The dramatic meeting in Lyons where Jean Moulin, head of the Resistance, representative of De Gaulle, was captured by the Germans then hideously tortured. He died without saying nothing of his secrets. Who was the traitor who informed the Gestapo ?
Voici un article consacré au drame de [**Caluire*] qui vit l’arrestation le [**21 juin 1943*] de [**Jean Moulin*], chef de la Résistance. Nous avions estimé dans un premier temps vouloir présenter ce travail de recherche scindé en plusieurs articles distincts pour une commodité de lecture. In fine nous nous sommes ravisés et mettons en ligne ce travail présenté en un seul bloc. Il nous a paru en effet nécessaire de laisser au lecteur la possibilité de saisir dans leur globalité l’ensemble des données, des événements et des personnages autour de cet événement dramatique pour tenter de se faire sa propre opinion.
[**P-A L*]
L’affaire de l’arrestation de[** Jean Moulin*], et de plusieurs chefs de la Résistance Française, le [**21 juin 1943*] à [**Caluire*] dans le Rhône, fut une catastrophe par les conséquences qu’elle eut :[** Barbie*] et la [**Gestapo*] de Lyon portèrent un coup terrible à l’organisation du comité national français de résistance en capturant son chef qui dépendait directement du [**général De Gaulle*] à Londres. Encore aujourd’hui, malgré les deux procès de 1947 et 1950, d’incroyables zones d’ombres persistent… Les protagonistes de cette terrible histoire ont tous disparu. Il nous apparaît donc impossible de pénétrer le mystère et de débrouiller l’écheveau : tout cela est si loin…Est-ce vraiment utile d’essayer ? Ne vaut-il pas mieux laisser reposer les morts en paix et oublier ?…
Même les souvenirs des témoins qui survécurent ont connu des fluctuations dues aux années écoulées… Quant au deuxième procès, car le premier était tronqué par le fait que l’arrestation de [**René Hardy*], dans le train Lyon-Paris dans la nuit du [**7 au 8 juin*], était alors inconnue, les participants ( accusés, juges, jury, témoins…) subirent de terribles pressions de tous ordres qui changèrent la nature du verdict final….Et peut-être qu’il fut nécessaire d’en arriver là pour protéger l’intégrité des hommes qui combattirent, comme ils le purent, l’ennemi. Le flambeau de l’Histoire de la Résistance ne devait pas être sali…On peut comprendre cette volonté du législateur comme le ressenti populaire. D’ailleurs, la vérité profonde du drame est, maintenant, parfaitement inaccessible, comme déjà écrit. On rappellera que le[** procès Barbie*] (1987) ne parvint pas à dégager une vérité objective sur le sujet. A aucun moment la question ne fut posée à l’accusé qui, de toute évidence, aurait répondu à côté en jetant le soupçon sur d’autres. Ce qu’il fit avec les époux [**Aubrac*]. On sait que ces calomnies on fait long feu. Et Barbie est mort en emportant ses secrets…
Tout a commencé à Marseille en janvier 1943 avec un individu abject : [**Robert Moog*] que nous décrit ainsi [**Jacques Baynac*]* : «né à Paris (14ème),le 28 février 1915, élève d’une école d’espionnage allemande (vers 1934/35 ?), il se marie en 1936. Il a 28 ans en 1943. Il travaille pour l’Abwehr sous la référence Agent K30. Individu séduisant, rusé, entreprenant, sans scrupules, il servira les allemands jusqu’à son décès dans un accident(?) d’avion en septembre 1944». Se faisant passer pour un alsacien réfugié, il entre comme chef d’équipe à la poudrerie de Toulouse le [**25 janvier 1943*], il y fera tomber tous les réseaux de Résistance sans que personne n’imagine sa responsabilité !
Moog retourne à [**Lyon*] le [**15 avril 1943*]. La première victime du traquenard qu’il installe dans la blanchisserie de la rue Béchevin est le capitaine [**Bulard*], chef de l’armée secrète de Lyon, qu’il abat sous les yeux de [**Klaus Barbie*], chef de la Gestapo de Lyon. Il aura de nombreuses occasions d’utiliser l’identité de sa victime.
Originaire de Belgique mais vivant à Annemasse, [**Edmée Delletraz*] (que l’on retrouvera à Caluire) sera capturée avec un message pour le malheureux Bulard dans sa poche. Elle va collaborer avec Moog mais il faut préciser ce qui suit : jamais personne ne prouvera qu’elle le fit de son plein gré et, encore moins, qu’elle participera aux arrestations de ses chefs. C’est si vrai qu’elle ne fut pas poursuivie après la guerre. A son retour à Annemasse, son chef de réseau, [**Devigny,*] l’attend sur le quai de la gare. Ils se parlent un peu mais ce dernier est arrêté par Moog, qui ne devait pas être là, sous la supervision de Barbie. L’instinct de chasseur de Moog était remarquable : il avait du suivre discrètement Edmée Delletraz, en compagnie de Barbie et de ses hommes. Le [**28 mai*], sur un renseignement de[** Multon*] (résistant retourné par Barbie) Edmée Delletraz piégera [**Bertie Albrecht*], sans que l’on sache vraiment si ce fut volontaire ou si elle fut manipulée. A titre personnel, il me semble que la deuxième solution est la bonne car Barbie lui avait fait croire que Bertie Albrecht était un agent allemand, comme le prouvera le témoignage d’un jeune policier de Châlon : [**Jean Tramoni*] décrivant l’état mental bouleversé d’Edmée Delletraz à la découverte de la manipulation : « Mon Dieu, Mon Dieu, ce sont les allemands » …En tout cas, 4 des acteurs de la tragédie de Caluire se trouvent réunis à Lyon : [**Moog, Delletraz, Barbie et Multon*], cet horrible personnage dont nous devons parler maintenant car c’est lui qui provoquera, indirectement, la capture de [**Jean Moulin*].
