Why shall I vote in favor of Emmanuel Macron, my philosophical, ethical and existential reasons


Par Patrick Kopp, philosophe.


La société française gagnerait à nous laisser plus libres de parler d’argent, celui qu’on gagne, comme celui dont on manque et parler librement et sereinement de nos positions politiques, celles qu’on a, celles qu’on avait, parce que ni l’argent ni la politique ne sont l’essentiel mais la liberté. Certes, la démocratie ne se résume pas à ses élections périodiques, mais pouvoir librement élire, choisir, ceux qui mettent en œuvre une politique, au présent, une pratique, un projet, pas simplement une vision, est un moment fondamental de la respiration démocratique. On peut vouloir aussi, n’en déplaise à ceux qui pensent à juste titre que ce droit a été lourdement gagné à la sueur et au front de nos aînés, ne pas voter, voter « blanc » ou voter pour que le vote blanc soit un jour reconnu, on peut s’abstenir, on peut encore heureusement voter. On ne peut pas vouloir ne pas respirer quand on vit, on ne peut pas vouloir étouffer la démocratie, fondement de la République. On ne peut pas ne pas vouloir voter quand voter c’est lutter pour que la démocratie vive, et avec elle la République.Nous parlons du second tour des élections présidentielles françaises du dimanche 7 mai 2017 et d’aucune autre.

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[**Ce second tour nous met face à un choix : ne pas voter, voter pour Le Pen, voter pour Macron. Il n’y a pas d’autre choix.*]

On a voulu persuader ceux qui veulent s’abstenir en leur faisant valoir à juste titre que la France de l’extrême-droite n’est plus ni la France (quoiqu’elle tente de le crier) ni la démocratie, ni la République, ni l’Europe, pas plus celle d’aujourd’hui que les Etats Unis d’Europe. On a mobilisé le passé, l’histoire, la résistance, les résistants morts, ceux qui vivent. On a voulu convaincre, par les savants calculs, par les stratégies, par les comptes et les bilans, les chiffres. On n’emportera pas l’adhésion de ceux qui votent ou de ceux qui ne votent pas de cette manière.

Il n’y a pas d’autre choix que de voter ici et maintenant sur la situation actuelle, non pas celle de 1932, ni celle de 1938, ni celle d’une quelconque période de notre actuelle République. Il faut se déterminer par rapport aux convictions politiques du premier tour et de l’avenir. Il faut agir positivement et librement.

J’ai donné ma voix du premier tour à [**Jean-Luc Mélenchon*], pour plusieurs raisons simples à exprimer. Je suis convaincu qu’une constituante est nécessaire et préalable à toute nouvelle action politique nationale future. Je suis persuadé que l’écologie est le centre de toute action politique nationale et internationale. Je ne suis pas pour autant, au contraire persuadé qu’une sortie de l’[**Europe*] soit bénéfique ni au pays ni à l’Europe, je pense qu’au contraire une constitution européenne des Etats Unis d’Europe est souhaitable, même s’il est difficile d’y parvenir. Le candidat de mon choix pour ce premier tour a remporté un nombre important de suffrages, il faudra composer avec cette vraie gauche par la suite. Il faudra discuter aussi ces propositions. Il n’est pas au second tour, il a appelé à l’intelligence de chacun et à sa liberté absolue de conscience pour voter au second tour et à voter contre le Pen. Les choses sont claires. Je ne suis pas d’accord sur tout. Je ne suis ni encarté, ni captif, je suis libre, y compris d’y revenir et de m’engager.
Beaucoup vont s’abstenir. Je pensais moi-même le faire pour faire peser ma liberté individuelle contre une partie du projet Macron, mais aussi pour exprimer que je n’ai pas peur de l’extrême droite et qu’il faut absolument et inconditionnellement lui refuser tout accès au pouvoir, quel qu’il soit.

