Two paintings attributed to Vermeer, in fact vulgar fakes
[**Vermeer*] (1632-1675), de Delft, est un peintre que tout le monde connaît. Ses rares œuvres ( moins de quarante) sont aujourd’hui accrochées aux cimaises de quelques uns des plus chanceux musées du monde ( Le Louvre en possède deux).
Nous savons peu de chose sur sa vie et sa carrière. Seulement qu’il vécut toute son existence à [**Delft*] (Pays-Bas) et que son travail s’étendit sur une courte période : une vingtaine d’années. Nous ignorons quelle fut sa formation et quel fut le développement exact de sa pensée artistique.
Il semble avoir bénéficié de puissants commanditaires locaux, sans que cela dépasse sa province, puis il tomba dans l’oubli jusqu’à sa redécouverte au dix-neuvième siècle. Ce qui explique, partiellement, les difficultés à reconstituer son histoire.
Ayant épousé une catholique, certains considèrent qu’il s’est converti. C’est possible mais nous n’en avons aucune preuve véritable. Peut-on affirmer que la psychanalyse sous-tend ses tableaux ? Sur ce sujet aussi règne l’incertitude, malgré quelques indices en ce sens. Autre point d’interrogation, pour lequel notre époque a levé les doutes: utilisait-il « la chambre noire »* pour construire ses tableaux ? C’est le cas.
Autre problème, lié à la méconnaissance et à l’incompréhension des caractéristiques du peintre que nous avions encore en 1945 : les faux Vermeer de [**Van Megeren*]. Le procès porta un coup si terrible à la critique artistique, qui avait encensé les découvertes, qu’il fut impossible, et reste ardu actuellement, d’avoir une perception sereine de l’œuvre du maître.
Il fallut donc revenir aux fondamentaux de l’histoire de l’art et reconstituer, pas à pas et sans aucune idée préconçue, les lignes de force de son œuvre. Ce fut un lent travail qui s’étendit sur plus de 50 ans. Il ne put être mené à bien que par l’utilisation des techniques modernes d’investigation scientifiques appliquées à l’art : scanner, analyse des pigments,rayons X…
On dira qu’une toile de Vermeer est le résultat d’une synthèse, équilibrée, entre expression réaliste d’un espace privé et signification symbolique, souvent allusive et ambivalente.
La cohérence dont font preuve les tableaux de Vermeer, immédiatement perceptible par le spectateur, est une marque inimitable, que ses suiveurs et les faussaires n’ont jamais pu rendre correctement. Elle se base sur des accords colorés spécifiques de bleu outremer (issu du lapis-lazuli) et de jaune, sur une impressionnante maîtrise d’une lumière chaude et puissante, sur une géométrie spatiale, issue de l’utilisation de la chambre noire, donnant des perspectives centrales parfaites. Chez lui domine la contemplation, l’aspect narratif devenant secondaire.
Si sa touche est vive, rapide et précise, ses couleurs pures sont étalées en surfaces larges et épaissies. Les couches de pigments et de vernis sous-tendent la brillance et la juvénilité des teintes qui lui sont typiques.
Autre élément troublant qui s’est dégagé peu à peu : l’incroyable différence entre ce que nous savons de la vie de l’artiste et ce qu’il montre dans ses tableaux : il a eu onze enfants, donc la maison devait être très bruyante. Alors qu’il nous propose des scènes d’intérieur sans rejetons, très réflectives, où règne un silence ouaté ! La sensation induite ressentie en est « quelque chose de miraculeux et d’irréductible à l’interprétation »**.
Maintenant, les deux tableaux en question : ils appartiennent à la National Gallery of art de Washington, venant de provenances différentes. Leurs dimensions sont proches : 23,2×18,1cm pour la première(La dame au chapeau rouge ) ; 20,7×17,8cm pour la seconde ( La jeune fille à la flûte).
Ce sont de petites œuvres peintes sur panneau de bois (du chêne?). Les seuls sur ce support dans le corpus du peintre parvenu jusqu’à nous, mais nous savons que l’atelier de Vermeer en contenait à son décès (inventaire de 1676). Les similitudes des traits du modèle ne laissent aucun doute : c’est la même femme qui a posé. « La dame au chapeau rouge » est orientée vers la droite du spectateur, « La jeune fille à la flûte » vers sa gauche. La question s’impose : s’agit-il d’une paire ?
On remarquera que la lumière vient de droite dans les deux cas, fait exceptionnel chez Vermeer car seules trois œuvres présentent cette anomalie : ces deux-ci et « La dentelière » conservée au Louvre. L’autographie de cette dernière, de taille réduite également, est sans discussion. Cet état de fait ne peut donc pas être considéré comme une preuve certaine.
Observons les teintes utilisées : rouge pompeux du chapeau, bleu criard pour la robe et blanc du foulard au milieu. Aucune de ces trois couleurs ne rejoint une autre, ni ne cohabite avec à ses limites, ne l’exalte donc pas comme le rendrait le travail d’un grand maître. Les ombres sur le visage de « La dame au chapeau rouge » sont à base de terre verte, ce qui se voit à l’œil nu mais qui est très inhabituel pour le peintre, bien qu’assez courante à l’époque: ce portrait est donc du 17ème siècle . Une analyse récente des pigments constitutifs de « la joueuse de flûte » a abouti à la même constatation sur l’ancienneté des pigments : ils sont, plus ou moins, de la même époque. La conclusion s’impose donc : les deux tableaux sont d’un suiveur de Vermeer, peut-être même de son temps. Mais le pasticheur n’avait pas le talent nécessaire, c’est le moins que l’on puisse dire !
Des radiographies récentes ont révélé un fait inattendu : « La dame au chapeau rouge » est peinte sur un portrait d’homme au grand chapeau dans le style de [**Rembrandt*]…
La fragilité de la critique sur les œuvres de Vermeer n’est plus à démontrer depuis l'[**affaire Van Megeren*], c’est connu. Il est d’autant plus insensé d’avoir maintenu si longtemps ces deux peintures dans le corpus de l’artiste. C’est seulement depuis quatre ou cinq ans que la vérité sur leur autographie a transpiré auprès du grand public. Alors que les initiés le savaient depuis des lustres…
*Instrument optique objectif permettant d’obtenir une projection de lumière sur une surface plane, c’est-à-dire une vue en deux dimensions proche de la vision humaine.
**Ernst Hans Gombrich : Histoire de l’art, Phaidon Paris 2001, page 433
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WUKALI Article mis en ligne le 08/12/2018)]