THz Technology applied to works of art


Une peinture du XVIIème siècle observée et décryptée dans ses profondeurs par une technique d’imagerie innovante déjà utilisée dans l’industrie, les ondes térahertz, une technique encore dans son enfance et déjà prometteuse. Rendre visibles et perceptibles les éléments constitutifs d’une oeuvre afin de l’authentifier ou de mieux la comprendre et de pouvoir ainsi la restaurer en respectant son histoire, tel est le souhait des conservateurs et la gageure des scientifiques.

Une équipe franco-américaine du laboratoire Georgia Tech-CNRS implantée sur le site de Georgia Tech Lorraine* et co-dirigée par les Drs. [**Alexandre Locquet*] et [**David Citrin*], a développé une technique innovante de contrôle non-destructif utilisant le rayonnement térahertz et l’a exploitée pour analyser en profondeur une huile sur toile du XVIIe siècle, conservée au Musée de La Cour d’Or à Metz. (Junliang Dong, Alexandre Locquet, Marcello Melis & D. S. Citrin, “Global mapping of stratigraphy of an old-master painting using sparsity-based terahertz reflectometry”)

L’œuvre soumise à l’analyse térahertz est une Vierge en prière, attribuée à l’atelier de [**Giovanni Battista Salvi da Sassosferrato*].

Olécio partenaire de Wukali

Les ondes térahertz constituent un rayonnement électromagnétique oscillant à des fréquences 1000 fois plus élevées que celles utilisées par les téléphones portables ; elles ont la propriété de pénétrer bon nombre de matériaux et permettent de révéler leurs caractéristiques internes.

Jusqu’à présent le recours à l’utilisation de ondes térahertz était utilisé notamment dans des domaines industriels et tout particulièrement celui de l’exploration pétrolière afin de détecter les couches géologiques sédimentaires. C’est une technique d’imagerie dite non-invasive ce qui signifie qu’elle n’a aucun effet corrosif délétère ce qui la rend particulièrement subtile d’emploi.

Dans le domaine de cette recherche par exemple, elle permet de découvrir et de mettre à jour les couches successives de pigments de peinture posées par l’artiste voilà des siècles, de remonter ainsi progressivement jusqu’à la trame de tissu. Pour les experts en histoire de l’art, les conservateurs de musée, c’est un progrès considérable, en effet cette technique d’imagerie permet ainsi de découvrir les restaurations qui ont pu intervenir sur un tableau. On imagine aisément son utilisation à venir pour apporter des réponses dans des recherches d’origine qui opposent des experts et font les choux gras de l’actualité.

L’analyse de ce tableau par imagerie térahertz a permis de révéler l’ensemble des couches de peinture appliquées successivement par l’artiste pour réaliser son œuvre. Des craquelures, inhérentes à tout œuvre peinte, ont été également identifiées et l’existence d’une restauration ancienne, peu perceptible à l’œil nu, a été confirmée.S’il existe d’autres techniques d’analyse non destructive applicables aux oeuvres d’art, aucune ne permet de révéler de façon similaire la stratigraphie globale d’une peinture.

Les résultats obtenus par les équipes de Georgia Tech-CNRS et du Musée de La Cour d’Or constituent un nouveau paradigme dans l’analyse scientifique des peintures anciennes. La possibilité d’analyser en profondeur et de façon non-destructive les différents éléments constitutifs d’une peinture, donne accès à une foule d’informations nouvelles qui vont aider à l’étude de la technique de l’artiste, à l’authentification des œuvres ainsi qu’à leur conservation et à leur restauration.

Dans l’entretien donné au magazine américain Phys Org, les chercheurs détaillent la méthodologie employée. Ils ont ainsi utilisé un scanner commercial. Ce dernier est implémenté d’un générateur d’ondes électromagnétiques. Des parties du faisceau généré et réfléchies par la peinture, produisent des signaux de chaque couche lorsque le scanner se déplace selon un motif tramé similaire à celui utilisé pour créer des images de télévision. Ensuite, un ordinateur utilisant une technique de traitement de signal connue sous le nom de déconvolution temporelle basée sur la densité spatiale a ensuite traité les données, séparant les signaux réfléchis par chaque couche pour construire une carte tridimensionnelle de l’image. Le support de toile, la trame, le fond, l’imprimatura, le sous-laquage, les couches picturales et de vernis ont été identifiés, ainsi qu’une restauration du vernis précédemment inconnue.

«Notre technique est similaire à celle qu’on utilise en sismologie pour identifier les différentes couches géologiques, explique le professeur Citrin, dans ce domaine les spécialistes des sciences de la terre envoient une onde acoustique et en mesurent l’écho. De même nous avons procédé à l’émission d’une radiation électromagnétique d’une fréquence d’un térahertz et nous avons observé sa réflexion sur les différentes couches, ce n’est ni plus ni moins de la stratigraphie.»

«Cette technique innovante est particulièrement fine et permet de mettre à jour des couches allant jusqu’à 20 microns d’épaisseur alors que sans cette technique de traitement du signal on ne pourrait que détecter des couches d’une épaisseur de 100 à 150 microns. Cela est d’autant plus difficile pour les peintures d’avant le 18ème siècle tant les couches de peinture sont fines, précise le professeur Citrin. Il faut ainsi coupler les ondes terahertz avec le traitement du signal pour faire la différence». Last but not least, il ajoute: «l’utilisation de cette technique peut être mise en place assez rapidement, en outre elle n’est pas chère», les auditeurs de la Cour des comptes doivent se retourner d’aise !

Le compte rendu de cette étude a fait l’objet d’une publication dans le magazine scientifique Nature

Les radiations terahertz permettent d’aller au coeur de la matière picturale et peuvent ainsi complémenter les autres techniques d’imagerie telles les rayons X ou la résonance magnétique nucléaire.

La technique d’imagerie térahertz développée par l’équipe de Georgia Tech-CNRS peut s’appliquer à d’autres œuvres d’art. Après avoir étudié une monnaie byzantine corrodée par une oxydation, l’équipe travaille actuellement sur des croix médiévales en plomb qui résistent à l’analyse par rayons X, ainsi que sur une reproduction de fresque murale réalisée en Italie par le dernier restaurateur de Giotto.

Pour le professeur Alexandre Locquet, l’imagerie terahertz n’en est qu’à ses balbutiements et ses applications seront manifestement très prometteuses.

La science au service de l’art, mais ne sont-ce point là deux termes, deux segments correspondant à une même identité, le génie humain, nous ne cessons de le dire, haut et fort !

[**Pierre-Alain Lévy*]
avec la collaboration du service communication de Metz Métropole


🙂Pour en savoir davantage sur les ondes térahertz:

Le Térahertz décrypté

Les ondes électromagnétiques térahertz


*Georgia Tech est l’antenne européenne du Georgia Institute of Technology d’Atlanta (Georgie. USA), cette université est installée à Metz depuis 1990.


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WUKALI 15/12/2017)]

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