About nakedness in the society


Les [**éditions Robert Laffont*] viennent de créer voilà peu une nouvelle collection appelée « Nouvelles mythologies  » et dont l’objet est «d’ interroger la norme, la représentation, les poncifs, révéler, au-delà de leur apparence évidente, la construction sociale qui les sous-tend». Elle est dirigée par [**Mazarine Pingeot*] et [**Sophie Nordmann*]. Une façon utile d’étudier les phénomènes sociaux, les mythes et croyances que toute société invente, afin de recréer le « vivre ensemble », et dégager les vraies fondations du « contrat social ». Bien sûr, la théorisation de ces faits ne peut être parfaitement conceptualisée que dès lors qu’ ils n’existent plus. Mais la société en fait toujours référence, les utilise, sans s’apercevoir qu’ils n’ont aucune véritable signification dans le temps présent. Ainsi, le concept de « nation » si utile pour expliquer l’histoire du XIXè et du XXè siècle est toujours employé à tort et à travers alors qu’il n’a plus du tout le même contenu à l’heure de la mondialisation des hommes, des marchandises et surtout des idées. Il est même devenu un synonyme de « patrie », alors qu’à la base ces deux termes étaient assez antithétiques, l’un allemand, l’autre français, l’un de « droite », l’autre de « gauche », etc.

Un des premiers volumes publiés voila quelques mois dans cette collection concerne la nudité. Il a été confié au journaliste d’investigation [**Hubert Prolongeau*] auteur entre autres livres de « Ils travaillent au noir » sur le travail dissimulé ou de « Sans domicile fixe » sur la vie des sans-abris. Il s’était fait remarquer par un article paru dans le Nouvel Observateur concernant une « randonue » (randonnée pédestre dans la nature… tout nu, à l’exception des chaussures et des chaussettes de marche et d’un couvre-chef).|right>

Il s’interroge sur les raisons d’être de la nudité, pourquoi, comment ? Il fixe son étude dans le cadre des sociétés occidentales, essentiellement européennes avec quelques incursions au Canada et aux Etats Unis d’Amérique et des comparaisons avec les pays de culte musulman.

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De fait nos sociétés sont au niveau de la nudité, fortement marquées par la Genèse. Le judaïsme, le christianisme, l’islam enseignent qu’Adam et Eve comprirent qu’ils étaient nus et ne se vêtirent que quand ils furent chassés du Paradis. Vivre sur la terre sous-entend que l’homme et la femme se doivent d’être habillés. Peu importe comment, le tout est d’être vêtu. De fait dans ces sociétés, la nudité est (encore) liée avec la sexualité. Et la façon dont la femme se doit d’être habillée (on nese pose pas de question pour les mâles) est liée à la représentation sexuée de leurs corps. Chez les fondamentalistes tant juifs que musulmans, il faut qu’un maximum de peau féminine soit couvert sous peine d’exacerber les instincts sexuels des hommes. Dans les sociétés occidentales, depuis les années soixante, les femmes s’habillent de plus en plus « léger », mais surtout la publicité, les médias, etc., nous montrent des corps tant féminins que masculins plus ou moins dévêtus, voire nus (pensons à certains calendriers de sapeur-pompiers ou de rugbymen qui n’ont rien à envier à ceux des routiers). De plus les moyens de communication modernes comme internet, déversent des images de corps nus et d’actes sexuels dans toutes ces sociétés.

Pour autant, surtout dans l’espace public, la nudité, quand elle n’est pas sur un support, est peu admise. Réprimée fortement en France ou en Ecosse, tolérée en Espagne ou en Norvège. Il y a des lieux dédiés à la nudité, lieux où nudité et sexualité n’ont plus de rapport, mais ce sont des lieux privés, fréquentés exclusivement par des personnes qui veulent être nues sans que des tiers puissent être « choqués ».

[**Hubert Prolongeau*] différencie les hédonistes en quête d’une sorte de communication avec la nature d’avec les militants qui se servent de la nudité comme d’une arme politique, revendicative, les dernières étant les FEMEN (très bonne analyse de ce mouvement dans lequel l’auteur montre l’échec de sa démarche, ses contradictions, son coté caricatural). De fait celui qui ose se mettre nu dans un espace public, expose tout à la fois la pureté de son approche et la radicalité de sa détermination. Comme arme revendicative, la nudité montre aussi la fragilité de celui ou de celle qui porte un message. Nu devant des CRS ne met pas en position de force (physique s’entend), car au niveau de l’image, du moyen, du support de communication, la nudité bien employée peut se transformer en une arme puissante En même temps, il faut relativiser, il est bien moins dangereux de revendiquer nu en Europe qu’en Egypte…

Hubert Prolongeau nous démontre que le corps qui se dénude, qui conteste, qui ne fait que se montrer est une forme de langage (sans mots), langage qu’il s’efforce de décrypter. Voilà un petit essai qui permet de mieux appréhender ce nouveau phénomène qu’est l’irruption de la nudité dans notre quotidien. Le tabou de la nudité tend à s’estomper. Jusqu’où ? Ne va-t-il pas y avoir un « recul ». Seul le temps répondra à ces questions.

[** Pierre de Restigné*]|right>


[**« Couvrez ce sein… » La nudité dans tous ses états
Hubert Prolongeau*]
éditions Robert Laffont. 12€
Collection Nouvelles mythologies


Illustration de l’entête : Femme nue cuisses ouvertes, Egon Schiele (1914). Gouache encre sur papier, Cabinet des arts graphiques, Albertina, Vienne. Autriche


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WUKALI Article mis en ligne le 31/08/2018)]

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