[**Jean Multon*] (1908-1946) : né en Touraine, agent d’assurance dans la Vienne, il cherche à passer en Angleterre en octobre 1942. Suite à l’échec du projet, on le retrouve à [**Marseille*] où il rencontre [**Henri Aubry*] et adhère à Combat, mouvement de résistance principal de la région, devenant l’homme de confiance de son chef [**Maurice Chevance*]. Arrêté le [**23 avril 1943*] par la Gestapo de Marseille, Multon parle sans la moindre contrainte physique. Il accepte la proposition de[** Dunker-Delage*] de collaborer avec les allemands. Ernest Dunker dit Delage (1912-1950) était un sous-officier allemand de la Gestapo de Marseille, terriblement efficace contre la Résistance, qui fut capturé à Paris en mai 45 puis transféré à Marseille. Condamné à mort pour ses innombrables exactions, il fut fusillé le [**6 juin 1950*].
Multon ayant une connaissance profonde des réseaux de la Résistance à Lyon comme à Marseille, le résultat de ce retournement fut dramatique pour les réseaux intérieurs. Multon provoquera les arrestations et les déportations de nombreux patriotes. Il dénonce immédiatement Chevance qui parvint à s’enfuir. Son activité criminelle est connue par le célèbre rapport Flora de Dunker-Delage, retrouvé au centre de la Gestapo de Marseille en septembre 1944, après la Libération. Dunker écrit : « Multon a été mis à la disposition du service de Lyon en qualité de contre-agent, après avoir travaillé avec succès dans l’intérêt des services allemands de Marseille ».
[**Henri Aubry*] fait déposer une lettre non codée le [**27 mai*] dans une boîte surveillée par la [**Gestapo*]. Ce message, en clair, est destiné à René Hardy pour l’avertir d’un rendez-vous avec le [**général Delestaint*] à la station de métro Muette à [**Paris*], le 9 juin à 9h. Barbie alerte alors son homologue parisien. Mais Aubry, que la santé déclinante de sa femme sur le point d’accoucher perturbe, tout au moins c’est ce qu’il dira plus tard, oublie de prévenir Delestaint et Hardy que la boîte aux lettres est sous contrôle allemand ! Les agents de liaison de Combat ont diffusé la nouvelle dès la première arrestation à cette boîte (celle de [**Marie Reynoard*]).
Pendant ce temps, Multon et Moog ont rendez-vous avec[** Bertie Albrecht*] le [**28 mai*] à l’hôtel de Bourgogne à Mâcon. La résistante sera arrêtée et transférée à la Gestapo de Paris où elle se suicidera pour ne pas parler.
Dans la soirée du [**7 juin,*] Multon et Moog prennent le train à Lyon-Perrache pour rejoindre Paris et participer à l’arrestation du général Delestaint par [**René Saumandre*], agent français de l'[**Abwehr*] répertorié sous la référence K4, prévue le [**9 juin*] à 9heures du matin. Comme expliqué, Hardy ignore le rendez-vous avec Delestaint. Il prend le même train que les deux agents de l’Abwehr, sans savoir leur présence à bord, car il doit voir [**Jean-Guy Bernard*] à Paris. Les deux gestapistes sont dans le compartiment voisin du sien… Le malheur veut que Multon et Hardy se soient croisés à Marseille début 43. Ils se reconnaissent mais Hardy décide de prendre le train quand même. Multon n’est pas sûr de lui : est-ce bien Hardy qu’il a vu ? Hardy a changé d’apparence depuis leur première rencontre et son vrai nom est inconnu des deux gestapistes. Méfiant, Moog décide de faire arrêter Hardy à [**Chalon-sur-Saône*] par la gendarmerie allemande, qui le laissera pourrir deux jours dans une cellule avant qu’il ne soit pris en main par [**Barbie*], venu spécialement de Lyon, le [**10 juin*] au matin. Hardy est libéré dans la soirée du 10 juin ou au matin du 11, sans que personne ne sache, aujourd’hui encore, les conditions de cette libération. Hardy n’informera jamais ses camarades et ses chefs de son arrestation…C’est vraiment cette arrestation qui provoquera, directement, le drame de[** Caluire*].
[**Charles Delestaint*] (1879-1945) a combattu avant d’être fait prisonnier pendant la Première Guerre mondiale (août 14). Il est chef de la 3éme brigade de chars de combat (général de brigade) en 1936 et son second est le colonel [**De Gaulle*]… Avec qui il affirme la nécessité de valoriser les unités blindées… Comme chacun sait, ils ne seront pas écoutés… Il sera assassiné à [**Dachau*] le 19 avril 1945 par les allemands, quelques jours avant l’arrivée des troupes américaines.
