Intelligence matters
Les éditions Perrin viennent de publier le premier dictionnaire relatif au renseignement. Et oui, le premier, ce qui peut paraître quelque peu « bizarre », tant on parle de « renseignement » de nos jours, sans bien savoir ce que tout un chacun met dans ce concept. Combien confondent renseignement et information ? On ne les compte plus et dieu sait que ces deux termes, même s’ils sont proches, ne sont pas du tout des synonymes. Il suffit de se rappeler de l’humiliation ressentie par les policiers qui travaillaient au sein des Renseignements généraux quand, du jour au lendemain, du fait du prince, ils se retrouvèrent dans un service dont la dénomination était « information générale ». Et, pour couronner le tout, ce même service a disparu quand le pouvoir politique s’est rendu compte qu’il était nécessaire que l ‘État dispose d’un service de renseignement couvrant tout le territoire national, présent dans tous toute la métropole et les départements et territoires d’outre-mer. Ces mêmes policiers maintenant travaillent au renseignement territorial. Et ce n’est pas que de la sémantique car leurs missions s’en sont trouvées élargies.
Dans sa préface, le préfet [**Hugues Moutouh*] définit le périmètre de ce concept pris en compte pour l’élaboration de ce dictionnaire. De fait, et de part ses fonctions de président de la société Kairos, spécialisée dans le renseignement stratégique, l’angle d’attaque est avant tout militaire et tourné vers l’extérieur. Il a une fonction avant tout opérationnelle comme le relève le Livre blanc de la défense nationale de 2013 : le renseignement « sert autant à la prise de décision politique et stratégique qu’à la planification et à la conduite des opérations au niveau tactique. Au-delà, il éclaire notre politique étrangère et notre politique économique. » C’est dire que le renseignement n’est pas utile mais nécessaire à la politique d’un État. On ne vit pas en monde clos mais dans un univers de plus en plus « ouvert ».
Depuis la nuit des temps, les états ont « employé » des agents de renseignement. Souvenons-nous du [**Chevalier d’Éon*], sans compter le rôle très important de [**Beaumarchais*] lors de la guerre d’indépendance des États Unis d’Amérique.
Mais comme le précisent à plusieurs reprises les auteurs, le renseignement est nécessaire, mais ce n’est pas lui qui en dernière instance qui doit emporter la décision politique, il ne fait que l’éclairer.
Le principal reproche que l’on peut faire sur ce dictionnaire, pourtant assez « imposant » est l’absence d’entrée concernant le renseignement économique (voire social bien que cet aspect soit rapidement traité à l’article sur les Renseignements généraux) et ses conséquences négatives qu’il peut avoir à court ou à long terme. Ainsi on est en droit de s’interroger sur l’absence de « l’intelligence économique ». L’espionnage actuel porte bien plus sur les brevets et « secrets de fabrique » que sur le matériel militaire de telle ou telle armée. Et l’intelligence économique, elle aussi, trouve ses racines dans l’histoire. Il n’y a qu’à penser aux manœuvres de [**Colbert*] pour faire venir en France les fabricants de miroirs de Venise pour la Galerie des glaces. Ce sont des millions de Louis qui ont été ainsi économisés.
Hormis ce petit reproche, on ne peut que se réjouir de la qualité de chaque entrée, toutes rédigées par des connaisseurs reconnus du monde du renseignement. C’est un vrai plaisir de venir « butiner » dans ces 830 pages ou de rechercher une étude synthétique et profonde d’un des éléments entrant dans ce vaste domaine qu’est le renseignement.
A titre personnel, mais ce n’est que mon goût en quelque sorte, je préfère les dictionnaires qui ont deux parties : les noms communs et les noms propres. Et oui je fais partie de ces dinosaures élevés au Petit Larousse, et force est de constater qu’actuellement tous les dictionnaires « thématiques » ( pensons à la magnifique collection des « Dictionnaires amoureux de… ») mélangent allégrement concepts et biographies. Mais ce que je dis, enfin plutôt écris, n’engage strictement que moi et si les éditeurs procèdent ainsi, c’est qu’ils répondent à la demande de la majorité du public et c’est très bien ainsi.
[**Dictionnaire du renseignement*]
Sous la direction d'[**Hugues Moutouh*] et de [**Jérôme Poirot*]
éditions Perrin 29€
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WUKALI 01/04/2018)]