In the core of the nazi looting system of works of art in Paris during the war


Ce premier roman de [**Manuel Benguigui*] se déroule durant l’occupation à Paris au musée du Jeu de Paume, plaque tournante du pillage des oeuvres d’art. En 2014 est apparu au cinéma un (plutôt bon) film : Monument Man qui retrace de façon romancée l’action des alliés pour récupérer le plus possible d’œuvres d’art volés par les nazis dans l’Europe occupée. Œuvres d’art pillées aussi bien dans les musées, les églises, les châteaux mais surtout aux collectionneurs privés essentiellement juifs. [**Hitler*], qui se croyait être un grand connaisseur, voulait créer à [**Linz*] en Autriche le plus grand, le plus beau musée au monde. Il était aidé (trés activement) dans cette tâche de pillage par [**Goering*] qui se servait allégrement et qui dans ses goûts artistiques n’était pas borné par le concept d’art juif et autre art dégénéré. Pour arriver à « sélectionner » les œuvres dignes d’être exposées, les nazis avaient mis en place des services spécialisés comme le très efficace Équipe d’intervention du gouverneur du Reich [**Rosenberg*] qui s’installa au musée du Jeu de Paume à Paris.

C’est en son sein que travaille Ludwig, capitaine de la Whermar. Ludwig vie, respire pour l’art. C’est un total autiste, les hommes ne l’intéressent pas, tout au plus représentent-ils une gêne dans sa quête : connaître toutes les œuvres d’art, les collectionner dans sa mémoire, dialoguer avec elles. Il a un faible pour les primitifs flamands, préfère Dürer à Cranach, sait reconnaître le chef d’œuvre dans certaines production du XX siècle qui ne répondent pas aux canons hitlériens. Ludwig de par ses connaissances fait des merveilles, arrive à trouver des œuvres cachées, est un parfait archiviste au coup d’œil parfait et sûr. Même s’il fait tout pour rester totalement anonyme et transparent, Goering le repère et en fait en quelque sorte son protégé, ce qui l’aide grandement dans ses relations très tendues avec Helmut, son supérieur, un nazi convaincu mais aigri car il a été nommé dans ce service, non par amour de l’art, mais parce qu’il ne peut plus être tireur d’élite sur le front de l’est depuis une grave blessure qui lui cause des acouphènes très handicapants.

Au musée du Jeu de Paume travaille Lucette. Cette dernière va transformer Ludwig, va casser son armure : il tombe amoureux et apprend à tisser des liens avec ses semblables. Mais Lucette est fusillée par erreur par la Gestapo. Par erreur et non par le fait qu’elle est membre de la résistance, son travail consistant à établir la liste de toutes les œuvres pillées et de leur propriétaires afin de leur restituer à la fin de la guerre.
Ludwig continue le travail de Lucette, il arrive à acheter des œuvres, à en stocker, mais son but n’est pas celui de son ancienne maîtresse, il les veut pour lui, pour se créer le musée parfait. À la fin de la guerre, il arrive à se retirer dans la Creuse, entouré de ses œuvres d’art. Il vit comme il a toujours vécu, en solitaire dialoguant avec ses tableaux, essayant de s’approprier la Beauté qui est en eux.

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Un collectionneur allemand est un premier roman avec de vraies qualités littéraires, une écriture fluide et limpide, un sujet original. J’ai bien aimé la description de Goering, sûrement le personnage le mieux décrit, le « plus vivant » du roman. Car il y a des répétitions, la démarche intellectuelle de Ludwig est parfaitement expliquée, explicite, mais à force de vouloir la disséquer, on a l’impression que Manuel Benguigui souhaite nous la faire entrer dans le crâne au marteau piqueur. Et puis la seconde partie, après la mort de Lucette est bien « plus obscure », les montages financiers pour récupérer des œuvres peu compréhensibles, la façon dont Ludwig arrive à s’installer dans la Creuse fait plus penser à un coup de baguette magique qu’à un événement pouvant se passer dans la vraie vie. En quelque sorte, après la mort de Lucette, le lecteur trouve que l’auteur est en manque d’inspiration et que son but est de finir son roman le plus vite possible.
Mais ces quelques réflexions que d’aucuns pourraient croire négatives ne doivent surtout pas rebuter le lecteur, car Un collectionneur allemand est un bon roman sur l’amour parfois immodéré de l’art, et puis c’est un premier roman prometteur et le lire c’est inciter Manuel Benguigui à continuer sur ce chemin.

[**Émile Cougut*]|right>


[**Un collectionneur allemand
Manuel Benguigui*]
éditions Mercure de France. 15€80


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WUKALI 16/01/2017

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