Multon part dans sa famille en Touraine où il restera jusqu’au 14 juillet puis revient à Lyon et enfin à Marseille où il continue de dénoncer et d’arrêter les hommes de l’armée secrète ( novembre 43). Suite à un coup de chance, il parvient à gagner l’Algérie au printemps 44. Pris de remords, il s’engage dans l’armée de Libération et participe au débarquement de Provence. Mais son passé le rattrape et il est reconnu. Il est arrêté le [**7 février 1945.*] Jugé, condamné à mort, il est fusillé au fort de Montrouge le [**10 septembre 1946*]. Voila ce que l’on sait des agissements de Multon dit Lunel. Un manque de courage évident, lié à une incapacité à assumer ses actes, l’ont fait surveiller, car personne n’avait confiance en lui à l’Abwehr…Tout l’opposé de son ignoble collègue Moog.
Mais leur chef, c’était [**Klaus Barbie*] ( 1913-1991). Il ne s’agit pas ici de détailler la vie de ce criminel de guerre mais seulement de mettre en perspective l’homme dans l’affaire de Caluire. Il obtint, l’abitur (le bac allemand) en 1933 et adhéra aux Jeunesses hitlériennes dans la foulée. Il entra à la [**SS*] en 1935, travailla au service de sécurité du parti qui devint service de renseignements du Reich en 1938. Il suivit une formation spéciale à Berlin. Le 20 avril 1940 il est nommé sous-lieutenant SS. Après l’occupation des [**Pays-Bas*] où, à l’opposé de la police belge, la police nationale a collaboré massivement avec l’occupant, à la [**Haye*] puis à [**Amsterdam*], il participe activement aux rafles de juifs, francs-maçons et émigrés allemands et devient lieutenant SS. Pour avoir été l’un des officiers les plus ignobles dans l’écrasement du ghetto juif d’Amsterdam, il est décoré de la croix de fer de seconde classe le 20 avril 1941. Il semble avoir été membre d’un commando spécial SS chargé de la lutte contre les partisans russes entre les printemps 1941 et 1942.
Nommé à [**Gex*] au[** printemps 42*], il arrive à [**Dijon*] en juin puis à [**Lyon*] en juillet. En février 43, Barbie devient le chef de la Gestapo de Lyon et sa région. Surnommé « le boucher de Lyon », il fait exécuter des otages et déporter des milliers de juifs : notamment les 84 personnes raflées le [**9 février 43*] mais aussi les 44 enfants d’Izieu raflés le [**6 avril 44*]. Le [**11 août 44*], il réussit à faire partir directement de Lyon vers [**Auschwitz*] le dernier convoi de déportés avec 650 personnes. Il fait fusiller indifféremment hommes, femmes et enfants pendant l’été 44, durant la répression des maquis de l’Ain et du Jura. Le[** 5 septembre 44*], Barbie est dans les Vosges à Bruyères, où il continue son sale travail avec ses acolytes collaborateurs du[** PPF*] (parti populaire français) tels que [**Marcel Bergier*] et [**Charles Marandin.*] Le 14 septembre 44, le commandant SS [**Wanninger*] recommande Barbie pour une promotion de capitaine SS dans des termes dithyrambiques : « Klaus Barbie est connu au Quartier Général comme un chef SS enthousiaste qui sait ce qu’il veut. Il a un talent certain pour la recherche des criminels comme pour le travail de renseignement. Sa plus grande réussite réside dans la destruction de nombreuses organisations ennemies… »
A l’automne 44, blessé, il parvient à regagner l’Allemagne où il finira la guerre comme capitaine SS à [**Wuppertal*]. Klaus Barbie figurait sur 2 listes de recherches de criminels de guerre en 1945. Très discret, plusieurs fois arrêté, il parvint à cacher sa véritable identité et à s’évader… La suite est connue jusqu’à son procès à[** Lyon*] en [**1987*] et sa fin dans une prison française.
Il est hors-de-doute qu’un flair redoutable l’animait. Cet aspect étant lié, étroitement, à son sadisme meurtrier de SS prédisposé et assoiffé de sang. Son attitude durant son procès le prouvera amplement : il essayera de salir la Résistance (notamment [**Raymond Aubrac*] parce que juif et résistant, ce qu’il ne pouvait accepter), de dégager ses responsabilités par les ordres reçus ( même attitude qu'[**Eichmann*], responsable de la Solution finale, qui affirma n’avoir fait qu’obéir aux ordres) et de brouiller les pistes concernant l’Affaire de Caluire. Nous retrouverons le boucher de Lyon dans ses œuvres d’ici quelques temps mais que la chose soit claire : Klaus Barbie est resté NAZI FIDELE jusqu’au jour de sa mort !
Les procès de [**1947*] et [**1950*] ne concernaient pas Klaus Barbie mais uniquement [**René Hardy*], derrière lequel on devine la présence de sa fiancée : [**Lydie Bastien*], maîtresse de [**Harry Stengritt*], le second de Klaus Barbie à Lyon, avant de devenir celle d’Hardy… C’est cet homme qui sera jugé par deux fois… Et par deux fois acquitté au bénéfice du doute… Venu en tant que témoin à charge au procès, Stengritt fera acquitter Hardy après qu’ils se soient parlés, et probablement mis d’accord, en prison… Arrêté à son tour, il est condamné à mort puis gracié après 15 ans de prison… Il se taira…
Il faut bien comprendre la situation de la [**Résistance*] autour du milieu de l’année 43 à [**Lyon*] pour apprécier vraiment les conditions du deuxième procès Hardy. Toute l’affaire va se dérouler autour du réseau Combat créé par [**Henri Frenay*].
