Scientific and feminine elites in a very famous French academic institution


Femmes et sciences dans les fonds patrimoniaux de la bibliothèque de l’Ecole des mines

Quelle place pour les femmes dans la science du XVIIIe au début du XXe siècle? C’est le thème de l’exposition présentée à l’École des Mines à Paris. Une exposition prolifique tout à la fois historique, sociologique et culturelle. Dans la sphère générale de la recherche historique, les dixhuitièmistes modernes nous avait certes révélé les personnalités attachantes de ces femmes fortes du Siècle des Lumières, de [**Madame du Châtelet*] à [**Marie-Anne Pierrette Paulze*], épouse et collaboratrice de [**Lavoisier*], puis plus tard au dix-neuvième siècle [**Sophie Germain*], brillante mathématicienne dont un théorème d’ailleurs porte le nom, mais aussi physicienne et philosophe, et [**Marie Curie*] bien entendu. L’exposition de l’École des Mines explore quant à elle ses propres ressources documentaires et patrimoniales. C’est quasiment une vision structuraliste de la recherche historique ciblée sur l’histoire même de l’École des Mines dont la fondation, rappelons le remonte à [**1783*].

C’est ainsi que l’on découvre avec étonnamment et stupéfaction les pesanteurs inhérentes aux mentalités de l’époque qui empêchaient les femmes de travailler dans les mines et pas pour les raisons que l’on croit. Les archives* sont éclairantes, «ainsi en mars 1931, le conseil de l’École reçoit une première demande d’une femme qui souhaite participer aux épreuves du concours d’entrée. Une discussion s’ouvre au sujet de son éventuelle admission et la majorité des membres repousse cette demande (9 voix contre, 2 voix pour) en avançant plusieurs arguments.

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Le Conseil s’appuie notamment sur le Code du travail qui interdit depuis 1874 l’emploi de femmes dans les travaux souterrains des mines et carrières. Impossible dès lors, selon certains professeurs, que les femmes participent à des cours et des voyages obligatoires du cursus scolaire : « (…) les candidates seraient donc obligées comme tous les autres élèves de suivre le cours d’exploitation des mines et d’effectuer les visites réglementaires de mines (…) ».

[**Alfred Liénard*], alors directeur, écrit au Ministère du travail pour obtenir confirmation de cette interprétation de la loi qui s’opposerait à la formation de femmes ingénieures. Or, la réponse du Ministre est pour le moins embarrassante : une femme ingénieure exerçant des fonctions de direction peut n’être jamais amenée à travailler sous terre et ne tombe donc pas sous le coup de la loi. Enfin, il faut noter que les membres du Conseil passent sous silence les nombreux débouchés qu’offrent les autres secteurs d’activité que l’industrie minière et métallurgique, pour les ingénieurs des mines.

L’argument principal est le conservatisme social, plus ou moins assumé, des membres du Conseil. Les femmes « ont tort de s’orienter vers les carrières où elles seront appelées à commander des ouvriers » lit-on dans le compte-rendu.»*

Stupeur et tremblements ne dirait pas Amélie Nothomb, qui est belge !


Il faudra attendre et la fin du dix-neuvième siècle et le début du siècle suivant pour voir trop lentement émerger certes, des élites scientifiques féminines. Avec le développement de l’instruction publique et surtout la laïcisation de la société et de l’enseignement, des barrières ont enfin pu être surmontées. La loi de séparation des églises et de l’état de 1905 aura en l’espèce été un moment déterminant dans la société française pour une remise en cause d’un statut social discriminant considéré depuis la nuit des temps comme« normal». Ne nous leurrons cependant point, en effet si l’égalité homme-femme est aujourd’hui proclamée, tant et tant reste cependant à faire pour faire évoluer les mentalités. Même dans des cercles évolués, des pesanteurs machistes d’un autre âge subsistent et la liberté, l’égalité et la justice demeurent à jamais un combat.

Cette exposition se fonde sur une enquête dans les fonds patrimoniaux de la bibliothèque de l’École des mines et permet de révéler une présence certes fort discrète, mais révélatrice de leur rôle sur cette période.

Le parcours de cette exposition propose un aperçu de la manière dont elles ont pris part à la recherche, comment leurs contributions et travaux ont été connus et même reconnus dans des disciplines aussi diverses que les mathématiques, la chimie, l’astronomie ou les sciences naturelles, parmi lesquelles la science des mines.

Les temps ont changé et des changements réglementaires ont fort heureusment modifié la donne

Fin 1968, l’École des mines de Paris*« réfléchit à une nouvelle politique d’admission des élèves. Elle doit prendre en compte le développement des centres de recherche, les nouveaux statuts des enseignants-chercheurs. Par décret du 10 octobre 1968, l’École élargit son recrutement aux diplomés des universités titulaires de DUES (Diplôme universitaire d’études supérieures). On sélectionne parmi les candidats les meilleurs dossiers, puis ils passent un entretien. Leur admission sur titres peut se faire en première ou seconde année du cycle.

Au départ institué de manière expérimentale à la rentrée 1969, ce dispositif est reconduit les années suivantes. Les femmes bénéficient de ces changements réglementaires. Dans la foulée, les modalités d’accès au concours sont refondés. Pendant la séance du Conseil de perfectionnement du 12 novembre 1969, la Direction des études décide officiellement d’ouvrir le concours aux femmes :

« Supprimer en ajoutant au texte de l’art.2.2 : Les candidatures féminines sont acceptées« .

Cette mesure devient effective pour le concours de 1970. Mais la première femme à arpenter les couloirs de l’école, [**Françoise Becouarn*], est admise en [**1969.*] Bien que finalement démissionnaire l’année suivante, elle ne passe pas inaperçue parmi ses camarades.»*


Il serait particulièrement intéressant au demeurant de découvrir la même recherche thématique au sein des autres fleurons de notre système d’enseignement dans toutes ses diversités et composantes.

Cette exposition [**Femmes et sciences dans les fonds patrimoniaux de la bibliothèque de l’Ecole des Mines*], est visible à la bibliothèque des Mines de Paris, du 31 août au 20 décembre 2017, du lundi au vendredi de 9h à 18h30, 60 Boulevard Saint-Michel, 75006 Paris

[**Pierre-Alain Lévy*]

*Archives documentaires de l’École des Mines


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WUKALI 03/09/2017

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