Plunged into the city of subterfuge and of fake realities
Le véritable titre de ce roman de [**Michel Paulet*] publié aux éditions Thierry Marchaisse est : Si j’ai le cœur étroit, à quoi sert que le monde soit si vaste ; phrase dite par un personnage, Vahik, un moine arménien. Et de fait, cette phrase, ce titre, est un parfait résumé de ce livre. L’action a beau se passer à Venise, ce n’est pas la beauté qui irradie le lecteur, mais sa nostalgie, son côté « irréel », sa laideur derrière ses façades décrépites qui sont les témoignages des beautés de son passé. « Que c’est triste Venise au temps des amours mortes » chantait Aznavour. Oui, Il peut se dégager un très grand sentiment de tristesse de Venise, même si les amours ne sont pas mortes. Cette tristesse est avant tout due, à la présence continue de la mort inéluctable transpirant de la décadence physique de la cité des doges. Et que dire de Venise l’hiver, voir juste avant l’été. Le gris du ciel ne rend pas les âmes particulièrement optimistes.
Avril/mai 1978, Isidore, enfin X dont le surnom est Isidore, un petit voyou ,visite Venise avec L.J. (Louis Jean), un amoureux de cette ville dont il connaît les moindres recoins, l’histoire de chaque tableau, de chaque fresque, de chaque palais. L.J., un philosophe socratique totalement alcoolique. L.J. Une sorte de Panglosse qui sert de cicérone à une sorte de Candide. Ils rencontrent une connaissance de L.J., Livia une (fausse ou vraie ?) comtesse, totalement imprévisible mais tellement séduisante qu’il en tombe amoureux. L’argent, comme l’alcool, coule à flot. Lors d’une visite au cimetière de San Michele, il repère la tombe d’une femme, Nina, « née en Sibérie », décédée en 1886 à Venise. Qui était-elle ? Quel âge avait-elle ? Pourquoi sa tombe est encore entretenue ? Isidore se lance dans une quête pour essayer de reconstituer l’histoire de cette femme.
Pris dans son enquête, dans l’alcool, dans son amour, il ne perçoit pas que ses compagnons ne sont pas là que pour faire du tourisme. Il ne prête aucune attention à la réalité de l’Italie, déchirée par les Brigades rouges et par l’enlèvement d’[**Aldo Mauro*]. Mais c’est ça, aussi la magie de Venise où l’on ressent : « cette impression étrange de vivre une autre vie, dans un autre monde où l’on éprouve quotidiennement une magie unique dont on ne peut pas plus se passer que d’une drogue dure. »
Ce n’est que bien plus tard qu’il comprendra qu’il a été utilisé par Livia et J.L, qu’il comprendra que l’histoire de Nina, telle qu’il a pu la reconstituer, n’était pas la vérité, ou tout au moins l’exacte vérité, sans qu’il puisse bien percevoir la part du vrai et du faux. Mais une histoire qui correspond avec ce qu’il voulait qu’elle soit. Venise est avant tout la cité des mensonges, des masques, des faux fuyants, ce qui y paraît évident, vrai n’est-il pas qu’un faux-fuyant, un paravent, un simple décor ? La réponse c’est Vahik, le moine amoureux qui nous l’offre, en voyant la photographie de la tombe de Nina, il se dit : « je suis surpris que la photographie soit plausible et qu’elle mente de façon parfaite. ».
Pour résumer l’ambiance, l’atmosphère qui se dégage de Si j’ai le cœur étroit, je me permets de faire encore une citation tirée du livre qui se suffit à elle-même : « Il y a une limite à la cruauté des hommes, c’est la cruauté de Dieu ».
[**Si j’ai le cœur étroit
Michel Paulet*]
éditions Thierry Marchaisse. 21€
[(
– Cet article vous a intéressé, vous souhaitez le partager ou en discuter avec vos amis, utilisez les icônes Facebook (J’aime) ,Tweeter, + Partager, positionnées soit sur le bord gauche de l’article soit en contrebas de la page.
– Retrouvez toutes les critiques de LIVRES parues dans WUKALI
– Retrouvez tous les articles parus dans toutes les rubriques de Wukali en consultant les archives selon les catégories et dans les menus déroulants situés en haut de page ou en utilisant la fenêtre «Recherche» en y indiquant un mot-clé.
Contact : redaction@wukali.com
WUKALI 26/01/2018)]