Les déclencheurs furent l’arrestation du[** général Delestaint*] à Paris et celle de [**René Hardy*] à Chalon-sur-Saône… Pour laquelle[** Barbie*] se déplaça… Encore le flair redoutable de cet assassin… A moins qu’un autre personnage ait piégé Hardy…Comme sa fiancée [**Lydie Bastien*] ?
Revenons à René Hardy( 1911-1987). Il est issu d’une famille bourgeoise conservatrice. Licencié es-lettres, il entre à l’école supérieure d’exploitation des chemins de fer, devient inspecteur de la SNCF. Officier de réserve d’infanterie affecté en Corse, il est démobilisé à Bonifacio le 14 juillet 1940. En poste gare Montparnasse, il fait passer des informations à un contact qui transmet à un agent britannique. Grillé, il est arrêté le [**13 mai 1941*]. Il est incarcéré à la prison maritime de Toulon où il rencontre et devient l’ami de [**Pierre de Bénouville*], lui aussi emprisonné, après une tentative de passage en Afrique du nord. Ce personnage sera mêlé au drame de Caluire… Hardy est libéré, affaibli, le [**27 mai 42*] : il était prisonnier des autorités de Vichy, pas de la Gestapo…
Les éléments du puzzle diabolique de Caluire se mettent progressivement en place… Bientôt, il ne manquera plus que le détonateur…
En juin 43, Hardy est le chef d’une organisation qui couvre une centaine de gares importantes et deux sources de renseignements ferroviaires : l’interception des liaisons téléphoniques allemandes depuis Avignon et la censure postale et télégraphique de Vichy. Pour le compte de Bénouville, Hardy rencontrera à Paris [**Jehan de Castellane*], en rupture avec le fasciste Mouvement social révolutionnaire et qui se rapprochait de la Résistance, et [**Raymond Richard*], membre de l’Abwehr travaillant sous couverture. De ce fait, il est repéré par les allemands. Que cela plaise ou non, les implications de ce repérage sont évidentes : elles auront leur importance dans l’arrestation de Jean Moulin.
Que se passa-t-il entre le[** 11 juin*], date de son élargissement par Barbie, et le drame de Caluire du [**21 juin*] ? Pourquoi Barbie, pas un novice pour sûr, libère-t-il Hardy alors qu’il comprend parfaitement que ce dernier est lié à la Résistance ? Pourquoi cette attitude de Barbie ? Jusqu’à présent, Hardy s’est montré un résistant loyal. Son effondrement total et immédiat devant le boucher de Lyon surprend. Ne peut-on envisager que la trahison volontaire d’Hardy ? A-t-il été manipulé ? Par qui et comment ? La vraie question est celle-ci : directement où non, Barbie avait-il entendu parler d’Hardy AVANT son arrestation dans le train? Autrement-dit : Lydie Bastien était-elle un agent allemand ?! Question terrible, déterminante et tragique. Nous en reparlerons.
Sur ordre de ses supérieurs, [**Edmée Delletraz*] continue son dangereux travail d’espionne double, voire triple. Aux 2 procès, elle affirmera avoir vu René Hardy en compagnie des gestapistes de Lyon quelques heures avant la rafle de Caluire. A partir de là soit elle ment, soit c’est Hardy le menteur…
[**Roger Bossé*], héros de la Résistance et agent de liaison d’Hardy, affirmera avoir déjeuné avec lui à l’heure indiqué par Edmée Delletraz. Le défenseur d’Hardy, maître [**Maurice Garçon*], en profitera pour discréditer cette femme « agent multiple »…
Bien des années plus tard, René Hardy aura cette phrase, lourde de sous-entendus, dans une discussion avec le réalisateur de documentaire [**Claude Bal*] : « Bossé a fait un faux témoignage ? Eh bien, c’est un copain. Un copain qui ment pour te sortir d’un mauvais coup, c’est un gars bien ! »( Cité dans Noguères : La vérité aura le dernier mot, Seuil, 1985, page 135)….
Barbie est un homme très occupé en juin 43, alors pourquoi se déplace-t-il à Chalon récupérer Hardy ce 10 juin 43 ? Il aurait pu, il aurait du se faire livrer l’individu par la gendarmerie allemande. La réponse à la question livre le secret de l’énigme : par Lydie Bastien, il sait tout ! Il réussira même à faire marcher Hardy en lui parlant de représailles contre Lydie et sa famille !! Hardy ne sait pas, alors, que Lydie est un agent allemand… Il le comprendra des années plus tard… Trop tard puisqu’il aura été jugé deux fois et n’aura plus de retour en arrière envisageable.
Les propos de René Hardy concernant son interrogatoire par Barbie sont bizarres :
-Il n’a pas été identifié comme Didot ni même comme résistant
-Il a proposé à Barbie de devenir informateur et l’aurait dupé…
Pourquoi alors les questions de Barbie portent-elles sur les sabotages-fer comme l’affirme Hardy ???? Mensonge d’Hardy, bien évidemment !
Il est arrêté le 21 juin 43 à Caluire, par Klaus Barbie et son équipe dans la maison du
[**docteur Dugoujon*] avec [**Jean Moulin, Raymond Aubrac, André Lassagne, René Hardy, Albert Lacaze, Émile Schwartzfeld*] et [**Bruno Larat.*] Hardy et Aubrac s’évadent, Schwartzfeld et Larat meurent en camp de la mort, Lassagne survivra et reviendra.
