The coalescing feeling between actual sites and places and their past memories
Combien, devant un édifice, des ruines, un paysage, un objet, parlent de la mémoire des lieux et tentent de se projeter pour essayer de vivre en spectateur les faits qui y sont attachés. En spectateur, pas en acteur, on reste en quelque sorte dans le présent en scrutant le passé. Une temporalité différente, une distance entre l’histoire et le spectateur.
[**Alain Monnier*] ne recherche pas la mémoire des lieux qu’il visite, il a une démarche bien autre, il va au delà de mémoire, il va en quête de « la substantifique moelle » des faits qui s’y sont déroulés. Pour l’auteur : « L’esprit des lieux, c’est l’étrange conjonction qui mêle le paysage, le climat, le temps passé et le temps présent, notre imagination et nos savoirs, les couleurs du ciel et de la terre. L’esprit des lieux est le miracle qui nous permet de côtoyer nos frères des temps perdus, d’échapper à l’incessante mobilité pour renouer avec la permanence, de sentir l’éternité en même temps que le présent. »
D’aucuns diront que c’est une quête proche de celle des romantiques sur les pas de [**Goethe*], ne pas rester passif mais entrer dans l’âme des faits non pour en être acteur mais vivre en empathie avec eux. Et à partir de là, il essaie de scruter l’intérieur de son âme, les lieux comme révélateurs de l’homme qu’il est.
Cette vraie alchimie ne se fait pas n’importe où, n’importe quand non plus, car, comme il le précise « On ne décrète pas l’émotion forgée par un lieu, pas plus qu’on choisit le lieu de nos émotions. »
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[**Alain Monnier*] nous livre ses émotions, ses réflexions sur lui -même à travers six lieux, six visites qui vont de la[** grotte de Niaux*] et ses peintures rupestres au [**camp de Rivesaltes*], lieu où la France a trahi tous ses idéaux, en passant par la [**Chapelle des Carmes*], lieu de massacres et d’intolérance sous la Révolution (et ses lignes ont d’autant plus de force actuellement avec la crise des gilets jaunes : «Le peuple est toujours le lieu du lien et de l’entraide, celui du don, du sentimentalisme, d’un bon cœur, mais aussi bien que celui des pogroms, de la chasse aux homosexuels, de la soif de vengeance aveugle, de la haine de la différence, du lynchage en tout genre… Les révolutions sont les heures de gloire des forts en gueule, des médiocres qui trouvent là le chemin d’une ascension que leur talent n’a pu leur ouvrir… ».
Il se dégage de ces vraies errances un sentiment de nostalgie, due, non à l’idée que « c’était mieux avant », mais que le présent est aussi fait de la mort, du sacrifice d’autres êtres humains qui ont aimé, parfois souffert, mais sans qui, du Magdalénien qui dessinait des bisons au fond d’une grotte, à la petite fille perdue dans un camp car juive, nous ne serions pas qui nous sommes. Une vraie chaîne humaine qui transcende le temps. Chaque homme est le réceptacle de toute l’humanité.
[**L’esprit des lieux
Alain Monnier*]
éditions Flammarion. 17€
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WUKALI Article mis en ligne le 22/03/2019
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