazarin qui sait l’employer au mieux de ses capacités.
Surtout, l’auteur s’intéresse à l’étude des Oisivetés, ce livre qui n’est autre que la compilation de tous les écrits de Vauban. Car Vauban a écrit, énormément écrit et pas que des traités militaires, loin de là. Il a passé plus de cinquante années sur les routes (dont il souhaite leur réfection pour le bien être du royaume) et a eu le temps de réfléchir sur ce qu’il voyait, réfléchir et proposer au monarque des réformes. Comme Vauban n’était pas un homme de cour mais surtout un homme libre, le moins que l’on puisse dire c’est que certaines idées qu’il développait allaient contre la volonté de l’autiste royal (Louis XIV) et de son entourage dont il réclamait la fin des privilèges : protester contre la révocation de l’Édit de Nantes, les abus des fermiers généraux ou proposer la création d’un impôt sur le revenu ne correspondaient pas exactement à ce que l’on attendait d’un fidèle serviteur.
Et pourtant toute l’œuvre de Vauban, catholique convaincu, est celle d’un fidèle serviteur qui n’a qu’un but la gloire de la France et le bien être du peuple. Avant même les physiocrate, Vauban comprend qu’ « il n’y a de richesse que dans l’homme ». Toute sa pensée autour de la chose militaire tourne autour des moyens pour économiser les vies humaines (il était violemment opposé aux actes héroïques qui faisaient énormément de morts pour la gloriole d’une minorité). Dans une société avant tout rurale, il faut des bras pour l’agriculture, pas des morts ou des blessés sur les champs de batailles.
Vauban a une vision très « économique » de la société, il a compris l’importance du commerce, d’une juste répartition des richesses, il se bat toute sa vie contre les dépenses somptuaires et inutiles de certains dont le Roi poussé dans sa mégalomanie par certains courtisans dont Louvois ne fut pas le dernier. De plus, féru de mathématiques, il essaie de créer des statistiques pour étayer ses propositions. Vauban n’était pas un doux rêveur et encore moins un philosophe, mais un observateur lucide de la France du XVIIème siècle qui a vite perçu ses faiblesses et qui souhaite trouver des solutions avec les moyens à sa disposition.
Il rêve d’une évolution de la royauté, non d’une évolution politique, mais d’une évolution économique pour le bien-être de toute la société. C’est un précurseur du siècle des Lumières, bien trop en avance sur son temps pour qu’il puisse avoir été entendu par le roi et son entourage.
Comme le montre Dominique Le Brun, Les Oisivetés sont d’une grande modernité, écrites par un vrai ami de l’humanité.
Félix Delmas
VAUBAN : l’inventeur de la France moderne
Dominique Le Brun
Éditions Vuibert. 18€90
WUKALI 20/06/2016
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