Emprisonné à Lyon, Aubry est roué de coups, torturé, soumis à plusieurs simulacres d’exécution. Il craque le 23 juin au matin. C’est lui, semble-t-il, qui révèle que Jean Moulin est l’homme envoyé par De Gaulle pour unifier la Résistance sous le pseudonyme de «** Max*] ». ( voir à ce sujet l’article : [« L’arrestation du Général Delestaint est-elle la cause du coup de filet de Barbie à Caluire ? ».
D’ailleurs la Gestapo de Lyon a pu rédiger un rapport de 52 pages à partir des aveux d’Aubry dans les semaines qui suivent. Le lendemain, Barbie fait une perquisition chez Aubry. Il y découvre un authentique trésor de guerre : quatre millions et tous les papiers de l’armée secrète. Transféré à Paris, il est libéré le [**12 décembre 43*] ! Le colonel Lacaze et le [**Dr Dugoujon*] seront libérés le [**17 janvier 44*]. A la Libération, il entre au ministère des prisonniers et déportés. Témoin au procès Hardy, il est mis en cause par les mémoires de [**Jacques Baumel*]…
Mettons les choses au clair : la libération d’Aubry est invraisemblable vu ce qui a été découvert lors de la perquisition ! Il aurait du subir le sort de Schwartzfeld et des autres : la déportation… Les Allemands le surveillaient-ils déjà ? Ses liens supposés avec eux par certains seraient-ils réels ?… Baumel était-il dans le vrai ?…
Les terribles fautes d’Aubry sont certaines : la négligence (de ne pas avoir averti le général Delestaint et Hardy) et l’imprudence ( une lettre en clair dans une boîte dont la sécurité est douteuse) commises, sont sans excuses. Leurs conséquences furent décuplées par le flair de [**Moog*] et de [**Barbie*] mais, s’il a craqué sous la torture, personne ne peut le lui reprocher : qu’aurions-nous fait dans cette situation ? Nul ne le sait…
Ce qui serait bien plus tragique, ce serait qu’Aubry eut été un agent double, au service de la Gestapo de Lyon ou de l’Abwehr… Jamais Aubry ne fut accusé de trahison, ni d’avoir délibérément livré à la Gestapo le rendez-vous avec le général Delestaint…Il n’en reste pas moins que son rôle apparaît trouble… Encore une fois, on ne peut que le constater… La seule personne qui, en privé, certifiera qu’il était à la solde des Allemands ce sera [**Lydie Bastien*], l’ex-fiancée d’Hardy. Pas vraiment le meilleur témoin de moralité possible…
D’après [**Pierre Péan*], elle se fera payer en bijoux somptueux par [**Barbie*], bijoux volés à des familles juives qui ne survécurent pas à la déportation. Toute sa vie, elle disposera d’un argent fou qu’elle saura faire fructifier… Sans sacrifier les bijoux qu’elle conservera jusqu’à sa mort, malgré un contrôle fiscal sévère… Officiellement, personne ne les retrouvera après son décès à l’hôpital Cochin le 25 février 1994…
Lydie Bastien a participé au trucage du premier procès Hardy, sans le moindre doute. Au deuxième aussi, mais de manière plus discrète. Déjà séparée de René Hardy mais ne voulant pas risquer d’être démasquée, sa solidarité avec lui restera complète… Elle lui aurait envoyer de l’argent alors que, vieux et démuni, il vivait chichement…
La vie de [**Lydie Bastien*], après la guerre, est un véritable roman : elle aura d’innombrables amants, toujours des hommes riches et puissants : [**Ernest Gengenbach*], prêtre défroqué et écrivain surréaliste, un banquier juif russe, [**Samuel Ogus*] (né en 1895, Vilno, Lithuanie), travaillant pour les soviétiques qui finira par se suicider en 1955… Elle partira alors vivre avec un maharaja en [**Inde*], assez vite après l’incident, vendant tout ses biens français, incluses ses fourrures. On la retrouve aux [**USA*] quelques temps après, en relation avec [**Aldous Huxley.*] Puis elle revient en France, où elle fréquentera [**André Maurois*] avant de tenir un bar, « Le boucanier » à Montparnasse, temple de la New wave. Elle était liée à [**Edgar Faure*], à [**René Lacombe*], au dictateur guinéen [**Sékou Touré*]…Elle meurt dans des circonstances troubles, peut-être un suicide du au poison ( elle possédait une bague dont elle disait qu’une cavité intérieure était remplie de curare), voire un assassinat…Elle sera inhumée au cimetière de Thiais dans une tombe à même le sol… Peut-être même une fosse commune devant laquelle se regarderont une douzaine de personnes.. .Fin digne de cette vipère…Ses confidences, recueillies par son exécuteur testamentaire [**Victor Conté*], serviront de trame au livre de Pierre Péan…
Une petite remarque à propos des « voyages » de Lydie Bastien : qu’elle suive un maharaja en Inde, quelques temps, implique un permis de résidence dans le pays et il n’est pas facile à obtenir. Il ne l’était pas plus à l’époque mais, la corruption phénoménale de tout étant monnaie courante sur le sous-continent indien, peut-être l’obtint-elle par son maharaja…Il n’en allait pas de même pour les États-Unis ! Une carte verte (permis de résidence) ne peut pas être donnée comme cela, et pouvait encore moins l’être dans les années 60. Cela nécessitait une protection importante lorsqu’on était une inconnue… Mais Lydie Bastien ne l’était sans doute pas pour les autorités américaines… On n’imagine pas son pedigree ignoré de la CIA ou du FBI : ce serait prendre les services spéciaux américains pour de sinistres imbéciles…Qu’ils ne sont pas!
