Another book about Islam, an elusive view…
Fils d’immigrés tunisiens,[** Faouzi Tarkhani*] est né et a grandi à Sarcelles, dans un HLM, avant que cette banlieue ne devienne renommée pour ses violences urbaines. Bien sûr, tout n’y était pas rose, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’était pas le premier à l’école, en plus son institutrice Madame Croustille était loin d’être une pédagogue essayant de trouver le meilleur dans ses élèves, plutôt l’inverse, car elle lui prédisait la prison comme avenir. En plus le petit Faouzi n’était pas le dernier pour aller chaparder ce dont il avait envie. Une caricature de « petite frappe » en quelque sorte.
Malheureusement pour lui, un de ses amis en jouant avec le pistolet à grenailles de son père lui tire dessus et le rend presque aveugle. Il va poursuivre ses études dans un institut spécialisé, avec une pédagogie adaptée et il ne s’avère pas du tout un cancre (il obtiendra son baccalauréat avec mention). Il se passionne pour l’histoire, la littérature (grâce aux audio-livres dont il fait une importante consommation) et la musique. Il devient connaisseur du rap et du hip-hop et alors qu’il poursuit des études d’histoire à la Sorbonne, il va même jusqu’à enregistrer un disque chez une importante « major », et alors qu’il avait sûrement un avenir dans le milieu de la variété, il préfère tout cesser car il a « trouvé Dieu ».
Le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas grâce à une illumination comme Claudel ou Froissart. Non c’est le fruit d’une longue réflexion. Son milieu familial, s’il était musulman, n’était pas particulièrement soucieux des choses de la religion, et Faouzi se disait, se pensait athée. Mais adolescent, à 16 ans, il s’intéresse aux faits religieux, lisant une première fois le Coran, mais se sentant aussi très attiré par le catholicisme. Étudiant, malgré son handicap, s’il travaille, il fait aussi les 400 coups et passe ses soirée à fumer du hasch. Mais le fait religieux l’attire toujours, avec son ami Brice, il a de longues discussions sur ce sujet. Même s’il n’est pas scientifique, c’est par ses lectures scientifiques que Faouzi finit par penser que l’univers en général et la vie en particulier ne peuvent être le résultat du hasard, mais d’une volonté supérieure qui ne peut être que Dieu. Persuadé qu’après la mort il y a soit l’enfer soit le paradis, en refaisant le pari de Pascal, il préfère croire. Et il croit. Toujours avec Brice, il essaie de trouver la « meilleure religion » et finit par opter pour l’islam. Accompagné de Brice (qui se convertit), il revient à la mosquée, mais continue sa vie d’étudiant jusqu’à ce que les deux jeunes hommes, toujours en quête d’absolu, finissent par aller avec les salafistes.
La dernière partie du livre est une longue explication de son choix pour le salafisme en précisant bien que ce courant religieux n’a rien à voir avec les terroristes qui eux sont des takfiristes, et regrette, à juste titre, que ces deux groupes « étaient systématiquement mis dans le même panier par les politiques et par certains médias, par paresse intellectuelle et ignorance souvent, par malveillance parfois. » Faouzi Tarkhani se décrit, sûrement à juste titre comme un simple croyant qui est une victime indirecte des terroristes, qui ne souhaite qu’une chose, qu’on le laisse vivre suivant son choix religieux sans le juger, lui qui ne veut que le bonheur de l’humanité. On n’a aucune, strictement aucune raison de ne pas croire en sa bonne foi et personne ne peut douter de sa sincérité.
Et en plus, il n’hésite pas à montrer les contradictions de certains « gaulois » de souche : « certains, bien que prônant la mixité sociale, refusent de voir s’installer dans leurs beaux immeubles parisiens des voisins d’origine africaine. »
Alors, que dire de cette « mise à nue » ? Je ne suis pas musulman, mais ce n’est pas ce non statut qui peut m’empêcher d’avoir un avis. Je ne suis pas chinois et pourtant je peux dire quand j’apprécie ou pas le canard laqué ! Pour autant je ne peux porter un avis éclairé et non moins théologique sur le choix religieux de Faouzi Tarkhani. En plus je suis un fervent défenseur de la laïcité telle qu’elle résulte de la loi de 1905 en France, et il est certain qu’il ne partage pas mon avis. Pour autant, au nom du principe de laïcité, je lui laisse le droit de s’habiller comme il veut, même si je trouve que ses vêtements sont la conséquence d’une vision quelque peu primaire de la religion à laquelle il adhère.
