Sexual desires, love affairs, lies and lust in Barcelona
Mathilde, une cinquantaine d’années, un fils poursuivant ses études à Paris (ils ne se sont jamais entendus aussi bien que depuis son départ), vit avec Jo à [**Barcelone*] où elle a planté définitivement ses racines. Elle est propriétaire d’une agence immobilière, il est statisticien. Ils vivent ensemble depuis une quinzaine d’années dans un magnifique appartement à la superbe vue sur la capitale de la Catalogne. Mais Mathilde, bien qu’elle soit heureuse avec son compagnon, reste Mathilde, une femme qui, de fait, refuse de vieillir et se comporte comme une adolescente. Depuis toujours elle ment, c’est plus fort qu’elle, elle se sent en quelque sorte rassurée quand elle est dans le mensonge. De fait, elle est très égo centrée, elle ne pense qu’à elle, que son quotidien est un acquis. Elle aime Jo, elle adore sa présence, surtout le soir, la nuit, dans l’appartement, mais cela ne l’empêche pas de sortir, seule, dans les boîtes à la mode, de prendre des produits stupéfiants, et parfois, de coucher avec d’autres hommes. Jamais des « histoires d’une fois », elle ne couche jamais le premier soir, mais elle a des aventures, car elle ne supporte pas la monotonie de la fidélité. Elle couche avec d’autres, mais pas par amour mais par amusement, pour elle cela ne prête en rien à conséquence, en quelque sorte c’est sa façon de se prouver qu’elle plaît encore. Et puis, elle a toujours couché quand elle en avait envie, il n’y a eu que les huit premières années avec Jo qu’elle fut monogame, un record pour elle. Aussi quand Jo lui demande combien de fois elle l’a trompé, Mathilde continue de mentir (d’autant qu’elle ne sait quoi répondre, le nombre n’étant pas le même si on compte le nombre d’hommes (à peine 4) ou le nombre de fois qu’elle a couché avec chacun). De fait Jo a rencontré quelqu’un d’autre et veut la quitter (et lui faire porter la responsabilité de l’échec de leur couple). Mathilde devrait s’effondrer comme s’effondre son quotidien, mais elle décide de faire face et d’agir comme elle le fait toujours : sortir faire la fête.
S’ensuit une longue errance dans le Barcelone nocturne, pas celui des touristes, mais le vrai Barcelone, des immigrés, des dealers, des déclassés dans laquelle se succèdent des rencontres tragico- comiques : un dealer pakistanais qui veut coucher avec elle, un rasta illuminé au crâne rasé, un Israélien altermondialiste, un Malien philosophe. Se dessine une Barcelone peu connue, un agglomérat de populations, de communautés interlopes qui se fréquentent peu, une ville tentaculaire où tous les trafics, tous les abus se côtoient. Londres, voire Berlin avec les excès espagnols en plus. Une ville ravagée qui n’a plus de vraie âme, où tout se résume au quotidien, au narcissisme. Mathilde représente Barcelone, toutes deux ont la même philosophie égotiste tournée autour du plaisir du moment, demain n’entrant pas en compte pour assouvir ses envies, ses désirs. Mais une ville brillante attachante qui agit comme une vraie drogue sur ceux qui savent l’apprécier.
Il était combien de fois d'[**Hélène Couturier*] est un agréable roman sur le plaisir, une réflexion sur la fidélité à soi et aux autres. Mais c’est surtout une ode à Barcelone, la vraie, pas celle de l’hypercentre qui n’est qu’un parc d’attraction pour touristes, mais à la Barcelone interlope, celle qu’il faut savoir chercher, trouver, connaître, qui ne s’offre à vous que si vous vous imprégniez de son âmes derrière les apparences. Une ville qui ment, une ville aussi complexe que Mathilde, une ville aussi complexe et torturée que son architecte le plus emblématique : [**Antoni Gaudí*].
[**Il était combien de fois
Hélène Couturier*]
Éditions Le dilettante.15€
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WUKALI 16/01/2017