Il franchira 53 fois la frontière suisse, faisant la navette entre la Résistance Intérieure et la France-Libre ! En avril 44, recherché par la Gestapo, il rejoint Alger via l’Espagne.
Son attitude héroïque lui vaudra les titres de compagnon de la Libération, Grand officier de la Légion d’honneur, la croix de guerre et la médaille de la Résistance. Il est promu général de Brigade a 33 ans. Il s’engagera politiquement auprès du général De Gaulle dès l’après-guerre.
Ce qui nous importe, c’est son attitude au moment du drame de [**Caluire*]. Certains iront jusqu’à prétendre qu’il aurait donné Jean Moulin à l’occupant par calcul politique, accusation terrible s’il en est. Que savons-nous exactement ?
Avec [**Frenay*] il dénonce la tentative du [**général de Gaulle*] de mettre la main sur la Résistance intérieure. Les oppositions à Londres sont encore très fortes à cette époque, que ce soit dans la Résistance ou dans la population. Ce qui augmente la crainte de [**Jean Moulin*] d’une scission de la Résistance intérieure.
Qui a envoyé Hardy à la réunion de Caluire ? Bénouville écrit dans son livre de 1946, « Le sacrifice du matin », que peu de temps avant, Hardy l’a informé de la tenue de la réunion de Caluire suite à l’arrestation du général Delestaint. « Je me réjouis de penser qu’il y serait. Il soutiendra Aubry que Max ( Jean Moulin) attaquera ». Bénouville ne précisera jamais s’il est intervenu dans la désignation de Hardy, qu’aucun des participants à la réunion de Caluire ne trouva normale…
En 2000,[** Laure Adler*] s’entretient avec Bénouville. Quand elle demande : « Qui a demandé à Hardy de participer à la réunion ? », il répond : « les autres camarades ! ». Il ajoutera : « j’ai trouvé normal qu’il y aille »…
Quant à savoir si Bénouville était informé de l’arrestation de Hardy, dans le train Lyon-Paris dans la nuit du 7 au 8 juin 43, sa réponse sera très évasive…Laure Adler lui demande alors :
« -Pourquoi Hardy vous a-t-il menti en vous cachant qu’il avait été arrêté par les allemands ? »
« -C’est vrai, il n’a pas voulu me le dire » et d’ajouter : « je ne savais pas qu’il avait été arrêté ! Je ne l’ai su que quand Hardy me l’a dit »…
Or, dans un télégramme du [**17 juin 43*] adressé par Bénouville à la délégation de son mouvement en Suisse, il est signalé que Hardy ( sous le pseudo de Didot) a été arrêté ! Nous sommes 4 jours avant le drame de Caluire. Le document existe toujours.. .Henri Frenay, à Londres le 30 juin 43, dira la même chose en ajoutant qu’Hardy a été accompagné à la gare par sa fiancée, Lydie Bastien…
Bénouville était-il l’objet d’une surveillance par un agent ennemi ? [**Raymond Richard*], ancien cagoulard, dirigeait un service de renseignement vichyssois qui a traqué les communistes et leurs proches, il a notamment facilité les contacts entre Vichy et l’aile droite de la Résistance. Richard se fit passer pour un membre du réseau Combat alors qu’il appartenait à l’Abwehr depuis juillet 1940 (sous la supervision [**d’Alexander von Kreuz)*] et était aussi membre de la Gestapo… Il tissera des liens assez profonds avec Bénouville et d’autres dirigeants du mouvement Combat… Il ne devait pas ignorer grand-chose des activités de la Résistance…
Ajoutons que Bénouville filera à Toulouse, le jour même de la rafle de Caluire, pour s’y marier et que certains journalistes sont persuadés, qu’apprenant la fin prochaine de René Hardy, il aurait été le supplier d’emporter son secret avec lui… Hardy ne dira rien de plus… Si Bénouville n’a pas trahi, ce que presque personne n’imagine, a-t-il laissé faire, ce qui paraît difficile à envisager vu son comportement de résistant ? Ou, plus simplement, a-t-il été dépassé par les événements ? N’a-t-il pas compris ce qui arrivait ?
Une petit détail concernant Bénouville : dans les années 70, invitée par lui à un cocktail de « Jours de France », [**Lydie Bastien*] lui serre la main… Bénouville lui dit alors, avec un sourire ironique : « Vous prenez de l’importance Lydie… »( référence : Pierre Péan, La diabolique de Caluire 1999).
Un des buts de la réunion de Caluire était de désigner le nouveau chef de l’armée secrète, qui devait être un proche de Combat…
Laissons parler [**Aubry*] :
-«Je suis assis près de la fenêtre, le portail grince, des gens en veste de cuir entrent…C’est la Gestapo ! Hardy sort un pistolet… Nous lui ordonnons de le cacher… La porte s’ouvre… Je me retrouve les mains derrière le dos… Un homme me dit en français : « Alors Thomas, tu avais l’air plus gai hier au pont Morand…».Thomas est le tout nouveau nom de code d’Aubry, donc une surveillance particulière le concernant était mise en place avant la rafle de Caluire.