De fait, je comprends très bien la démarche intellectuelle qui l’a poussé à devenir salafiste, même si je la trouve quelque peu simpliste et surtout très orientée. Je ne peux pas dire pleine de partis pris voire de mauvaise foi, car se serait émettre un doute sur sa sincérité. Indéniablement, même si la personnalité de Jésus l’attire, il n’a pas particulièrement compris qu’il n’est pas Dieu qui n’est que son père, qu’il n’est que de nature divine. Quand il s’émerveille du contenu de certaines sourates au vu des connaissances scientifiques actuelles, il oublie totalement qu’elles étaient déjà connues bien avant la révélation, il suffit de s’intéresser à l’histoire de [**Sumer*] ou de l’[**Égypte*] pour s’en rendre compte. Il fait aussi fi des recherches historiques actuelle sur la naissance de l’Islam et de la rédaction du Coran : il s’étonne que la Bible soit écrite en plusieurs langues et que le christianisme ne reconnaisse pas les mêmes textes alors que le Coran n’est écrit qu’en arabe et que le corpus n’ait pas été modifié depuis qu’il a été écrit. Sauf qu’il oublie que ce texte ne date pas de [**Mohammed*] mais a été finalisé plus de 100 ans après la mort du prophète… Soit !
Faouzi Tarkhani a la foi du charbonnier, et comme il ne veut pas commettre d’impairs, il est persuadé que pour avoir droit au paradis il faut appliquer textuellement les sourates du Livre et la pratique des deux générations qui ont suivi (pourquoi deux et pas trois ou dix, mystère ! ). En quelque sorte il faut vivre comme des bédouins du VIII siècle… Cela veut donc dire que le texte ne peut pas être interprété, comme si la société n’avait pas évolué, c’est oublier que le Coran a été, au delà de son message qui se veut universel, écrit à une époque précise dans un endroit précis, que la Finlande n’a pas le même climat que le désert. C’est surtout intellectuellement très facile, surtout de ne pas penser au monde dans lequel on vit, surtout de ne pas accepter les évolutions tant au niveau matériel qu’intellectuel. L’homme en tant que tel n’est aucunement libre, il se doit de reproduire les faits et gestes du passé et de refuser toute idée de modernité.
Un des reproches de Faouzi Tarkhani contre le christianisme est qu’il y a plusieurs courants. On croyait qu’il en était de même pour l’Islam, mais non, on se trompait, se sont des sectes aussi bien les takfiristes, les chiites, les soufistes que les coranistes ! Pour lui il n’y a qu’un Islam : le salafisme, les autres ne sont que des visions dévoyées du texte sacré. C’est faire montre de beaucoup d’intransigeance pour quelqu’un qui se veut ouvert aux autres !
Et puis, on peut aussi s’interroger sur certains silences qui en disent parfois bien plus que ce qui est écrit. On voit bien que Faouzi Tarkhani fait un choix très « orienté » des sourates qu’il nous livre, il n’aborde surtout pas les « sujets qui fâchent » comme le djihad et le statut des femmes en Islam. Pense-t-il que son épouse représente une sous-espèce humaine comme les autres salafistes ? Il n’y a pas un mot dessus…
Soit, Faouzi Tarkhani a la foi du charbonnier ; soit, il adhère à la vision la plus rétrograde de l’Islam n’arrivant pas à trouver l’esprit à travers le texte (et pourtant les courants spiritualistes de l’Islam sont d’une très grande beauté emprunte de respect et de tolérance) ; soit ses arguments ne sont pas toujours (c’est le moins que l’on puisse dire) convaincants tant ils sont contradictoires ; mais il n’en demeure pas moins qu’il nous livre là un témoignage personnel d’une grande humanité et nous donne sa vision d’un Islam si compliqué et nous montre ainsi à travers son récit que ce n’est pas parce que physiquement on est différent que l’on ne porte pas en soi même une grande générosité.
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Mal vu
Faouzi Tarkhani*]
éditions Don Quichotte. 16,90 euros
*Courrier des lecteurs *] : [redaction@wukali.com
WUKALI 03/11/2016