Lust and prejudice in men’s eyes
Léontine dite Tine (ce n’est que plus tard qu’un homme préfèrera la surnommée Tina) fuit son village, sa mère, son univers. Tine fuit la violence des hommes qui se sont érigés en juges. Ils veulent la condamner car elle a aimé, passionnément, charnellement, un lieutenant allemand. Et à la fin de la guerre, les vrais et faux résistants assimilent cela avec la collaboration.
Tine fuit jusqu’à Toulouse, la grande ville, là où elle est inconnue, là où sa « faute » est inconnue. Elle se réfugie dans une institution religieuse où personne ne la juge, ne la critique, ne lui demande strictement rien, même pas de faire acte de contrition. Seul Dieu la jugera car lui seul la connaît, connaît sa sincérité.
Tine en partira pour aller travailler dans une boulangerie, rencontrera un homme qui la charmera grâce à ses mots, à sa connaissance de la poésie. Tine, comme lui avait conseillé sa grand-mère, ne rêve que de robes, que de bals où elle pourra danser. Mais elle est naïve et ne voit pas le mal. Heureusement pour elle, ses « anges gardiens » veillent sur elle, et si elle arrive à éviter la méchanceté des hommes, Tine continue de fuir.
Tine est victime des hommes, mais surtout elle est victime des hommes et de leur concupiscence, car elle est belle, très belle. Dans la rue, les hommes se détournent à son passage, la sifflent, l’interpellent. Elle se sait belle avec sa belle chevelure rousse. Ces cheveux qui attirent le regard, ces cheveux que sa grand-mère cachait sous un chapeau. D’ailleurs, le seul bagage que Tine emporte avec elle lors de chaque fuite est une boîte à chapeau. Les cheveux, symbole de féminité et de sensualité depuis la nuit des temps. Sous l’antiquité, dans nos sociétés occidentales une femme « bien » avait toujours les cheveux couverts. Un édit de Saint Louis avait interdit aux prostituées d’avoir les cheveux couverts. Ce n’est que très récemment que le chapeau féminin a perdu ce « statut » de « bonnes mœurs ». Il suffit de voir l’actualité pour se rendre compte que certaines sociétés perçoivent toujours la chevelure comme un instrument d’attrait sexuel. Non seulement Tine a une chevelure opulente, mais en plus elle est rousse. Or le roux, depuis la nuit des temps est le symbole du mal. Il suffit de penser à Seth, à Judas, aux Spartiates qui tuaient leurs enfants roux, etc.
Tine est une jeune femme qui veut vivre, qui veut aimer, qui est aimée, mais qui porte en elle la malédiction de sa beauté. Alors, certains veulent la dominer, la briser, abuser d’elle. Les hommes face à la beauté font une sorte de complexe d’infériorité, leur cerveau reptilien les pousse à montrer leur puissance de « Mâle » et font tout pour la détruire afin de reprendre leurs positions de dominant. Encore de nos jours, dans notre société dite « évoluée », combien de femmes sont victimes de cette attitude des hommes ? Là encore l’actualité nous démontre la permanence de ce phénomène.
Tine est aussi et surtout un roman sur la solitude inhérente à la nature humaine. Tous les personnages de ce roman sont enfermés dans leurs blessures et se retrouvent seuls. Grâce à Tine, pendant un court moment de leur vie, cette solitude est moins présente, mais dès qu’elle peut, alors, celle-ci les reprend. Certains veulent son corps, mais jamais que son corps, ils veulent être avec Tine, car sa simple présence calme leurs blessures. Tine n’est pas, loin de là, une sorte d’Amélie Poulain qui distribue du bonheur autour d’elle, non, elle est bien plus que cela, elle est bien plus humaine, elle est elle, veut vivre mais est victime de cet envie de vivre et de sa beauté.
Ce court roman de [**Christian Laborde*], d’une grande profondeur, est servi par une écriture poétique d’une grande finesse qui rend sa lecture particulièrement agréable.
[**Tina
Christian Laborde*]
éditions du Rocher. 14€90
mise en vente en librairie le 10/01/2018
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WUKALI 05/01/2018)]