Les allemands font sortir les cinq ou six femmes présentes car manifestement malades. Max ( Jean Moulin) exhibe une lettre d’un médecin pour se protéger : il a pris ses précautions mais cela ne suffira pas. Aubry au premier étage, comme Aubrac ou le Docteur Dugoujon au rez-de-chaussée, se font passer les menottes après avoir mis les mains derrière le dos, mis en joue par les SS. Les SS alignent le long du mur tous les hommes capturés, inclus ceux de l’étage. C’est là qu’Aubrac voit Hardy… Stupéfaction des conjurés : il n’avait rien à faire là ! L’idée du coup fourré sera immédiatement envisagée par tous les résistants. Leur inquiétude s’aggrave lorsqu’ils se voient tous menotter sauf Hardy qui est simplement tenu par Stengritt à l’aide d’un cabriolet( cercle de fer refermé sur les poignets et tenu par le garde)…
Laissons Hardy raconter son évasion :
« Quand mon gardien voulut me faire monter dans une traction, il ouvrit d’une main la portière. Je le déséquilibrai, lui fit un croc-en-jambe et lui claquai la portière au visage. Il s’écroula sur l’aile, lâchant le cabriolet. Je m’enfuis. Des témoins, sur la place Castellane, me virent zigzaguer entre les arbres. J’entendais les balles siffler. Je fus touché et fléchis sous le coup… Les allemands abandonnèrent la poursuite alors que je dévalais la Montée Castellane »…
Qu’est devenu Hardy ? Selon ses affirmations, longeant les berges de la Saône, il se fit aider par deux cyclistes qui le déposèrent chez des amis, les Damas, où il fut arrêté par des policiers français. Il fut transféré le lendemain à l’hôpital de l’Antiquaille où [**Lucie Aubrac,*] persuadée de la culpabilité d’Hardy, essaya de le faire empoisonner, dès le 24 juin, en lui faisant parvenir un paquet de nourriture avec un pot de confitures bourrées de cyanure. Hardy demanda que l’on analyse le pot… Ce qu’il n’aurait jamais fait s’il avait eu la conscience tranquille : il ne ne serait pas méfié des autres résistants. Le 28 il est livré aux allemands.
A l’hôpital de la prison de la Croix-Rousse, il s’échappe à nouveau, durant la nuit du 3 août, dans des conditions rocambolesques : « Je m’évadai en faisant sauter le cadenas de ma fenêtre. Ma chambre était au-dessus des garages donnant sur une cour fermée par un portillon et un portail. Je sautai par cette fenêtre et me trouvai dans la cour d’où je me hissai sur le portillon pour me retrouver dans la rue »…
Cette fois, trop c’est trop ! On n’échappe pas deux fois de suite à la Gestapo. C’est parfaitement invraisemblable. Tout le monde le savait à l’époque…
Hardy fuira Lyon le 4 août pour aller chercher refuge, en compagnie de Lydie Bastien, dans le Centre. Il réussiront à atteindre Alger au moment du débarquement de Normandie… Lydie Bastien quitta René Hardy après le premier procès. Si les mémoires de[** Baumel*] et de [**Bourdet*] désignent Henri Aubry comme le traître de Caluire, [**Henri Frenay*] et [**Maurice Chevance*] soulignent les mensonges répétés de Hardy. René Hardy devint écrivain dans les années 50 mais mourut dans la gêne en 1987…
Lorsque Barbie eut identifié Jean Moulin comme Max, le 24 juin, il le tortura. Sorti a demi mort de cet interrogatoire musclé, transféré dans un état lamentable à Paris, il y fut confronté avec le [**général Delestaint*] qui le vit allongé sur un divan, le crâne enveloppé de pansements, le visage jauni et meurtri, respirant faiblement, seuls les yeux paraissaient vivre en lui… Il n’avait pas parlé…
Officiellement Jean Moulin a été trouvé mort le 8 juillet 43 dans le train Paris-Berlin arrêté en gare de [**Metz*]. Un acte de décès allemand, daté du 8 juillet 43, indiquant Metz comme lieu de décès, fut rédigé SIX MOIS PLUS TARD : le 3 février 44.
Quant au certificat de décès, il est rédigé le 25 juillet 43. Ce qui laisse des doutes sur les circonstances de la mort de Jean Moulin.
Le 9 juillet 43, le corps « d’un ressortissant français décédé en territoire allemand », (Jean Moulin?), est rapatrié à Paris-Gare de l’Est et immédiatement incinéré. L’urne contenant ses cendres est déposée au Père-Lachaise. Elle sera transférée au Panthéon le 19 décembre 1964…
[**Tout et son contraire a été dit, écrit et imaginé après-guerre sur le drame de Caluire. Que peut-on ESSAYER de conclure ?*]
D’abord, la situation particulière de la France occupée : l’idée répandue qu’il n’y eut jamais de véritable occupation du territoire national avant la défaite de 1940 est fausse car, après Waterloo, le nord et l’est du pays furent occupés par les Alliés jusqu’en 1818, sans trop de problèmes. La guerre franco-prussienne de 1870 fut suivie d’une occupation partielle du pays jusqu’au payement des indemnités de guerre exigées par Bismarck ( 1873/75). Les Prussiens aidèrent Thiers à écraser la Commune en libérant des prisonniers de guerre, immédiatement incorporés dans les armées de Versailles…Ceci expliquant largement l’attitude des troupes de Versailles dans l’anéantissement des communards. Entre 1914 et 1918, la Belgique et une partie du nord de la France furent occupés. Exista une Résistance organisée, une répression violente et beaucoup de condamnations à mort suivis de mise au mur et d’exécutions des patriotes mais pas la torture ni les camps de la mort…
Ensuite, la manière de raconter des historiens aidant, l’adolescent, ou le jeune adulte qui étudie cette période a le sentiment que tout était blanc ou noir. Ce qui est manifestement faux au-regard de la réalité de l’époque : les contacts entre Résistants et collaborateurs étaient quotidiens, tout était donc GRIS…
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le manichéisme n’a existé que chez les fanatiques et sur les champs de bataille où il fallait tuer, sous peine d’être tué. Au jour le jour, la réalité était plus complexe.