Je voterai pour Emmanuel Macron, positivement et absolument. D’abord parce que seul au second tour il permet d’emblée et ensuite la liberté de penser, d’agir, de voyager, de s’exprimer et de voter notamment aux législatives, quitte à constituer par son action une majorité composite ou adverse. Seul, il permet un libre jeu politique démocratique et républicain. Seul il permet encore de s’opposer à ses propositions même et à ses actions par le libre jeu démocratique, par les élections, les syndicats, l’action citoyenne quotidienne.

Je voterai pour Emmanuel Macron parce que seul au second tour il propose un projet dans lequel aucune xénophobie, aucune homophobie, aucune misogynie, aucun antisémitisme, aucune haine ni aucune peur de l’autre, de l’étranger, du malade, du faible, de soi n’ont leur place dans le débat démocratique, dans le langage ou dans l’action.

Je voterai pour Emmanuel Macron au second tour parce qu’il propose un projet, discutable certes, mais un projet de paix et d’union nationale et internationale, européenne et mondiale, dans lequel il faudra s’assurer que la liberté individuelle n’est pas bradée à l’économie de marché.

Je voterai pour Emmanuel Macron au second tour, parce qu’il s’agit de proposer des modèles de paix dans un monde instable : face aux guerres nouvelles, de l’énergie et de l’eau, face aux guerres de la radicalisation de l’Islamisme qui nuit d’abord à l’Islam lui-même, face à l’incertitude de l’Amérique de [**Trump*], face à la Russie de [**Poutine*], face aux flux des réfugiés qui ne demandent qu’à vivre, être sauvés comme nous l’avons été récemment de la barbarie nazie.

Je voterai pour Emmanuel Macron, parce qu’il faut apaiser le débat religieux, permettre la liberté religieuse et la liberté de ne pas croire, il faut garantir la société civile contre ceux qui veulent se servir de la religion contre l’Etat et contre la société civile, et nous permettre de vivre en paix.

C’est bien dans le présent et pour le présent que je voterai pour Emmanuel Macron, et non pas en instrumentalisant l’histoire dans un sens ou dans l’autre. Les historiens ont une grande part de la connaissance de l’histoire, cette histoire est complexe et réfléchie, argumentée.

Je pense que le présent seul peut effectivement amener ceux qui veulent s’abstenir, à agir. Nul ne veut s’abstenir quand une action positive est possible. On ne veut s’abstenir que lorsqu’une action nous paraît impossible. L’action présente nous appelle non pas (ou pas seulement) à barrer la route à ce qui est intolérable, mais à choisir ce qui nous permet d’autres choix libres.

Nous allons élire Emmanuel Macron, nous allons le choisir librement.

Le lendemain, nous serons encore libres de choisir, de penser, de parler, de voyager, de travailler, de créer, et même et surtout de nous opposer. Le jour où cette liberté nous sera par grand malheur refusée, où nous aurons pire que tout renoncé à notre liberté librement, alors notre servitude volontaire ne nous permettra plus que de lutter. Mais en votant pour un candidat qui nous assure de nos libertés, nous n’aurons pas à lutter mais à accepter ou à nous opposer par tous les moyens de la démocratie et de la République et pacifiquement, ce qui ne signifie nullement que les oppositions ne seront pas rudes, longues et difficiles. Nous ne parlons de lutte en République que lorsqu’il s’agit d’une opposition constructive, la lutte armée, la lutte violente ne saurait être rien d’autre que le signe d’une disqualification de ceux qui l’emploient ou l’outil lorsque tout autre choix nous aura été refusé. Que cela ne nous arrive jamais.

L’Histoire nous a mis face aux choix entre deux candidats, pas face aux choix entre deux candidats et l’incertitude. La politique n’est pas l’aventure, ni le hasard, ni la violence, elle est le fruit de la peine et du travail des humains, de leur esprit, de leur liberté et de leurs cultures. Nos choix doivent nous conforter dans notre fraternité, nous devons rassembler ce qui est épars et non éparpiller ce qui est commun.

[**Patrick Kopp*]
Philosophe
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WUKALI 04/05/2017
Illustration de l’entête: ©Wukali

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