Alors la valeur des hommes dans cette tragique aventure ? Elle dépendait des circonstances, des rencontres, de la chance et des aléas de la vie: combien d’hommes raflés à la sortie du métro et déportés en représailles d’un allemand abattu dans le métro ?? Combien d’otages arrêtés au coin d’une rue et fusillés, sous le prétexte le plus futile ??
« Qui sème le vent récolte la tempête » dit le proverbe : à l’heure de la vengeance, en 1945, les Allemands comprendront ce que cela signifie…
Malheureusement, peu de Résistants de la première heure verront la Libération. Dans ces conditions, la survie individuelle devenait prioritaire. Même au cœur de la Résistance, l’idéal ne suffisait pas toujours : combien ont craqué sous la torture ? Et combien ont craqué à la seule idée de la torture ? On comprend mieux ainsi les tourments, les doutes, les incertitudes de ces individus…
Alors Caluire ? Un enchaînement de faits qui n’auraient pas du finir ainsi : que l’on pense que le retard de [**Jean Moulin*] correspond, très exactement, à celui de la Gestapo qu’Edmée Delletraz tentait de retarder… Ces terribles 45 minutes qui marqueront l’Histoire de la Résistance…
Les personnalités sont plus marquées : le bourreau [**Klaus Barbie*] aurait du être liquidé par les Français dès 1945/46. Il s ‘en sortira bien facilement, alors que certains de ses collaborateurs ont été fusillés ([**Dunker*])ou condamnés ([**Stengritt*]).
Mais du côté de la Résistance ? Aujourd’hui, il nous apparaît incroyable que [**Lydie Bastien*] soit passée au-travers : une simple perquisition chez elle, à la Libération, eût révélé toutes ses malversations : argent et bijoux volés, photographies compromettantes, lettres douteuses…Seulement voilà : on ne fit rien contre elle. Officiellement, elle ne fut même pas soupçonnée… A croire qu’elle avait de sacrées protections !
Les circonstances ont permis l’acquittement, au bénéfice du doute, de [**René Hardy*] mais presque personne ne croit encore en son innocence…Tout est flou en ce qui concerne Aubry qui ne fut jamais inquiété…Quant à Bénouville, personnage très influent de l’après-guerre, les conjectures sont multiples…
[**Bibliographie*] :
Henri Michel : Jean Moulin l’unificateur, Paris Hachette 1964
Henri Calef : Jean Moulin une vie Paris Plon 1980
Laure Moulin : Jean Moulin, Paris, Presses de la cité 1982
Daniel Cordier, Jean-Pierre Azéma, François Bedarida : Jean Moulin et le Conseil national de la Résistance, Paris CNRS, 1983
René Hardy : Derniers mots, mémoires Paris, Fayard 1984
Henri Noguères : La Vérité aura le dernier mot, Paris, Le Seuil1985
Daniel Cordier : Jean Moulin, l’inconnu du panthéon, Paris, Lattès, 1989/93
Charles Benfredj : L’Affaire Jean Moulin, la contre-enquête Paris, Albin Michel 1990
Pierre Meunier : Jean Moulin mon ami, Précy-sur-thyl, éditions de l’armançon
Pierre Péan : Vies et morts de Jean Moulin Paris, Fayard 1998
Pierre Péan : La Diabolique de Caluire. Paris Fayard 1999
Daniel Cordier : Jean Moulin, la République des Catacombes Paris Gallimard 1999
Jacques Baynac : Les secrets de l’affaire Jean Moulin, archives inédites sur la Résistance Paris le seuil 1998
Francis Zamponi, Nelly Bouveret et Daniel Allary : Jean Moulin, mémoires d’un homme sans voix éditions du chêne, 1999
Jean-Pierre Azéma : Jean Moulin face à l’histoire, Paris Flammarion, 2000
Jacques Baynac : Présumé Jean Moulin (juin40-juin43) esquisse d’une nouvelle histoire de la Résistance, Paris, Grasset, 2003
Michel Quint : Max, Paris, Perrin, 2008
Christine Levisse-Touzé et Dominique Veillon: Jean Moulin, artiste, préfet, résistant, Taillandier 2013, Paris
Thomas Robino, L’autre Jean Moulin, l’homme derrière le héros, Paris, Perrin 2013
Jacques Gelin : L’affaire Jean Moulin : trahison ou complot ? Paris, Gallimard 2013
Alexandre Adler : Quand les Français faisaient l’Histoire, Paris Grasset 2014
Pierre Péan et Laurent Ducastel : Jean Moulin, l’ultime mystère, Paris, Albin Michel, 2015
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WUKALI 09/08/2017 (Précédemment publié le 07/01/2017)